Catégorie : Réduction des risques - 10 avril 2017 à 12:25
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Intervenant Nuit Blanche a écrit
Encore une fois, c'est ta propre expérience !
Non je n'ai pas eu de la chance, j'ai parlé de mon expériences des drogues (au moment ou j'ai postulé, j'avais tout arrêté depuis 14 ans), mais je suis aussi un travailleur dans le milieu socio médical depuis 15 ans, donc non, c'est pas de la chance, c'est du travail et de l'expérience (personnelle et professionnelle).
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En ce qui me concerne, je ne consomme plus d'héroïne depuis 20 ans, même si je n'y ai jamais été dépendant. Autrement, j'ai aidé mon ex à se sortir de sa dépendance à l'héroïne et elle ne consomme plus ni héroïne, ni méthadone depuis 12 ans.
J'ai un master en sciences sociales. Une connaissance étendue de la rdr et des politiques des drogues, en Suisse et à l'étranger, grâce à un stage chez ceux qui vous forment et organisent vos plateformes et dans une ONG internationale basée à Londres, active dans le domaine des politiques des drogues et qui représente plus de 170 ONG dans le monde. J'ai aussi une expérience pratique dans l'insertion, acquise lors d'un stage dans une fondation basée à Morges que tu dois connaître.
T'en connais beaucoup des usagers qui travaillent dans les locaux de consommation à moindres risques et d'échange de matériel stérile? (Il y a les paroles et il y a des actes).
Et si je peux me permettre une question, à part toi, il y a encore combien d'usagers ou d'ex-usagers qui travaillent à Quai 9? Ou si tu travailles seulement à Action Nuit Blanche, sais-tu s'il y a des usagers qui travaillent à Quai 9 et, le cas échéant, combien ils sont et s'ils ont été engagé récemment (il y a moins de 4 ans)? Et bon si tu travailles seulement à Action Nuit Blanche (RDR en milieu festif), c'est vrai qu'ils recherchent des pairs. Par contre, je suis convaincu que si tu avais voulu travailler à Quai 9, ils t'auraient dit non. J'ai eu un écho comme quoi ils ont fait le test par le passé et qu'il y a eu des problèmes. Au lieu de réfléchir à des solutions, il me semble bien qu'ils ont abandonné l'idée d'engager des usagers (et je ne sais pas si c'est parti de là , mais il y a des réticences plus étendues dans le réseau). Mais en ce qui me concerne, vu la réaction de la personne dont j'ai parlé plus haut, il est évident que quand j'ai dit "j'ai une expérience de la consommation de drogues", elle a directement assimilé ça à UN PROBLEME de drogues et elle n'a même pas cherché à en savoir plus. La discussion était close. En plus, je ne lui avait même pas demandé de travail, alors c'était particulièrement déplacé de dire ça.
Jean C. a écrit
Mais c'est la conséquence directe de la prohibition et des problèmes sociaux qui mènent à l'addiction.
Donc, tu as raison: l'addiction est un problème de comportements (causé par des facteurs sociaux). Donc, nous sommes d'accord pour dire que l'addiction n'est pas une maladie, pas non plus un problème de santé publique, mais un problème social. C'est cela que signifie ce que tu as écrit.
Par contre, il faut que tu prennes conscience du fait que cela ne correspond certainement pas à la représentation que s'en font tes patrons et la plupart de tes collègues. Tes collègues parleront de "substance use disorder", donc, d'un trouble psychique, ce qui ne correspond pas à la réalité, tout en étant extrêmement stigmatisant pour les personnes qui ont une consommation problématique de substance(s) liée à une situation sociale difficile.
Donc, en caricaturant à peine, tes patrons et la plupart de tes collègues (au sens large, au-delà de la RDR en milieu festif) se représentent les personnes dépendantes comme des malades mentaux. Et c'est justement là que cela ne va pas du tout... En plus, comme ils ne tiennent pas compte qu'environ 90% des usagers (selon l'OMS et l'ONUDC, entre autres) n'ont pas de conso problématique, ils utilisent le terme usager comme un substitut au terme de "toxicomane" en pensant qu'ainsi, ils stigmatisent moins les usagers dépendants, mais ils ne se rendent même pas compte qu'en faisant cela, non seulement ils stigmatisent les usagers dépendants en les considérant comme des malades mentaux, mais en plus, par extension, ils qualifient du même coup TOUS les usagers de malades mentaux.
A mon sens tu fais bcp trop de raccourcis
Ton discours sent la colère et la vengeance
Tu stigmatises toi même les travailleurs sociaux de la Rdr et te plaint qu'ils stigmatisent les usagers, c'est tellement paradoxal
Règle tes problèmes personnels et ouvre toi sur quelque chose de plus collectif
Une addiction est certes un problème de comportement, ça oui, mais les facteurs sont multiples. Tu extrapole complètement quand tu dis que les acteurs de la Rdr voient les usagers comme des malades mentaux. La je peux pas te laisser dire ça, c'est tellement irrespectueux du travail effectué sur le terrain.
Un usager à la base cherche à résoudre des problèmes d'angoisse, de confiance, à apaiser des symptômes physiques, à se démarquer ou se rebeller face à la société, est à la recherche de plaisir, recherche des expériences mystiques, spirituels ou que sais je encore ! Chacun a sa motivation. Et l'addiction arrive quand le produit, la substance, devient une nécessité, une béquille et que le corps, le cerveau, la part émotionnelle ou le psychisme le réclame. C'est valable pour les drogues comme pour d'autres choses : le sport, le travail, le sexe, les jeux, la télévision,...
Est ce forcément lié à un aspect social ? Pas forcément puisque au départ, c'est un problème entre soi et soi... qui ensuite peux entrainer un déséquilibre social et médical.
Bref, ta vision me semble faussée par quelques petites mauvaises expériences
INB
Jean C. a écrit
TOUS les usagers de malades mentaux.
Voila ou tu fais l'amalgame :
Le CIM parle de troubles mentaux et de comportement pas de maladie mentale
Travaillant comme éducateur dans le handicap mental, je t'assure que le terme n'est pas du tout le même
Je t'invite a réfléchir la dessus
L'opinion publique s'est focalisée sur le mal que les dépendants (*Addicts dans le texte) se font à eux-même et à leur entourage, d'autant plus ces dernières années. La façon dont nous percevons l'addiction change, mute et progresse probablement dans le même temps. Nous avons commencé à séparer de notre représentation de l'addiction, des préjugés d'échec moral. Nous avons moins tendance à considérer les dépendants comme juste indulgents, lâches ou manquant de volonté. Il devient plus difficile de reléguer l'addiction aux clochards, aux jeunes aux visages décharnés qui tanguent devant nos voitures aux feux rouges. Nous voyons que l'addiction peut survenir dans le jardin de n'importe qui (*in anyone's backyard). Elle attaque nos politiciens, nos artistes, nos proches et souvent nous-mêmes. Elle est devenue omniprésente, prévisible, comme la pollution de l'air ou le cancer.
Expliquer l'addiction semble plus important que jamais. Et la première explication répendue pour la majorité des gens, c'est que l'addiction est une maladie. Quoi d'autre qu'une maladie pourrait frapper n'importe qui, n'importe quand, dérober leur bien-être, leur self-control, et même leurs vies ? Beaucoup d'organisations de santé publique et de docteurs reconnus l'appellent maladie. Centres de cure, conseillers en toxicomanie et les programmes en 12 étapes l'appellent maladie. Les recherches des vingt dernières années ont trouvé des preuves indiscutables de changements dans la structure et la fonction cérébrale parallèlement à l'abus de substances. Les études génétiques révèlent également des traits héréditaires qui prédisposent les personnes aux addictions. Tout ça semble correspondre à la définition de l'addiction - comme une maladie physique. Et ça nous donne de l'espoir, de l'indulgence, parce que la notion est sensible, confortable à sa façon et fait partie de notre réalité commune. Si l'addiction est une maladie, alors il devrait y avoir une cause, une évolution temporelle / un déroulement temporalisé, et un traitement possible, ou au moins des méthodes de traitement uniformisées. Ce qui signifie que nous pouvons nous en remettre aux professionnels et suivre leurs instructions.
Mais l'addiction est-elle vraiment une maladie ?
Ce livre s'attache à démontrer que non. L'addiction résulte, au contraire, d'une répétition motivée des mêmes pensées et comportements jusqu'à ce qu'ils deviennent habituels. Donc l'addiction se développe - c'est un apprentissage - mais elle est apprise plus profondément, plus vite que la plupart des autres habitudes, à cause d'un chemin (*tunnel) étroit entre attention et attraction. Un examen précis du cerveau souligne le rôle du désir dans ce processus. Le circuit neuronal du désir gouverne l'anticipation, l'attention particulière et le comportement. Donc les buts les plus attractifs seront poursuivis de façon répété, alors que les autres perdront de leur attirance, et cette répétition (plutôt que la drogue, l'acool ou les jeux d'argent) modifiera le système cérébral. Comme avec les autres habitudes d'apprentissage, ce processus est encré dans une boucle de réatroaction d'agents neurochimiques, qui sont présents dans tous les cerveaux normaux. Mais ce cycle se répète d'autant plus continuellement lorsqu'il y a récurrence du désir, et réduction de ce qui est désiré (*the shrinking range of what is desire). L'addiction découle du même sentiment qui unit les amoureux l'un à l'autre, ou les enfants à leurs parents. Elle se construit aussi avec les mêmes mécanismes cognitifs, qui nous font valoriser des gains à court terme plutôt que des bénéfices à long terme. L'addiction est indiscutablement destructive, pourtant elle est aussi étrangement/ singulièrement normale : une caractéristique inéluctable de la conception humaine de base. C'est ce qui la rend si difficile à saisir - socialement, scientifiquement et cliniquement.
Je pense que la notion de maladie est fausse, et que son inexactitude est aggravée par un regard biaisé sur les données neuronales - et par les habitudes des docteurs et scientifiques à ignorer le singulier. C'est une idée qui peut être remplacée, pas en évitant la biologie de l'addiction mais en l'examinant de plus près, puis en la connectant à l'expérience vécue. Les recherches médicales ont raison sur le fait que le cerveau change dans l'addiction. Mais la façon dont il change est en rapport avec l'apprentissage et le développement - pas la maladie. L'addiction peut dès lors être vue comme un développement en cascade, souvent préfiguré par des difficultés dans l'enfance, souvent boosté par le rétrécissement de la perspective / une perspective étroite (*by the narrowing of perspective) avec des cycles récurrents d'acquisition et de perte. Comme avec les autres acquis développementaux, l'addiction n'est pas facile à renverser, car elle exige la restructuration du cerveau.
Comme les autres acquis développementaux, elle découle de la plasticité neuronale (= La plasticité cérébrale décrit la capacité du cerveau à remodeler ses connexions en fonction de l'environnement et des expériences vécues par l'individu), mais son effet réel est, entre autre, la réduction de cette plasticité, au moins pour un moment.
L'addiction est une habitude, qui, comme beaucoup d'autres habitudes, s'implante par l'entremise d'une diminution du self-control. L'addiction est définitivement une mauvaise nouvelle pour le dépendant, et tout ceux qui dépassent la limite (*all those within range). Mais les sévères conséquences de l'addiction n'en font pas une maladie, pas plus que les conséquences terribles de la violence n'en font une maladie, pas plus que les conséquences du racisme font du racisme une maladie, ou la folie d'aimer le voisin de sa femme font de l'infidélité une maladie.
Ce qu'elles font c'est une très mauvaise habitude.
Jean.C, j'espère que tu trouveras un job dans la RDR, se remettre en question et continuer de se former toute sa vie, sont pour moi les qualités de base pour tout professionnel de la santé.
La toxicomanie n’est pas une maladie et l’industrie de la désintox est une imposture, affirme un neuroscientifique.
NEIL SHARMA
Jan 12 2017, 1:00pm
«La dépendance, c’est une acquisition, comme quand on est amoureux»
Marc Lewis est passé par le long et sombre tunnel de la dépendance à l'opium, mais en est sorti et est aujourd'hui neuroscientifique, journaliste scientifique et écrivain. Son best-seller autobiographique, Memoirs of an Addicted Brain, est le récit de sa vie de toxicomane entrecoupé de leçons de science sur les réactions du cerveau à chaque substance. Dans son plus récent livre, The Biology of Desire: Why Addiction Is Not a Disease, il affirme qu'étiqueter la dépendance comme une maladie est non seulement trompeur, mais aussi dangereux.
VICE a interviewé par Skype ce professeur émérite de l'Université de Toronto et membre du corps enseignant de l'Université Radboud de Nijmegen aux Pays-Bas.
VICE : Pourquoi pensez-vous que l'industrie de la désintox est une imposture?
Marc Lewis : Je ne vois pas l'industrie comme une conspiration diabolique, mais ça dépend où vous êtes. Aux États-Unis, les traitements, les doses des substituts de l'opium et la période pour s'en sortir sont souvent inadéquats. Il n'y a pas assez d'aide individuelle. Il y a des politiques générales, sans bénéfices pour les toxicomanes, et les soins médicaux ne sont en général qu'un petit aspect du programme. La méthode en 12 étapes, c'est de 80 % à 90 % du programme. On y ajoute des thérapies de groupe, dans lesquelles on explique comment arrêter de se trouver des excuses. Pour certains, ça peut marcher, parce qu'on les sort de leur milieu et de la drogue. Mais ça ne marche pas à long terme, parce qu'ils retournent dans leur milieu, où se trouvent tous les éléments déclencheurs. On ne les aide pas à acquérir les aptitudes psychologiques dont ils ont besoin pour s'en sortir.
Pourquoi est-ce que les cures en centre de désintox coûtent une fortune?
C'est exactement le point. Dans le haut de gamme, c'est de 50 000 $ à 100 000 $ par mois. Vous payez pour un traitement de luxe cinq étoiles. Des personnes que je connais y sont allées et ont eu des repas gastronomiques avec vue sur le Pacifique et des massages des pieds. Le vrai traitement ne coûte pas si cher. On paye pour du temps, des médecins et d'autres professionnels. Parfois, ceux qui dirigent ces centres sont d'ex-toxicomanes qui n'ont suivi qu'un bref cours intensif et n'ont pas les compétences requises. Il n'y a pas de réglementation ni de supervision. C'est le bordel. Sinon, il y a les centres de désintox publics, mais les listes d'attentes sont souvent longues, et vous devrez faire d'autres compromis. La période d'attente en elle-même est un problème grave, parce que les toxicomanes ne sont d'accord pour arrêter que pendant un certain laps de temps. Le temps a beaucoup d'importance.
Est-ce que les centres de désintox poussent volontairement leurs patients dans une voie qui mène à l'échec pour qu'ils reviennent et dépensent plus?
Je ne pense pas que ce soit la norme. Dans certains cas, c'est peut-être une grande motivation, mais ce n'est qu'une hypothèse. Qui sait? Des consortiums possèdent et dirigent plusieurs centres à différents endroits. Des patients peuvent être transférés d'un endroit à l'autre, de façon insidieuse. Vous commencez votre cure dans une maison avec huit autres personnes et, quelques semaines plus tard, vous vous retrouvez dans le dortoir d'un autre centre. Les patients ont l'impression qu'on ne se préoccupe pas d'eux, ils sont en colère, mais ils ne peuvent pas faire grand-chose parce qu'ils sont dans le système et ont payé une somme très importante. Ils sont coincés et personne ne supervise. Chacun fait ce qu'il veut.
Je critique le modèle médical qui soutient la philosophie de l'industrie de la désintox. À cause du grand taux d'échec, le modèle médical et la définition de la dépendance devraient être sérieusement revus. Mais ce n'est pas le cas et c'est un problème. C'est un système qui se renforce lui-même: on vous annonce que vous avez une maladie chronique qui va vous tuer, alors vous feriez mieux d'aller en désintox.
Le modèle selon laquelle il s'agit d'une maladie a beaucoup de poids, surtout parce qu'il est soutenu par beaucoup d'organisations de premier plan, comme le NIDA (National Institute on Drug Abuse). Selon des rapports, le NIDA finance environ 90 % de la recherche sur la toxicomanie dans le monde. On donne de l'argent à des chercheurs qui étudient les mécanismes biologiques et cellulaires liés à la dépendance, mais on ne donne rien à ceux qui remettent en question le modèle de la maladie. Le système qui se maintient lui-même en place.
La médecine n'a rien à proposer aux toxicomanes?
Beaucoup d'experts en toxicomanie sont d'avis que se prendre en main, se motiver, se trouver des activités et se donner des objectifs soi-même sont des étapes essentielles pour vaincre la dépendance. La médecine, elle, vous dit que vous êtes un patient et que vous devez faire ce que le médecin prescrit.
Dan Morhaim, un médecin et politicien du Maryland dit que la dépendance «est un enjeu médical qui a de désastreuses conséquences sociales». C'est très typique. En changeant l'ordre des mots, on arrive à une affirmation beaucoup plus juste : c'est un enjeu social qui a de désastreuses conséquences médicales.
Les peines de prison pour les toxicomanes et la prohibition sont responsables de beaucoup des dommages relatifs à la toxicomanie. La prohibition crée un passage très étroit par lequel les toxicomanes doivent passer et qui les mène vers le crime, qui donne des ressources aux organisations criminelles et qui enrichit les cartels. Par contre, au Maryland, le Dr Morhaim propose que des médecins donnent gratuitement de l'héroïne aux accrocs à l'héroïne. La Suisse, l'Allemagne et le Danemark l'ont essayé, et on a noté une réduction de la criminalité.
Pourquoi étiqueter la toxicomanie comme une maladie ferait obstacle au traitement approprié?
D'abord, considérer les toxicomanes comme des patients les rend passifs, fatalistes et pessimistes. Si on vous dit que c'est une maladie cérébrale chronique qui est à l'origine de tous vos problèmes, vous penserez que vous ne vous en sortirez jamais. Mais, en fait, la plupart des toxicomanes s'en sortent. Les statistiques sont sans équivoque, autant pour les drogues douces que les drogues dures comme l'héroïne.
Ensuite, les autres approches basées sur des méthodes psychologiques individuelles restent dans l'ombre. Différents types de psychothérapie, le soutien, les réseaux d'entraide et la méditation se sont aussi révélés efficaces. Mais, si vous pensez que vous avez une maladie chronique et que votre médecin le pense aussi, personne ne vous recommandera la méditation, même si on a constaté qu'elle est très efficace.
La dépendance est un phénomène purement comportemental plutôt que psychologique?
C'est une autre divergence. D'un côté, il y a la dépendance à la drogue, et de l'autre les dépendances comportementales : le jeu, le sexe, la porno, les troubles alimentaires, les jeux vidéo. Quand on regarde des IRM du cerveau, on voit que les schémas d'activation neuronale chez les toxicomanes sont les mêmes que chez ceux qui ont des dépendances comportementales. Ce devrait être suffisant pour faire tomber le modèle de la maladie cérébrale.
Le point commun de toutes ces dépendances, c'est l'apprentissage profond. C'est une acquisition enracinée par la répétition, mais ce n'est pas du tout une maladie. Les accrocs se sortent de toutes sortes de dépendances. C'est une affaire de plasticité neuronale. On ne revient pas à l'état dans lequel on était avant, le développement ne va jamais à rebours, mais on gagne des compétences qui nous aident à vaincre nos pulsions et on acquiert de nouvelles habitudes cognitives. Tout apprentissage entraîne des changements neuronaux : la création ou le renforcement de synapses et l'affaiblissement et la disparition d'autres synapses qui ne sont plus utilisées.
On devine pourquoi vos théories ne sont pas populaires dans l'industrie de la désintox. Est-ce qu'on a publiquement mis votre crédibilité en doute?
Oui, on m'a sévèrement critiqué. Le Washington Post m'a qualifié de « fanatique » [ zealot]. En général, ceux qui sont dans le camp de la médecine essaient de ne pas tenir compte des gens comme moi. Mais la vague gagne de la force. Je ne suis pas le seul. Par contre, ce qui me distingue, c'est que je peux parler leur langage parce que je connais le cerveau. J'ai parlé à Nora Volkow, [la directrice] de NIDA, qui a une grande influence politique. Elle ne veut pas m'entendre. Pour elle, il faut dire aux toxicomanes qu'ils ont une maladie cérébrale chronique pour réduire la stigmatisation. Mais moi et d'autres, on dit que non, ce n'est pas une maladie cérébrale. Un changement cérébral, d'accord. Et c'est ce qu'un cerveau est censé faire : il apprend.
Est-ce que c'est plus facile de se débarrasser d'une dépendance à une certaine période de sa vie?
Oui, certainement. Premièrement, toutes les dépendances ont une durée moyenne. Gene Heyman a mené beaucoup de recherches sur ce sujet. La durée médiane d'une dépendance à la cocaïne est de quatre ans. La durée médiane pour l'alcool est de 12 à 15 ans. Mais ce sont des médianes : la durée varie. Deuxièmement, le cerveau continue de se développer pendant l'adolescence et la vingtaine. Dans la vingtaine, on dispose de plus de neurones pour nous aider à nous contrôler. Troisièmement, quand on avance en âge, les circonstances changent. À l'approche de la trentaine, on se rend compte qu'il faut se contrôler. Ce sont de bonnes raisons pour lesquelles l'âge a de l'importance.
Est-ce qu'il y a un lien entre la diminution de la stigmatisation et la persistance de la théorie de la maladie dans un monde où le langage doit être politiquement hypercorrect?
Je pense que oui. Si vous avez une maladie et que ce n'est pas de votre faute, vous n'êtes donc pas paresseux, égocentrique ou lâche. Vous avez une maladie et vous ne devez pas avoir honte ou vous sentir coupable. C'est pratique pour pardonner aux toxicomanes et aider les toxicomanes à se pardonner. C'est politiquement correct. L'idée selon laquelle il n'y a que deux options, soit une maladie, soit une indécence éhontée qu'il faut condamner, est ridicule. Ce n'est pas tout blanc ou tout noir. Nous pouvons à la fois ne pas étiqueter la toxicomanie et rester humains.
Dans des mots de tous les jours, qu'est-ce qu'une dépendance si ce n'est pas une maladie?
La dépendance, c'est une acquisition. Très simplement, c'est l'acquisition d'une habitude psychologique, une acquisition profondément enracinée. Comme quand on est amoureux. Si la personne que vous aimez devient violente avec vous, vous pourriez continuer de l'aimer pendant 12 ans ou le reste de votre vie. C'est une autre forme d'acquisition. Même chose quand on est partisan d'une équipe ou jihadiste. La religion est une profonde manifestation de l'apprentissage profond. Et certaines dépendances créent une dépendance physique, ce qui ajoute une couche au problème.
Comment on s'en sort?
Les outils psychologiques et interpersonnels sont très importants. La dépendance est liée à l'isolement et à la solitude, à l'absence de proches et de relations profondes. Ceux qui n'ont pas de relations harmonieuses et satisfaisantes sont très vulnérables aux dépendances. Ils sont seuls, déprimés, anxieux, traumatisés. Comme dans Rat Park [une étude canadienne sur la dépendance à la drogue effectuée avec des rats]. Ce que je dis ne s'applique pas seulement aux humains, mais aux autres animaux aussi. L'isolement est très néfaste, c'est le fondement de la dépendance
pierre a écrit
Avec Marc Lewis, tout est dit !
Sur Psychoactif nous pensons fermement qu'il a raison !
Nous allons voir si il ne pourrait pas venir discuter avec nous !
Quel bonheur! C'est génial. Excellente idée de l'inviter! J'adore ce forum. Vous êtes géniaux.
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