L'argent de la dope, partie II
Cela faisait longtemps, que je ne m’étais pas retrouvé si démuni, car la richesse vient des liens, de famille, d’amitié, de commerce, mais aussi de solidarité, et avec l’age, la solitude et l’isolement créé par la vie, ce qu’on met des ans à bâtir peut être balayé en une OD, ou un coup de canif au contrat, retour de karma, que ce soit le décès d’un proche, un divorce, une arrestation, un
flash-back de ses années passées à courir après du pognon pour payer sa poudre. L’addition de l’addiction est une sanction sociale impitoyable.
Le covid a agit comme je m’y attendais, un révélateur, ceux avec qui vous étiez sont vos proches, si vous étiez seul comme moi, c’est que vous êtes seul, dans la vie. Cela ne change pas grand-chose, me direz -vous. Mais voilà pourquoi j’ai commencé et continué à me droguer, pour combler ce vide. Qui persiste, ma solitude est indélébile et marque à vie une couche d’intimité qui vous rend inaccessible à vous même, enfin à l’autre en soi, à la relation en général.
Alors qu’on place des humains à l’isolement, en QHS ou à la guillotine sèche, on interdit l’enfermement des singes et rats pour les tests de laboratoire. Car ces animaux, sociaux, une fois isolés, voient leur cerveau s’atrophier, dépriment faute d’être stimulés. Et se laissent mourir.
Si bien qu’il est interdit de les enfermer seul.
Par contre si vous avez vu la série Netflix sur Kalief Browder, un jeune noir innocent, emprisonné sans jugement à Rikers Island (île prison de New York), qui a passé plus de dix mois, 14 je crois, isolé.
Il faut savoir que tous les hommes (et femmes) placé(e)s à l’isolement (qui pourraient être contents d’échapper à la loi de la jungle du groupe dominant, le gang de la maison, alliance de matons et du «programme» de Rikers) tentent systématiquement de se suicider, mangent leurs excréments et se comportent comme des animaux en cage, ce qu’ils sont.
En gros les matons laissent le groupe de prisonnier le plus fort faire la loi dans la prison.
Sinon c’est le mitard.
Et même reconnu innocent, pour Kalief, c’était trop tard, libéré, rendu célèbre par l’aide de Jay Z, il a fini par se pendre avec succès, de la fenêtre de chez sa mère.
Qui, elle est morte d’une crise cardiaque peu après.
Regardez-le ce documentaire en série, en tout cas, Trump ou Obama, les affiches de «Black lives matter» sont partout dans Brooklyn et NYC.
Quand je pense que deux squads de la NYPD me cherchaient dans Brooklyn, et m’attendaient (littéralement), au tournant, quand j’allais pécho mon ‘stamp’ (10s) ou ‘twenty’(20s) de rock (caillou)…
Et que j’étais convoqué au tribunal de Brooklyn où j’aurais été forcé de plaider coupable, avant d’être pris en récidive (ou ne pas me présenter, devenir un fugitif à enfermer, délit fédéral qui fait la fortune des chasseurs de prime, ‘bounty hunters’), et d’ajouter un blanc aux statistiques des forces de police, qu’on reproche d’être trop racistes.
Mon flic zélé à moi était noir, et ne me lâchait pas, interrogeant tous les toxs du quartier pour me coincer, et me fouillant chaque fois que je passais.
Il n’y a pas que des violences racistes dans la police, il y a des violences tout-court!
Le repenti, ex-tox, qui s’en est sorti est un
héros, mais au bout de deux faux pas, c’est tous les compteurs sous le zéro.
On se refait…
En fait je ne sais pas qui a dit que ce qui ne te tue pas te rend plus fort, mais il devait être bien portant. Si j’ai une jambe arraché par une mine, à six ans, ça me rend plus fort?
Plaie d’argent n’est pas mortelle, ça c’est vrai que tant qu’on a la santé, on pense à se défoncer, mais j’ai été malade, et j’ai tout arrêté, c’est tombé pendant le covid, ils ne savent pas ce que c’est, et comme je suis «un drogué», pas la peine de chercher plus loin, non, sans déconner on en sait rien.
Le plus dur ce n’est pas la misère matérielle, qui est relative, j’ai un toit…
Mais l’absence de contacts, je ne croise que des voisins et l’infirmier et le médecin, des patients... Et outre les dealers, ne connais que des cas sociaux, ex-taulards et logés, comme moi, après recours au DALO.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des gens brillants, au contraires, ces grands sensibles ont souvent beaucoup de talent, dans leur domaine, artistique ou sportif. Moins souvent de l’argent, ou plutôt ils ont (eu) leur heure de gloire!
J'habite un appart dans une grande tour de cité,
le 5ème bloc L'ascenseur plein de croix gammées graffitées fait de l'auto-stop
Dans la cage d'escalier ça pisse en rangs serrés gaffe à la flaque
De la cave au grenier les jeunes paumés se remplissent le pif de
crackAssez de sous pour habiter St Cloud
Des sous pour habiter St Cloud
Des sous pour habiter St Cloud
Bondy, Clamart, ah quel cauchemar
Le vieil interphone éventré sert de perchoir aux pigeons du coin
Mon inconnu d'voisin d'palier descend encore pour faire pisser l'chien
L'hystérique du troisième gueule car la musique l'a réveillé
Mon père vient de rentrer, tiens ce soir il n'a pas l'air bourré
Des sous,
pour être bien sapé, bien bronzé, bien peigné, bien chic
Des sous pour acheter chaque matin une nouvelle Rolls automatique
Des sous pour mettre du caviar Petrossian dans la pâtée pour chien
Des sous pour habiter St Cloud, des sous pour vivre comme un rupin
Les Rolling Bidochons (
https://www.youtube.com/watch?v=a-gDOEr_C5A) Ma grand-mère a une vie sociale plus remplie que la mienne…
«Toutes les taches de mon quartier,
font du smurf dans l’escalier,
ma concierge n’aime pas du tout ça,
elle leur dit ‘tirez vous de là!»
Ludwig von 88
«J’habite dans un immeuble ou l’ascenseur s’est sauvé de sa cage...»
Starshooter (je crois bien)
Petit matin blême dans ma barre HLM, le quartier de Pétricot renommé pour le surf gang des années 80, malfamé mais connu par la présence de Balavoine, non loin, qui se lie d’amitié avec les loubards du quartier.
«Et la môme du huitième, le
hash elle aime!»
Renaud
A une époque où l’on soupçonne certains d’avoir laisser l’héroïne détruire le nationalisme basque, des deux côtés (en plus de faire mitrailler la terrasse de l’hôtel Monbar, en plein Bayonne, par le GAL), mouvement de libération autrefois très fort ici.
A par ça c’est plutôt bien :
Cité située face à l’océan, au milieu des villas au style basque des bourgeois.
Le top pour les surfeurs, où je vis, qui pourrait, et qui deviendra un paradis, pour moi aussi. Quand je serais assez réconcilier avec moi même pour me lier avec d’autres. Célibataire, solitaire, depuis sept ans, je me sens exclu, et ps chez moi.
Même s’il y a les services sociaux, voilà ce que je suis devenu un assisté du figaro! Un malade délinquant qui mérite ce qui lui arrive. C’est vrai et faux. J’ai aussi eu mes heures de gloire, je suis là parce que je n’ai pas (eu) le choix.
Et qui ferait ce choix, de toute façon, de quitter la femme qu’il aime, le travail et la maison de rêve qu’il a pour aller dans un endroit qu’il ne connaît pas, ou dans des chiottes se trouer les bras?
La richesse n’est pas l’argent, j’allais écrire que ce sont les gens qui la constitue, mais même pas, ce sont les liens entre les gens.
De la même façon qu’il n’y a pas de bons coups, chaque relation compte pour elle même et n’est pas reproductible, même jamais deux fois la même entre deux personnes et lers habitudes, et c’est ça qui fait la richesse.
La vie en hébreu n’existe qu’au pluriel, car tant qu’il y a de la vie, c’est de l’inaccompli en puissance, des futurs potentiels, ne serait-ce que les secondes qui suivent, peuvent être multiples.
Après qu’on soit responsable de sa misère ou pas, est-ce vraiment important? Peut-on se tirer seul d’une situation et si oui à quoi bon?
Le modèle individuel indépendant est une illusion il n’existe rien de réalisé par la seule volonté et personnalité d’un homme. Fut-il grand.
Cette histoire de performance et de croissance est une vaste arnaque pour dire, attendez les gars il n’y a pas assez pour partager, pendant ce temps là le gâteau reste en de bonnes mains et les miettes promises remises à demain.
Revenir à la vie, retrouver l’envie de vivre. Seul?
Oui.
Pour commencer. Mais ne pas finir ainsi...c’est ml parti, mais tant qu’il y a de la vie…
Sauf qu’avec l’age, on est censé avoir construit, et plutôt deux fois qu’une quand on est tombé et qu’on s’est déjà relevé, une première fois, puis une deuxième.
Après plus personne ne vous fait confiance, quoi que vous disiez ou fassiez. Alors vous n’avez plus que le
CSAPA d’un côté, l’aide sociale, l’AH, et de l’autre les dealers, et de moins en moins de raison de tenir bon. Pour qui? Pour quoi?
C’est d’ailleurs toujours au moment où vous êtes franc et abstinent qu’on vous dit :
«tu mens».
Car si, au début, la petite revente payait la conso, après, quand on a 20 ans, on en connaît du monde. Et j’ai gagné de l’argent, à partir d’une bourse universitaire, qui faisait, pour le premier versement trimestriel exactement le prix d’une savonnette de
shit, 3 500 francs, transformés en 7500 en un voyage Bobigny-Rennes.
Vivant chez mon père à ‘époque, qui faisait mine de ne pas voir tout ce que j’achetais à manger en plus de ma part de contribution au foyer. Il m’en restait quand même beaucoup trop pour être honnête.
J’avais, alors, une petite amie, à Paris, et les voyages mêlaient plaisir et affaires. Entre temps les prix ont baissé tombant à 2000 francs pour les mêmes 250 grammes…
Mais le prix de revente de détail, non!
Je devais claquer mon bif’ pour que le daron ne se doute de rien. Quand je vois les jeunes d’aujourd’hui qui ont plus d’argent dans leur scooter et leurs habits que moi dans la vie…
Au départ il me fallait de la drogue pour avoir les moyens d’en consommer. Aussi où que j’aille, en vacances je n’emportais que du
shit. Il suffisait à l’époque de se pointer sur une plage pour faire partir 50 g au détail…
Et puis ce furent les plaquettes, on parlait d’aya, de popo, de sum, etc.
La qualité était meilleure, mais le prix avait augmenté.
On m’avançait. J’ai du switcher sur l’héroïne, à un moment où elle se vendait à 700 francs (100e) le g, à Rennes alors que dans la rue de ma mère, à Paris, c’était 5 pour ce prix…
Mais, j’ai commencé à trop taper dedans, plus d’argent pour rembourser le dealer de
shit, et besoin de la
came pour moi, à cause de l’accoutumance. La tolérance.
Si au départ je faisais durer un gramme une semaine, à la fin il m’en fallait 2 par jour, et parfois 5, mais là, c’était trop (ou elle n’était pas terrible).
Me voilà accro à tout un tas de produits. Et puis il ne reste que ça dans ma vie, trouver de l’argent pour pécho.
Ce ne sont pas les mauvaises fréquentations qui m’ont fait glisser c’est une rupture et l’absence de bonnes fréquentations, d’amours, appelez ça comme vous voulez.
La
came répondait toujours présente, quand on avait l’argent et faisait crédit quand j’en avais pas.
Aujourd’hui j’aurais envie ne serait-ce que d’une
cigarette...
Après quelques problèmes avec les tribunaux des douanes, je me suis mis à bosser, deux tas par jour.
Par exemple je quittais mon squatt à 6h du mat’ pour aller faire le facteur à la Poste jusqu’à treize heures, puis j’allais faire un autre boulot jusqu’à 19h.
Mais on est pas payé tout de suite…
Alors d’abord j’ai été chauffeur, Uber n’a rien inventé, il manquait de taxis à Paris, et dans ce boulot j’avais les pourboires, et la possibilité de me déplacer pour pécho, en général pas loin de la porte de Bagnolet qui, comme on sait mène soit au périph vers l’A1 ou vers l’A3 pour Roissy, soit en intérieur (pour les non parisiens on parle de périphérique intérieur pour la circulation dans le sens des aiguilles d’une pompe, et de l’extérieur pour le sens inverse de la trotteuse).
Quand j’avais des boulots plus statiques et sans pourliche, je me faisais livrer. Que ce soit dans un bureau, aux galeries Lafayette, ou autre mon voisin zaïrois, content d’avoir des clients qui travaillent.
D’autres, dont, forcément un Gitan, étaient de vrais junkis, au sens premier du terme, junk, qui signifie quelque chose comme ferraille, rebut, mais comme on l’a vu les métaux même le cuivre et jusqu’au laiton sont devenus des filons intéressants, un marché mondial spéculatif, mais se fermant légalement aux chineurs, on doit maintenant être payé en chèque comme pour l’or.
Quand au vol je ne l’ai jamais vraiment envisagé. Ni la prostitution, mais je peux comprendre.
Sauf quand je n’avais plus rien et qu’une boite de thon faisait contraste avec les 1800 euros que je payais à mon fournisseur qui presque sans limites, m’avançait, au prix de détail.
Même en vivant chez ma mère et en travaillant, j’allais souvent manger à Baudricourt sous la fac de Tolbiac (75013) avec les SDF. Il faut vraiment avoir faim. Il y avait un jour, une femme avec ses enfants…c’est devenu banal.
Moi je payais mes conneries, mais bon...je ne faisais de tort à personne. Et la vie ne fait pas de cadeaux tous les jours.
La peur de manquer m’a tellement accompagné que je ne pensais pas revivre ce que je vis aujourd’hui, dépendant des services sociaux, le moindre défaut de paiement ou non versement, me met dans une situation impossible durant des mois.
Ajoutez à cela l’addiction qui se nourrit de tous ces manques et liens coupés, la
came qui comble le vide, et repousse les autres, fait le vide autour et dedans.
Comme je pensais toujours que j’allais arrêter, je n’ai jamais vu plus loin que 5 grammes d’héroïne, même quand j’étais à Rotterdam!
Un prolétaire de la
rabla, qui dépensait intégralement son argent dans la
brown et les
cigarettes. Le consommateur d’héroïne fume ‘beaucoup mais peu’, ai-je lu quelque part. C’est bien vrai, même si on allume clope sur clope, on attend souvent que la clope se consume jusqu’à brûler les doigts (il y a une bande de bloodi là dessus) pour s’apercevoir qu’on piquais du nez, et en rallumer. J’avais abandonner le
shit, car fumer et travailler, c’était pas la bonne idée.
J’aurais pas du, mais quand on est dans sa lune de miel...on oublie l’effet finalement plus fort en un sens, que la drogue dite dure. L’effet de l’héro est doux, et celui de la fume perturbe et multiplie celui de la
came, au point de gerber si on est pas habitué.
Pour moi habituer à devoir me procurer mon propre argent d’abord par la revente de mon fanzine Lobotomie 92 ou de chewing-gums (bof…), et pour la tise, la cheman, puis pour le teuchi, profitant de mes plans et voyages Paris-Bretagne, trajet qui fait doubler le prix du teuchi, enfin, à l’époque, où, attention, on faisait facilement les frais des stups, qui nous attendaient à la sortie de la gare. Pas la nouvelle, ni celle d’avant, celle d’encore avant. A l’époque il n’y avait ni kebabs ni bandes d’Arabes ou d’Albanais, mais des clients à la pelle, venus de tous les bleds autour, prêts à acheter à n’importe qui. Mais le tarif pouvait aller à deux ans fermes et réels pour deux kilos.
Donc pour moi l’argent c’était pour la peudo, et rien que pour ça.
Pour le reste, de toute façon on ne loue pas aux jeunes sans garant ni situation même en CDI, on préfère un étudiant, car, en fait on loue à ses parents…
Après m’être fait viré successivement du FJT réservé aux habitants d’Ile et Vilaine (quel nom!), et de chez ma mère, je vivais en squatt. Ce qui économisait ou alors chez mon cousin, qui m’aidait, en me prêtant son logement rue des Haies…
J’ai pu compter sur lui, et je l’en remercie.
Quand tout ton fric par dans tes bras, il faut économiser sur tout le reste..Le logement.Les squatts il y en avait plein la rue de ma mère, ainsi je foutais un coup de pied, et posais un nouveau verrou, et voilà, j’avais un chez moi, avec les clefs.
S’il n’y a pas d’effraction au bout de 24h c’est considéré comme ton domicile, surtout si tu te fais envoyer un courrier, ou mieux, prend l’électricité. C’est l’époque où la ville de Paris luttait contre ce phénomène.
Moi je squattais pas avec des artistes, plutôt tout seul, ou avec des voyous, à proximité de Roumains qui travaillaient, et beaucoup de locataires de marchands de sommeil. J’en ferai un billet entier sur cette rue de la
came à Paname, où le Zaïrois vend de l’Afghane, les Kabyles du
shit et font dans le vol de moto, et surtout le bistrot. Je ne développe pas il y a trop à raconter, sur cette rue barbare, qui s’appelait rue Bourre-con. Enfin les jours de paie du RMI, et le restant sur l’ardoise à Rémi!
Passons…
L’argent se transforme en
came et s’il n’y avait pas la
came...dame, je préfère ne pas y penser, beaucoup se seraient suicidés.
C’était déjà presque impossible de s’en sortir sans aide, surtout quand il faut aider sa propre daronne qui ne eut vous nourrir.
J’arrêtais pas de lui dire que si elle ne me laissait pas économiser je ne pourrais jamais partir.
En fait si, il suffisait de me le dire, et de me mettre dehors!
Culpabilisé par mon ‘vice’ que je sais maintenant être une pathologie, je n’osais rien demander, et m’enfermais dans un face à face avec moi même ou n’intervenait que la
came, le fournisseur qui m’avançait (c’est allé jusqu’à 3500 euro par mois), et ma vie se rétrécissait à tel point que j’étais prisonnier, autant des salaires de misère que de la misère elle même, de la même façon physique et mentale, que ce que je vivais comme esclave de la
came.
Je garde le reste pour un deuxième billet, avec des anecdotes, sur quand j’étais ‘agent euro’ à Laposte, et qu’on me demandait des ‘sachets d’euro’ avec l’accent ça donnait
héro. C’est comme ça qu’un jour je fu mis à contribution pour compter les billets reçus pour le passage à la nouvelle monnaie.
Il faut comprendre qu’à l’époque, où les Chinois faisaient la queue pour changer le cash qu’ils gardaient chez eux, la poste où je travaillais était dans le 13ème.
Un jour, donc, et je finirais là dessus pour cette fois, je me suis retrouvé devant un million d’euro en billets jaunes, verts, rouges..De toutes les couleurs. Rien que deux billets de 500 représentaient un smic ou presque!
L’argent me manque, et m’a souvent manqué, mais j’en ai aussi eu beaucoup, en travaillant, ou, malheureusement en héritant de l’appartement de mon père mort, disons, prématurément, comme j’étais moi même né!
Ouvrier, ou plutôt releveur de compteur pour la compagnie des eaux, je travaillais si vite, que j’arrivais à finir mes journées à midi, mais là j’ai arrêté la
came à outrance, c’est devenu le truc d’une fois par mois, puis plus rien, et j’ai repris du poids.
Grace à quoi?
A la
méthadone et à un logement, une stabilité, et exactement comme quand je suis tombé dedans, un certain alignement de conditions favorables, m’a fait regarder ailleurs que le pieu planté dans mon coeur, et passer outre larchuma de l’état de mes bras.
C’est là que j’ai connu ma meilleure addiction, qui n’en était pas une, puisque je n’en souffrais pas et que j’étais le contraire de passionné, au sens premier de celui qui subit, sans en jouir, un esclavage du désir, non, je rattrapais le temps perdu. Je l’ai déjà raconté dans mes récit sur le sexe et les femmes après la
came.
Un jour je parlerai de l’avant, même s’il n’y en a jamais eu vraiment.
Mais pour moi, après des années à voir des psys, je sais que, et ce n’est pas un hasard si j’ai du être autonome en même temps que je tombais dans l’addiction, la vraie, celle qui transforme un simple usage en un esclavage, un plaisir recherché en un comportement qu’on ne peut arrêter.
Pour moi, comme pour d’autres, à l’adolescence, la consommation de substances actives a été le remplacement, comme un ersatz de l’affect, la famille, le couple, tout ce qui se délite, quand la drogue ou un comportement peut se répéter.
C’est mon histoire, j’ai chercher à remplacer l’affectif par la défonce. Aujourd’hui je dirais que je n’avais pas le choix, même si on ne me croirait pas.
Car là maintenant je connais la faim, le manque de
came, le manque de
cigarettes, de tout…
Mais pas le manque de manque, non, ça c’est ce qu’on a essayé de me faire croire, que j’étais un privilégié. Mais non, quand on fait des trous dans ses bras, ce n’est jamais pour s’amuser, ou par ‘caprice’, ni d’ailleurs par volonté de se suicider, même inconsciente.
Au contraire c’est s’il n’y avait pas eu à certains moments cet apport d’endorphines que d’autres fabriquent naturellement mais qui avec l’héroïne révèle sa faible production et c’est ce qui fait la différence, principale, entre ceux qui restent accrochés à ce produit qui tamise les émotions, et les autres, l’immense majorité, en fait tous ceux qui ont essayé sans y sombrer. C’est à dire pour l’héroïne tous mes amis, je suis le seul à y avoir trouvé ce que je cherchais, la
cocaïne est plus vicieuse et s’introduit par un usage social, mais, consommée en inhalation (crack,
base) ou en injection, est plus destructrice que l’héroïne. Car il n’y a pas d’autre moyen d’obtenir de façon si rapide et massive une telle dose de
dopamine.
Quand vous pensez que mon truc c’était le
speed-ball et que je payais tout au détail, ça fait le shoot à 10-20e selon la qualité. 30e le demi gramme de coco, 20 le demi d’héro, donc à peu près 15e le
speed ball, de balle,
héroïne blanche et
coke cristalline.
J’ai connu la misère affective et j’ai colmaté avec ce que j’avais. Ca coûte cher, mais c’est moins dangereux que la déception que cause la fin d’une relation.
Si je ne m’étais pas senti abandonné me serais-je adonné, aux abonnés absents, partis en tourné, avec un billet pour les montagnes russes, et joué ma vie à la roulette.
J’avais beau apprendre à ne pas prendre de risque avec la police, réussi à décrocher, rencontré une femme, blindée, et qui, surtout, m’aimait, et m’appris à m’aimer moi. Avec celle là, qui sera ma femme et qui ne l’est plus, je baisserais la garde, et touché je resterais blessé, comme cette souris apprivoisée par un détenu, par un travail de confiance sur des semaines, et qui un jour, sort de son trou pour être écrasée sous la tatatane d’un nouveau détenu. Parfois on fait le bien de quelqu’un mais le rend vulnérable en même temps, mais cela vaut quand même le coup, à moins de vouloir vivre seul, chacun pour sa gueule, sans ce qui fait que la vie est vivante, et qu’il ne s’agit pas de seulement de respirer et de manger, ou de survie comme on vit quand on est dans les produits ou addictions, guidés par les pulsions de son cerveau reptilien qui passe en priorité, les ordres de manger, se défendre, et chercher l’effet récompense.
Quoi qu’on en pense, c’est ça l’addiction, quand on est en désaccord avec son cerveau reptilien, ou le lobe préfrontal n’a pas les commandes.
Or il se trouve que le lobe préfrontal est la dernière partie du cerveau humain à se développer. C’est ce qui fait que l’adolescence est une période si importante dans la construction de soi.
On ne voit pas les conséquences et les limites, de ses actes et envies, mais les émotions et frustrations, pulsions violentes, et déceptions, sentiments d’abandon et d’injustice sont décuplés.
Alors que pour un homme on peut n’atteindre sa taille adulte à 15 ans comme à 18 ans, ce qui fut mon cas, le cerveau n’est ‘fini’ avec la formation de ce fameux lobe préfrontal, celui qui permet de prendre du recul, des décisions, de dire ‘non’.
L’adolescence, on le sait maintenant, pas quand j’étais au collège, n’est pas une période entre deux, mais le temps pour notre cerveau de faire les finitions, en interaction avec son monde.
Et c’est là que beaucoup se joue, entre ceux qui sont entourés et ceux qui sont seuls, par exemple. C’est à 21 ans seulement que le cerveau est pleinement fini. Ou parfois avant, mais en ce qui me concerne j’ai commencer à être dépendant alors que je n’étais qu’un enfant.
Et pour moi, l’argent a tout de suite été indispensable pour ne serait-ce que ne pas être en manque, de
nicotine, de
caféine, d’alcool, surtout, puis d’héroïne, et de
cocaïne…
A l’age ou la plupart des mômes pensent surtout au sexe, moi c'était déjà la fonsdé. J’ai connu la frustration dans ce domaine, hormonal, aussi, mais à 20 ans on est bombardé de stimuli, et avant, les expériences précoces (parfois dans les deux sens du terme!) ont rendu l’expérience sexuelle plus vulgaire, accessible à tous, après tout, tout le monde le fait au moins un peu, mais combien connaissent l’effet d’une injection de
speed-ball?
La drogue est un luxe de clochard, on met 20e dans son bras, mais vit dans un teusqwa et mange des sandwiches viet’ à 2,40 e...
Mais qu’est-ce qui pique ces jeunes ‘plein d’avenir’ (on nous répétait qu’il n’y aurait pas de travail)? Les ailes du désir?
Non, certains vauriens font les sacs à mains, par ici les talbins, l’argent ne vaut plus rien pour ceux qui ne suent pas pour l’obtenir, ce ne sont que des billets de manège, ou la tête dans les vapeurs de la colle d’Icare, qui comme ma neige, fond au soleil.
Jeter l’argent par les fenêtres. Mais je n’ai jamais volé et peu mendié. Jamais taxé ou alors une fois ou deux, et beaucoup partager et donné, pas aux mêmes bien entendu.
Dans la réalité, il n’y a pas de paradis, et l’enfer, c’est ici, sur terre, comme la vie, alors si tu peux, jouis-en.
L’addiction et l’usage de substances addictives sont deux choses bien distinctes.
Je ne développe pas.
Ce que je ressens c’est que j’ai foncé dans le mur, mais, ayant survécu au choc, étant resté vivant, j’ai ce complexe de celui qui ne mérite plus d’être là.
Et je me le fais payer, mais parfois je suis fatigué, et je voudrais me balancer du haut d’une tour.
Juste parce que je ne peux faire un autre tour de manège, parce que je n’ai pas attrapé la queue du Mickey.
Comme dit le chanteur, «Toi c’est pas souvent qu’t’as des parties gratuites...».
La misère est palpable et ressenti dans la faim qui fait gargouiller le ventre, dans l’envie de fumer inassouvie, dans toutes ces habitudes prises dès l’enfance, parfois in utero pour l’alcool le café, et la
nicotine, on est pas encore né qu’on est imbibé.
L’état dans lequel on naît est de toute façon celui de l’addiction disait Freud, en parlant d’Hilflosigkeit (le fait d’être sans aide).
Cet état d’addiction chacun peut le concevoir dans le rapport au manque d’argent, sauf que l’argent pour le mec accro, est plus que de l’argent, c’est une ordonnance pour médicaments.
Vivre le manque est dur à supporter, et en plus de ça on ne peut s’en prendre qu’à soi. En vérité c’est plus compliqué, on est pas égal face à l’addiction, et à la production d’endorphines, la recapture de
dopamine et de
sérotonine.
La toxicomanie comme un trop plein de vide. L'argent comme media, la dope comme remède.
L'identité du toxicomane, junki fauché aux bras d'or...
Ne plus s'appartenir, ou la passion et le besoin, l'aliénation faussement volontaire.
Une douleur irresistible (titre d'un livre de Fernando Geberovitch sur la toxicomanie et la pulsion de mort), plutôt une tentative de survie en milieu hostile.
L'argent comme la drogue dans l'annonce des services de protections de la jeunesse, c'est de la merde, symboliquement, dans la psychanalyse.
A croire que les Freudiens-Lacaniens sont scatophile?
Quand la nécessité fait loi, et la que le képa t’enferme dans la cécité, tu ne vois plus le monde autour de toi.Le
besoin commence par la désignation,
l’a dicere, les Romains, j’en ai parlé, nommaient les esclaves par le nom de leur maître, c’est la racine du mot addiction.
Ce qui importait à l’époque était le lien et sa nature, et la personne à laquelle on était liée, nous désignait nous même. Homme libre ou esclave de l’homme libre, portant son nom.
Mais la quantité a pris le pas sur la qualité, au sens premier (qualité de maître ou d’esclave, de citoyen ou de barbare…) et c’est l’argent qui symbolise (faussement, il ne suffit pas d’être riche pour avoir du pouvoir, mais être sans un, c’est n’être plus rien) cette société du remplissage et de la croissance, de l’addiction-addition.
De la
croissance et de la
performance à profusion…à la perfusion de chichon ou de cachetons, anesthésie de la contestation sociale, qui, quand elle se réveille, (se) fait mal.
C’est pourquoi la drogue de l’époque est la
cocaïne, car on ne s’arrête jamais. On ajoute, on additionne les prises, on dépense, et devient comme un rat de laboratoire appuyant sur la pédale jusqu’à ce qu’il reçoive sa dose, et cela, au prix de son épuisement.
Tous les rats n’adoptent pas ce comportement, seulement les porteurs de certains gènes qui sont activés, dans certaines conditions difficiles à définir.
La majorité des rats, en appuyant sur la pédale sans avoir a dose, comme la fois d’avant, arrêtera. Seule une petite partie d’entre ces rongeurs appuiera et poussera encore et encore sur le mécanisme, jusqu’à mourir d’épuisement à côté de sa nourriture.
La pédale c’est le moyen, et pour nous c’est le travail ou la délinquance, afin de se procurer sa dose, il faut de l’argent, mais pour pouvoir travailler il faut sa dose, comment faire en manque?
La monnaie.
L’argent est le média matériel qui permet de transformer son activité, la valeur créée ou volée accumulée en plaisir, au mieux, ou de trouver le soulagement, ou son illusion, au pire.
Or plus on est dans ce cycle infernal,
recherche d’argent consommation (je passe sur les étapes, trouver un plan, puis une seringue…), moins on a de ressources.
Car en réalité, la véritable misère est sociale, et plus on s’enferme dans le monde de la drogue en mode addictif, moins on fréquente de gens, et moins on est ouvert sur le monde.
Les ressources et opportunités sont absentes ou rendues invisibles, en même temps, que le manque et la frustration, eux, deviennent si importants qu’ils empêchent de voir autour.
Pendant ce temps tu es repéré par les vautours qui s’attaqueront toujours au plus faible.
On est dans une roue de hamster.
Et le décalage entre les ressources et les besoins, mène facilement au vol, au trafic, à la revente de tout ce que l’on possède pour s’acheter un gramme qui durera à peine six heures…
C’est l’addiction qui a aggravé ou créé la situation de manque d’argent, mais ce manque d’argent est beaucoup plus comparable au manque de médicament, dans une vie où l’on souffre de toute façon de solitude, et qu’on a connu à la naissance, celle de totale dépendance.
Cercle vicieux, la
came isole, et l’isolement appauvrit. La misère c’est le manque de lien, et la drogue remplace le lien. Alors quand l’argent manque et qu’on est dedans on a plus de ressorts, on est sans un sous, sans un compagnon. Sans pain on a pas de copain…
L’addiction comme état initial, on est pas tous nés sous la même étoile, mais les outils sont les mêmes.
Quand l’enfant acquiert la faculté de parler pour subvenir à ses besoins, désignant les objets qu’il désire, en les verbalisant.
Comme le Dieu de la Bible fait exister les cieux et la terre, la mer et la lumière en les nommant, le mot hébreu davar ayant à la fois le sens de dire et d’acter, ‘devarim’ les paroles, de la création, il n’y a pas dans la langue de distinction entre le mot (nom) et la chose. De même qu’il n’y a pas de verbe avoir en hébreu. Ni de mot pour religion.
Le totalitarisme comme le nazisme et le fascisme, et un certain communisme, ont toujours pour
base une adaptation du langage.
Il n’y a qu’à voir la situation où les fausses nouvelles, le déni, et les éléments de langues, sont distillés par le pouvoir pour abreuver le peuple d’une idéologie qu’on dit libérale, et qui consiste en fait à dépouiller le politique de son pouvoir, pour ne se servir de l’apparente démocratie que pour légitimer, par défaut, la réalité de la captation des richesses et des libertés par une caste qui vit sur le dos d’un peuple de dominés, dirigé d’en haut, au nom de la
base. De façon autoritaire, oui, quand le pouvoir est exercé en force contre ceux qu’il est censé représenté, on est proche du fascisme!
Cette notion de religion, comme le pain et les jeux, instrumentalisation d’un culte pour des raisons politiques, qui fit du christianisme non une forme de judaïsme messianique opposant la fraternité humble du message de Jésus, aux «marchands du Temple», vendeurs d’indulgence, ou quoi qu’on en pense, philosophie du partage et de la communauté, horizontale, (du fils de l’homme, représenté dans la cène), transformé en justification de l’Empire, verticalité encore d’actualité du Vatican à l’Elysée, il y n’y a qu’un élu, (hein Manu, le messie annoncé dans le livre d’Isaïe : Emmanuel) et son onction appelle tous les autres à la soumission.
Par la captation des fruits de la production.
En gros, si quelqu’un manque de nourriture ou de produits de subsistance, c’est un effet d’une rareté organisée, artificiel, on jette la nourriture quand les cours sont trop bas, ce qui montre l’absurdité du capitalisme, on ne produit pas pour répondre aux besoins, on créé des besoins et on produit pour s’enrichir.
En fait, il y a de quoi manger pour tout le monde.