Mon premier Fanzine
Quand j’ai participé au dernier numéro de PsychoActif sur papier, beau papier glacé, facile à lire. Et pour tous, ceux qui ne se seraient pas intéressés à priori aux sujets abordés, aussi. Quand je l’ai vu, donc, avec mes mots dedans, j’ai repensé à une époque ou le mot fanzine était connu de tous et les facs, asso, ou groupuscules mineurs, avaient tous le leur.
Les projets naissent souvent d’une rencontre, en tout cas, les duos, émulation et action, permettent de réaliser, mieux que dire, faire.
J’étais au collège et je faisais un journal de classe. Du style humoristique, adolescent, avec concours de Miss et Mr 3e3 etc. Sondages (imagé!) anonymes sur la sexualité (j’appris que 100 % des filles disaient ne s’être jamais masturbées, et les mecs l’inverse! Poids social de la femme en devenir, c’était très cash).
Et beaucoup de choses, mais c’est à l’entrée au Lycée, que je rencontre un nouveau punk, dans cet établissement dit de «zoulous » (on disait ça, avant «caillera»). Il dit que, comme moi, avec mon «le nain porte quoi? Journal de la troisième trois» et les MBDLV (mal barrés dans la vie), il faisait une feuille au Collège de la grange aux belles (pour ceux qui connaissent, Paris, colonel Fabien).
TNT, Très Nihiliste Torchon.
Bon nom, j’apprendrai à connaître mon compère, qui n’hésitait pas à reprendre des formules et même des textes, sans les citer (!).
Comme «légitime défonce » super, mais ce sont les cadavres qui l’ont sortie. Non, on se doit de donner du neuf!
Le style et la ligne étaient tout trouvés, punk, destroy, anar’.
Le nom est très important, on était d’accord : il y aurait la date, l’année. 1992.
L’an de toutes les premières fois, quinze ans. Et déjà de l’expérience et reconnaissance dans le monde interlope des keupons. On allait voir les concerts, Garçons bouchers, les Ludwigs, en faisant les tirelires des petits frères…
Ce sera, influencé par les Béruriers noirs, LOBOTOMIE 92.
En deuxième page du un, après un édito décourageant toute personne censée, un shitomètre.
Je n’ai plus un seul exemplaire! Un ami les a tous je crois. On le vendait, avec un paquet de chewing gum, parfois!
On avait un dessin de hippie, avec la forme d’une barre de
shit, «posez votre dix keus (dix mille, euh cent francs, 15e, compliqué? Il fallait savoir quand on parlait ancien ou nouveau franc, un «vingt mille » c’était 200 francs de «teushi»), et vous avez une série de traits, mesure, qui vous dit, que vous avez tiré le bon lot, ou que vous vous êtes fait arnaquer!
Pour rire, mais d’autres pages étaient plus sensibles. Comme un roman feuilleton réel, qui décrivait la fugue de deux amis. Ils s’étaient fait la «teucrè», pris en photo avec un jetable. Direction le sud. Ils seront arrêtés à Dijon. Par la police. «bref, on a rien gagné» écrivait «Cactus», 16 ans en 5ème.
Et, sur une double page, on avait toute l’histoire.
Il n’y avait pas d’autre média à s’approprier. Ce zine ne plaisait pas à tout le monde. Une jeune poète avait piqué une crise, furieuse d’avoir participé à un truc aussi nihiliste et destroy. Les parents, à qui on demandait de l’aide pour les photocopies nous disaient «ce n’est pas constructif», si ton père aime ta musique et tes lectures, c’est que c’est raté! La nouvelle génération est là pour clouer l'ancienne au pilori, au moins lui mettre du poil à gratter dans le calcif'. La musique, du swing au rock'n'roll, puis au rap doit être du bruit pour les plus de 30 ans. Les images immondes et crades, et les slogans aussi efficaces que violents. Le pied d'être dans un délire contre culturel à quinze ans!
Les photos montages, écriture découpée punk, mais pas d’autres moyens, agrafes, A4, photocopies de photos, font vintage aujourd’hui.
Pour dire, qu’avec peu, on fait comme on peut. Et finalement il y avait le cachet de cette facture, fait main, ou avec les pieds oranges...
L’internet permet cette expression, mais sans la rencontre physique, qui oblige les tracteurs et tractés, lecteurs et auteurs distributeurs, à se rencontrer. Et on le vendait, pas beaucoup, car on en avait peu.
Je ne me souviens pas du tout de ce que j’y ai écrit. Plutôt des collaborations, comme je le disais être ouvert à tous était, pour ça, impossible. On était trop...trop et trop. Il faut choisir son lectorat le notre était là, mais nous étions si jeunes.
Mais déjà, à l’époque, et c’est ce qui me revient, j’écrivais et même avais des projets, autour de ça. Il y a eu de la casse en suite, et c’est comme si j’avais oublié. Mon ami est mort. Eclaté contre un platane.
Et cette page s’est tournée, pas de numéro 5.
Lobotomie 92, s’est arrêté en toute logique en 1994! Je crois, je ne me souviens que vaguement de cette époque de dément. Ce zine no future, dur, tu le vis, tu l’écris et tu le brûles comme une voiture volée!
J’en ai revu un, à un enterrement, c’est drôle, comme je peux ne pas avoir un seul numéro, de tous mes journaux. Heureusement qu’il y a des contributeurs, amis et lecteurs plus collectionneurs!
Je reviens vite, avec les vraies photos du zine, et une de PsychoActif! Désolé, celle-ci sont bien, mais pas les miennes!
J'ai découvert que durant quinze ans il y a eu des dizaines de zines, dans des dizaines de pays (ou moins...) qui portaient le même nom (lobotomy), et j'imagine que si je cherche destroy c'est pire!
En attendant 77 ou 92, c'était spontané et on a tous fait pareil, donc c'est représentatif, depuis ma naissance, jusqu'à internet au moins !
Et 2019!
A en juger par les quelques retours, le numéro 3 a bien plu. Sous la canicule! Merci aux animal-lecteurs!
A Blaise, mon corédacteur…vivre libre ou mourir ! Mouais...No future, pas un slogan, non un constat. Qu'on espérait faux. On disait, souvent, qu'on raconterait tout ça, à nos petits enfants...
C'est la société qui était dure, pas nous. Punks aux cœurs tendres.
Je n’ai pas de photo, je vais en ajouter une de la une, dès que j’aurais trouvé un exemplaire, derrière les toiles d’araignée, revenu du passé, dans le grenier d’un copain, ancien du Lycée Bergson (75019).
Merci