J'erre en pyjama pilou-pilou, feignant une certaine nonchalance, le rimmel un peu collé. Peu m'importe même si la dégaine est un peu triste. Mon tarin est plus déconfit que mon maquillage et c'est ce qui me préoccupe.
La cloison résiste à toutes les attaques, jusqu'à quand, je préfère la penser invincible. Mais c'est quand-même tout collé là-dedans. Une rapide spéléo à la lumière des néons de ma salle de bains me fait basculer dans le déni.
J'aime pas trop ce que je vois, merde. J'essaie de porter mon attention sur autre chose. Putain je suis en pilou-pilou. Une silhouette de vieux chausson. Je n'ai rien entrepris sur ma personne depuis l'extraction quasi minière de mon lit. Tard. Les matins sont devenus des après-midis. Je tente une auto-dérision sur moi-même pour me réconforter et m'envoie un café et sa clope de rigueur. Dans la foulée je consulte mes mails de taf. Sempiternel réveil.
Y'en a plein. D'où le pilou-pilou permanent, je dois m'y mettre sans plus tarder. Heureusement, avec ce que je me suis mis hier dans le pif, j'ai bien bossé. Des heures sans broncher, ni penser à manger, assise là le cul comme un rectangle à préparer une trace à chaque nouvelle sollicitation.
J'y passe mes nuits. Incapable de m'arrêter, d'être raisonnable, me contenir, ranger le bordel dans une boîte à trésor et aller me coucher pour me réveiller, peut-être plus dispose et niquer le pilou-pilou. Mais non. Ma volonté n'est plus qu'une vieille supplique lancinante, tellement laide et capricieuse qu'y succomber est plus tentant. Il s'agit de faire croire que tout est sous contrôle, que ce matin j'ai vécu une vie trépidante et responsable faite de rv pro et que me voilà, à nouveau dispo et alerte. Il va sans dire que le bluff est audacieux, j'ai le visage en diagonale et le cerveau aussi. Bien heureusement, la
cocaïne me rend, outre dépressive, un chouia paranoïaque et foutrement obsessionnelle, créative. Je peux donc envoyer, stoïque, le travail de la nuit.
Mais je ne suis pas follement énergique. La
descente et son
craving désespérément affrontés cette nuit encore, pendant lesquels je suis remontée une énième fois en haut de la montagne de la rédemption divine, jurant que plus jamais de ma vie entière, ô désespoir et repentir, je ne succomberais, m'ont fatigué.
Montagne que j'ai gravi des centaines de fois et balisée même, pourtant à chaque fois convaincue mais qui finit toujours en parjure.
Je tente de m'en souvenir plus fort que cette pulsion bâtarde de me retartiner le zen pour avoir le courage de bosser. La boucle est bouclée. Je suis dans ma faille spatio-temporelle, mon jour sans fin. Mon poison me ranime et puis m'éteint.
On finit par se foutre du décor. Et préférer l'énergie factice que j'y ponctionne en essayant de taire la culpabilité. Je voudrais que ce soit léger et drôle mais je sais bien que j'ai dépassé les bornes. Ce fameux dosage merde ! Je vais sans doute résister ce jour après mes prières au divin, mais très vite je sais que je serai invitée à y faire une nouvelle visite de courtoisie, la
truffe humide. Taisant la prison qu'est devenue ma dépendance. Il faudrait du temps, de l'espace, un contexte, un peignoir plus racé que le pilou-pilou triste.
J'insulte abondamment les expéditeurs de ces mails, irritée par leurs demandes encombrantes, irritable comme il se doit, et tente de reprendre mon chemin du mieux que je peux. Je note sur un post-it de racheter du lait et du stérimar, juste au cas où. On essaiera de faire mieux demain.