Ça rime avec
came bien sûr.
Alors j'ai voulu vérifier par moi même à quoi ça ressemblait là -haut. Une pulsion, un coup de tête débile : partir à Rotterdam à l'arrache, sans plan, sans connaÎtre personne, pour chercher et trouver de l'
héro.
Je n'avais pas pris d'
héro depuis plusieurs années maintenant, je n'aime pas compter mais cela devait faire à peu près cinq ans, je me considérais donc une vieille fille de la
came : une connasse qui s"est faite baiser par elle il y a 5 ans, et qui comptais finir ses jours toute seule sans elle. Enfin, toute seule n'est pas le mot : mon amant le
Subutex était un bouche-trou bien pratique à défaut d'être agréable.
Il me déprime ce
Subutex : j'en avais marre, j'étais lasse de ce
Subutex à la con acheté à Barbès à des mecs qui tueraient père et mère pour te vendre une plaquette.
C'est naturellement que je me suis laissée aller à rêver à une petite défonce à la
came... De toute façon, je voulais aller en Hollande pour pécho un peu d'herbe, donc pourquoi ne pas en profiter pour faire un petit détour par Rottercam ? Tenter le coup.
L'autoroute du Nord, la frontière, la Hollande, l'A58 direction Rotterdam. Arrivée dans la ville, je n'ai aucuns plans, je suis toute seule, je ne connais personne, je ne parle pas le Hollandais et je bafouille quelques mots d'anglais.
J'ai pris sur moi dans mon sac un
Stéribox : de quoi faire 1 shoot, 1 shoot sur place, et j'ai bien l'intention de l'utiliser. Je roule donc dans la ville en direction du centre ville : j'ai ouïe dire qu'à la gare, des tas de touristes sortent du Thalys et donc pas mal de dealers les attendent jusque sur le quai. Je vais donc dans à la Gare : rue Weena, un samedi après-midi.
"Hé mademoiselle, tu cherches quelque chose ?" Une voiture roule à mon niveau, deux marocains à l'avant, le chapelet musulmans qui pend du rétro.
"Je t'aime mademoiselle, tu veux
coke,
héro ?"
Je ne réponds pas et je continue ma route, je comprends mieux la réputation de Rotterdam, ma plaque française n'a pas manqué de faire son effet auprès des nombreux rabatteurs habitué au narco-tourisme depuis plusieurs dizaines d'années maintenant.
Quelques minutes plus tard, deuxième voiture :
"Bonjour mademoiselle, tu veux quelque chose ?" Deux marocains, même shéma. Même réponse de ma part. Peut-être que je doute ? Je n'en veux pas ? Qu'est-ce que je fous là en fait ?
Une petite défonce avec de la bonne
came, c'est tout.
Troisième voiture, il doit être environ 15h30 : "mademoiselle, ça va bien ?" Cette fois, je réponds oui, signe de tête explicite, je le suis en voiture, le mec est avec une femme voilée à l'avant. On pourrait croire à un couple banal de marocains, on est loin du dealer menaçant, on est à Rotterdam.
Il me fait me garer, je monte dans sa voiture, il habite le pâté de maison juste derrière. Enfin, il n'y habite probablement pas, mais il y deale, ça oui.
Je rentre dans leur appartement qui respire l'appartement témoin meublé en Ikéa pour donner l'illusion d'une maison ordinaire. Un grand écran plat et un canapé en cuir. Quelques babioles contemporaines sur les murs qui ne collent pas du tout avec l'apparence banale de mon couple d'hôtes. C'est un lieu de deal, pas une lieu de vie.
Il me demande ce que je veux, je lui dis que je veux de l'
héro. Je comprends vite que c'est un "semi-grossiste" qui deale 40 ou 50 grammes minimum. Je ne viens pas pour une telle quantité... Avec 1 grammes j'étais contente, je lui demande 10 grammes, promettant de revenir dans quelques jours pour une plus grosse quantité imaginaire... Sauver la face pour ne pas trop montrer que je suis vraiment paumée et que j'ai rien à faire là à conclure un putain de deal pour de la
came dans une appartement de house-dealer hollandais...
Il n'a pas la
came à l'appartement en question, il s'absente donc pour la chercher. Je reste avec sa femme qui n'a pas l'air extrêmement au courant du détail des opérations de son (futur) mari... La scène est surréaliste : elle m'offre à boire, des gâteaux, et me tape la discute comme on parle à un touriste décérébré : "Alors, qu'est-ce que tu penses de la Hollande ?"
Comment lui répondre que je n'en pense rien, là j'ai envie de pécho de la
came et d'utiliser mon putain de
Stéribox qui m'attend dans mon sac dans la voiture. J'essaye de faire bonne figure malgré l'état de tension dans lequel je me trouve, je lui réponds que c'est un petit pays, mais aussi froid et peu accueillant qu'un grand.
Ok, c'était peut-être pas la réponse la plus hollandophile, mais j'ai du mal à me détendre et à faire comme si de rien n'était, le cul posé sur un putain de canapé en cuir à plusieurs milliers d'euros dans un appart' quasi vide. Comme une résidence secondaire, ils sont chez eux sans être chez eux.
Elle me parle un peu, comme si de rien n'était, mais la discussion ne peut pas aller bien loin : comment faire connaissance avec la femme d'un semi-grossiste dealer de drogue ? Même lui demander son prénom me paraissait déplacé... Entre méfiance et hospitalité. Elle me demanda mon âge, ce que je faisais dans la vie, la discussion repartait vers un peu de normalité pour finalement s'écraser contre le mur qui nous séparait.
"Etudiante en droit.
-Ah, son sourire se figea, et tu veux faire quoi plus tard ?
Ne pas lui répondre sur ce que je veux vraiment faire, la justice et les dealers ça va pas trop ensemble. - Je veux être conseiller juridique pour des entreprises, les contrats, la paperasse juridique, tout ça...
Un petit mensonge pour ne pas lui faire peur...
- Ah ok, et la justice tout ça, t'en penses quoi ?
- T'inquiète pas, la justice, ça me fait autant peur qu'à toi".
La tension redescend entre nous, elle me met la télé française. Il y a même le câble dans son appartement de deal. J'ai donc eu droit à France 24 : un reportage sur le cresson, le putain de cresson de la culture à la cuisine... La scène est surréaliste, une heure à attendre son mec qu'elle appellera à plusieurs reprises avec un portable "jetable" et probablement un numéro prépayé.
Il est 16h45, son mec arrive, on va dans la cuisine, il ferme la porte pour épargner à sa femme les détails de la transaction. Savait-elle que je venais chercher de l'
héro ? Elle ne prenait pas de drogue, elle ne fumait même pas de
cigarettes, et elle ne buvait certainement pas, qu'est-ce qu'elle foutait à se marier avec un dealer trentenaire ?
"Tiens 10 grammes, c'est petit ça tu sais.
- Oui c'est petit. Pour moi c'est énorme, connard pensais-je. Mais c'est une première transaction, on ne se connait pas encore et je sais pas ce qu'elle vaut ta
came".
J'invente donc que j'avais prévu de lui en racheter dans quelques jours, que mes amis m'attendent dans une autre ville de Hollande etc.
Je teste sa
came, il me la pèse, il m'offre une clope, je lui file mon fric, 20 euros le gramme pour une "petite" quantité comme celle là .
Il me raccompagne à la voiture, et je repars. Je retourne dans la petite ville où je vais habituellement, loin du narcotourisme et de ces situations surréalistes.
Mais ce n'est pas fini, je me retrouve avec 10 grammes d'
héro... Ma "petite défonce" épisodique risque de se transformer en grosse défonce dans les prochains jours.
Je trouve un Lidl ouvert et j'achète du citron... Un filet de citron, 0,69 centimes. Et puis je n'ai pas de couteau pour couper ces putains de citrons, je prends une bouteille de jus de citron. Et j'ai un peu faim, des bonbons au chocolat. Direction les chiottes d'un MacDo, seul endroit où on peut être tranquille pour un shoot dans cette petite ville.
Je n'ai aucune idée de la pureté de la
came : je me suis peut-être faite baisée avec le sourire et l'hospitalité marocaine. Je mets une petite dose dans la cuillère.
Treize gouttes d'eau, deux gouttes de jus de citron, je mélange, je chauffe, je filtre à la toupie, et je trouve une veine sur le dessus de la main qui était épargnée miraculeusement jusqu'à lors. Et c'est parti, je concrétise ce pour quoi j'avais fait 500 kilomètres sur un putain de coup de tête débile. La flamme rouge, j'injecte doucement. Je pense à l'overdose. Injecter doucement, s'arrêter à la moitié, et attendre quelques secondes pour voir si la
came est pas trop forte. Ok, je respecte les consignes, crever d'une OD dans les chiottes d'un Mc Do, un samedi soir en Hollande, ça aurait été encore plus con que mon périple stupide.
Et le flash. Ce petit con que j'avais quitté il y a 5 ans, il pointe son nez en quelques secondes. Je suis défoncée, un petit cheeseburger, un petit coca. Je peux rentrer à Paris. Rotterdam rime bien avec
came.
Et ensuite quoi ? Cela fait quinze jours. Les 10 grammes sont finis depuis hier soir. Le manque de ce matin fut monumental. La fête est finie. Pour avoir la force d'écrire ces lignes, j'ai fait les fonds de cuillères : un bon coup de fouet pour tenir quelques heures de plus.
Et maintenant quoi ?
...