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Une vielle histoire... 



Et voilà …

Fumé un paquet et demi de clopes en une nuit, alimenté ma bibliothèque de films, bidouillé des tonnes de petit machins en papiers pour occuper mes mains, joué à  des jeux tout aussi débiles les uns que les autres et puis j'me suis mise devant mon écran et j'ai tapé sur réponsatout (google) : MANQUE HEROINE

Et me voilà  à  lire des dizaines de témoignages, certains m'ont remué les tripes tant j'y ai retrouvé des bouts de moi et je me suis dis que c'était pas une idée dégueulasse d'écrire.
Ecrire pour se vider un peu, écrire pour partager des bouts de cette histoire, de cette relation qui dure depuis longtemps, trop longtemps mais dans laquelle même après une longue séparation, je me retrouve (presque) comme au début.

Après plus de trois ans clean, et un décrochage à  la dure,sans substitut un changement de pays, des tas de trucs de faits, de nouveaux potes, une nouvelle vie quoi, c'est le grand plongeon.
Ce truc qui te prend aux tripes et où il te faut de la came, là , maintenant, tout de suite…

Les premiers temps dans cette nouvelle vie, j'avais bien flanché une fois.
Dans un moment d'angoisse, j'avais un pote qui revendait pour survivre et lui avait fait croire que je connaissais quelqu'un qui pourrait être un client potentiel, je l'avais roulé comme ça pendant une semaine jusqu'à  ce qu'il découvre le pot aux roses et refuse de me vendre quoique ce soit. Il m'avait même pris chez lui pendant plusieurs jours pour être bien sur que je décroche.
Et puis sans tunes, à  voir ces gens errants qui déambulent dans les rues d'Athènes, tous complètement ravagés par la Sissa, après avoir vu ce type presque crever dans mes yeux dans la rues dans l'indifférence de tous les passants, je m'étais convaincue que c'était ni le moment ni l'endroit et qu'il fallait que je lutte pour que cette rupture continue.

Après tout à  part ce pote, je connaissais personne et j'avais vraiment pas envie de me retrouver dans des lugubres plans de rues. Je connaissais pas la langue, les prix, les produits sur le marché enfin (malgré moi) j'ai tout appris très vite, mais j'ai réussi à  me tenir à  distance, à  m'occuper la tête.
Et puis l'alcool aidant, je trouvais d'autres moyens de m'évader sans jamais parvenir à  l'état auquel j'aspirais, sans jamais me débarrasser de ces envies qui me prennent mais j'arrivais au moins à  rester à  distance.

Et puis ces six derniers mois, l'envie s'est faite plus pressante. Un retour en France pour quelques mois, pas à  ma place.
Alors quand une pote se pointe avec plein d'opium, je trouve ça cool mais ça me suffit pas.
Alors que je suis dans une ville dans laquelle j'ai jamais consommé, je trouve un moyen de choper un gramme et bien sur je me dis " juste un" histoire de se faire plaisir et aussi "pas de fix, juste des traces ou des dragons" ça m'accrochera moins…

Comme si je savais pas…

Et puis les promesses faites à  moi-même se sont envolées en fumée, comme à  chaque fois.
Les grammes se sont enchainés, j'ai quand même réussi à  pas aller chercher de steribox en me disant que ça serait ça mon rempart.
Et il a fallu partir, quitter la France pour retourner vers ce qui était ma vie depuis trois ans, plus de plans et surtout ce rebutoir de la rue.
Faut dire aussi qu'en Grèce, il faut des années pour rentrer dans un programme de substitution, la réduction des risques n'a jamais pesé dans la balance des politiques locales et t'as le temps de crever 10 fois avant d'arriver à  obtenir quelque chose. Pas de couverture sociale minimum, aucune prise en charge à  l'exception de quelques camionnettes qui se baladent et qui essaient tant bien que mal d'offrir des analyses de sang et des seringues propres.

La politique du gouvernement, c'est plutôt des rafles de toxicomanes dans les rues, emmenés dans un centre de rétention pour des examens obligatoires, enfermés, puis relâchés au beau milieu de nulle part à  plus de 80 km et doivent se démerder pour rentrer. (pour plus d'infos voir les liens en bas)

Tout ça ne calmait pas les envies, mais les rendait bien plus difficilement réalisable. J'avais au moins réussi à  construire une barrière dans ma tête : je voulais plus des plans de rues entourées de gens qui pouvaient m'arnaquer à  n'importe quel moment.
Quoique si j'avais été à  quelques heures de route de rotterdam, j'y serai allée en courant….

Bref, j'ai tenu quelques mois comme ça, et puisil y a une dizaine de jours j'ai croisé une connaissance de ce fameux potes que j'avais berné au tout début.
Je lui demande si il connait pas quelqu'un parce que j'ai un pote qui vient de France et qu'il est à  la recherche de came. Il me pose deux trois questions, on se donne rendez-vous pour le lendemain et je repars, fébrile.
Je lui ai demandé un seul gramme, toujours la même chanson : un gramme, juste un gramme, histoire de se faire du bien dans une mauvaise passe.

Le soir venu on se retrouve dans un café, lui est content de me voir, il a la parlotte, moi je ne pense qu'à  une chose : qu'il me file ce putain de képa pour que je rentre chez moi.
J'accepte quand même les deux bières qu'il m'offre, je vais aux toilettes pour me faire une trace parce qu'il en finit pas de parler.
Mais moi ce que je voulais c'était mon rituel.
De toute façon, faute de pouvoir trouver des seringues, ce sera le dragon.

Une fois qu'il me lâche je rentre chez moi avec mon rouleau d'allu tout neuf sous le bras, tremblante d'impatience, des fourmis dans le ventre tant j'ai hate.

Je fume le gramme en quelques heures, affalée dans mon lit, mes colocs ne voient rien.
Je rappelle le type et lui dit que "mon pote" veut plusieurs grammes, deux.
Je les fumes le jour qui suit et ainsi de suite. A la fois tiraillée par la culpabilité de pas être assez forte et euphorique comme si j'avais retrouvé un vieil amant avec lequel je suis ravie de passer quelques journées au lit.
Je me scrute dans le miroir, comme pour voir si c'est bien moi, retrouver cette moi avec qui j'avais rompu tout ce temps.
Et dix jours passent comme ça.
Plus personne ne me voit, tout le monde se demande ce qui se passe, et même si tout le monde sait pour le passé, j'ai pas envie de vivre le drame que ça créera s'ils apprennent pour le présent, alors je me cache.

Sauf que je suis à  sec.
Plus rien enfin il me reste 50 balles pour tenir jusqu'à  mon prochain salaire, au milieu du mois prochain.
Alors depuis hier matin, je renoue avec l'autre coté de cette vielle relation. Les moments durs où mes reins me font mal, même si c'est moins que par le passé, où je regarde ces putains de 50 euros et où il faut que je pense à  mes factures à  payer la semaine prochaine et pour lesquelles ces 50 balles ne suffisent pas.
Où je me demande où ça mène tout ça et le moment suivant j'enfile mon manteau, le téléphone à  la main, où je marche jusqu'au métro et puis fait marche arrière.

Je me dis surtout que si j'avais des tunes, j'y réfléchirai pas.
Je me demande ce que je ferai quand je serai payée dans quinze jours.

Et le pire, c'est qu'avec ces insomnies, j'ai beaucoup de temps pour y penser….



LES LIENS :

http://exilesengrece.over-blog.com/arti … 47520.html

http://www.vice.com/fr/tag/Operation+Thetis

http://www.x-pressed.org/?xpd_article=f … mp;lang=fr

http://www.lemonde.fr/europe/article/20 … _3214.html

Catégorie : Témoignages - 25 janvier 2014 à  07:39



Commentaires
#1 Posté par : mariemeuh 25 janvier 2014 à  08:36
bonjour Douch

merci pour ton récit, les liens insérés.

Tu verras sur ce site il y a des personnes qui connaissent tout ça qui pourront apporter des réponses à  tes questions et cela sans jugement.

Courage à  toi

 
#2 Posté par : cristaline 25 janvier 2014 à  12:42
Salut Douch,

j'ai adoré ton témoignage (enfin la façon dont tu décris les choses, pas ce que tu vis) et surtout cette phrase, que j'ai trouvé très réaliste :

"euphorique comme si j'avais retrouvé un vieil amant avec lequel je suis ravie de passer quelques journées au lit."

Continue à  partager avec nous ton histoire car c'est un plaisir de te lire.

J'espère que tu trouveras un peu de soutien ici.

Bise.

Cristaline

 
#3 Posté par : Ricoson 25 janvier 2014 à  13:48
Jolis témoignage Douch.

Décidément, il y a un vrai bain "langage" sur psychoactif.
De vrais textes, de vrais histoires et témoignages.
le plaisir de lire.......une vrai "drogue qui dure".

Rico.

 
#4 Posté par : lemike11092001 26 janvier 2014 à  04:51
Salut DOUCH !!

Excellent description du ressenti dans ces moments là .
Ormis le dépaysement, à  quelques détails près j'ai bien cette sensation en lisant de revoir mon passé. Tu te procures ton "précieux" en te disant  "c'est la dernière fois !" ou " putain !! je ne suis qu'une merde!!!" et j'en passe.
Et ce manque terrible, ce besoin qui te prends les tripes, enfin voilà  quoi.
Tu fais bien de te lâcher et de t'exprimer, ça libère. Je t'encourage à  continuer comme ça et pendant ce temps là , tu y penses, mais logiquement tu ne consommes pas, et c'est déjà  un pas en avant et le peu de temps que tu peux gratter comme ça te mène petit à  petit de l'autre côté.
Le sevrage est une chose, la rechute par contre, peut être plus dure à  gérer ?
Quoiqu'il en soit, le fait de rester bien conscient de la galère dans la quelle on réembarque permet je pense même si il y a rechute d'évoluer dans le bon sens.
On ne gagne pas à  tous les coups et plusieurs tentatives sont parfois "nécessaires" (on a parlé de moi là ??).

Aller sache que tu peux compter sur mon soutien et accroche toi.

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