Bonjour cher(e)s psychonautes !!!
Quelques faits rapides afin de mieux cerner mon
TR.
J’ai 35 ans, je suis consommateur de psychédéliques énthéogènes depuis deux ans suite à une prise de
psilocybes qui a bouleversé ma vie en m’extirpant instantanément d’une dépression très sombre.
Quatre points me paraissent importants de préciser :
- Je suis atteint d’une maladie depuis mon adolescence qui fait que je perds la vue petit à petit, ce qui a une incidence sur mes trips, surtout sous emprise d’hallucinogènes. J’ai une tache au milieu de la vue sur chaque œil qui s’étend petit à petit sur les côtés au fur et à mesure que le temps passe.
- Avant ma prise de
LSD je n’avais jamais fait de
bad trip, ni même ressenti le moindre effet négatif « psychologiquement parlant » quel que soit le produit que j’ai pu prendre. Jamais de paranoïa, de tristesse ou quoi que ce soit y compris pendant les
descentes, je sens juste l’effet du produit qui s’estompe, comme un manège qui s’arrête et que l’on a trouvé trop court. Je ressens par contre les effets corporels selon les produits (nausées, vertiges etc)
- C’etait la première fois (en dehors de l’Alcool) que je prenais un psychédélique dans des circonstances festives, en général je préfère prendre les produits dans un cadre cosy et dans une perspective « méditative », « voyage intérieur ».
- J’étais informé qu’on ne peut pas mourir d’une overdose de
LSD avant ma prise.
Aujourd’hui donc j’aimerais vous raconter comment un manque d’humilité de ma part et l’enchainement de décisions à posteriori discutables (voire stupides) m’ont amené à vivre le plus merveilleux
bad trip de ma vie.
Je vais tenter de vous décrire l’expérience du mieux que je peux avec les erreurs de jugements que j’ai commis et ressentis de l’époque, il va s’en dire que ma vision des choses est sensiblement différente aujourd’hui.
Je vous préviens d’avance que le topic va être assez long, je ne vous en voudrais pas si vous n’allez pas jusqu’au bout ou si vous vous arrêtez maintenant ^^
Pour ceux qui désireraient se mettre dans l’ambiance sonore pour lire ce
TR je vous conseille d'écouter «
Speed Freak » de 1200 micrograms en fond sonore, ca va vous rendre la lecture plus immersive.
Si vous préférez vous mettre dans l’ambiance visuelle, tapez sur Youtube « Ace Ventura ozora 2022 »
On est partis ?
La prise a eu lieu pendant l’O.Z.O.R.A édition 2022,
Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit d’un gros
festival mondialement reconnu, d'art et de musique transe psychédélique organisé dans le domaine d’ozora près du village Dádpuszta en hongrie, réunissant chaque année près de 30 000 personnes sur une dizaine de jours. 5 scènes avec de la musique 24h/24h
Je pose le cadre :
On est samedi, avant dernier jour du
festival, il fait un temps magnifique et on sent bien que tout le monde veut profiter de l’apothéose du
festival, Les têtes d’affiche vont défiler tout l’après-midi et comme beaucoup j’ai envie de rendre la journée encore plus exceptionnelle qu’elle ne l’est déjà. Envie d’essayer quelque chose de nouveau. Après moult discussions avec d’autres « campeurs » mon choix se portera sur le
LSD.
Mon set est parfait ! Je me sens vraiment très bien, après une semaine d’émotions intenses, de partage, d’amour, de révélations et de bonheur. Quant au setting il me parait idéal pour ma première fois en milieu festif, temps magnifique, musique qui me plait, des ondes bien positives de part et d’autres des campeurs.
Par prudence je demande à un ami de longue date, de confiance, s’il veut bien être mon gardien pour l’évènement, à mon instar il veut profiter de cette journée pour en prendre également et me propose donc que l’on en prenne ensemble.
Ce n’est pas sa première prise et il me dit qu’il est « rodé » au dosage que l’on s’apprête à prendre. Pour assurer le coup je demande à deux autres connaissances (récentes) si elles veulent bien faire nos gardiennes sachant qu’elles, ne prendraient rien de toute la journée. Je me dis ainsi que deux gardiennes sobres (que je ne connais pas trop) et un troisième (ami de confiance qui prends le même dosage que moi) ca va le faire.
Haha…
Le dosage de
LSD consistait en un
buvard de 100 microgrammes 1-cP
LSD (difficile de savoir si le vendeur était vraiment fiable mais on nous l’avait chaudement recommandé) Je choisis de prendre le
LSD en début d’aprèm pour vivre une bonne partie du trip en diurne ne sachant pas comment je pourrais vivre l’expérience en nocturne avec mon problème de vision. Je me dis que si le voyage ne me convient pas il me suffira de finir le trip dans la tente.
Il est 14h au campement lorsque l’on commence à mâchouiller nos
buvard, on avale.
Let’s go !!!
Après 15 mn seulement je commence à « voir à nouveau », je m’explique : Lorsque je prends certains psychédéliques mes taches dans les yeux se « colorent » et je vois mieux pendant le temps du trip. Concrètement sur le coup je prends un livre et j’arrive à le lire alors qu’en temps normal j’en suis incapable.
Ce n’est pas la première fois que ça me fait cet effet mais c’est la première fois que ça arrive aussi vite, sachant que le trip est sensé durer une dizaine d’heures je me dis que ça va être sympa.
14h30 : Emballé par les premiers effets je propose qu’on se mette en route, direction la scène principale. Les couleurs commencent à être plus vives, les contrastes augmentent. Vraiment chouette ca démarre fort et vite.
Sur le chemin, je commence à percevoir les premières hallucinations visuelles et notamment la route qui « s’allonge ». Dès cette hallucination je comprends qu’elle n’est pas seulement visuelle et que ma temporalité est également modifiée. Une route qui s’allonge, ça fait marcher davantage ! Je suis conscient qu’il nous faut environ 15 mn a pied pour arriver jusqu’à la scène principale mais déjà là j’ai l’impression que ca nous prends une bonne heure de marche. D’autant plus que les effets visuels deviennent vraiment cool, les couleurs ne sont plus les bonnes (beaucoup de rose, très pop art) et je ne peux m’empêcher de penser à certains films qui ont réussi à retranscrire à l’écran ce que je voyais à mon tour.
14h45 : on arrive près de la scène, du gros son, des gens qui dansent de partout, certains sont nus dans de grandes flaques de boues, d’autres se font arroser par les pompiers pour lutter contre la chaleur.
Je commence à voir de mieux en mieux, j’avais même oublié ce que ça faisait de « voir normalement », surtout « voir de loin » je me sens très ému de vivre ce moment.
15h : Je me pose sur le côté de la scène pour voir un peu ce qui se passe et les hallus continuent de monter.
Deux ambiances se mélangent à partir de là : je commence à voir tous les gens comme des singes. Pas avec des poils ou une queue non… je veux dire que dans leur comportement, ils réagissent exactement comme des singes, comme les animaux que nous sommes. Les seuls que je ne vois pas se comporter "différemment" ce sont les enfants qui courent et jouent un peu plus loin. Pour en discuter avec mes trois gardiens sur le coup quand je leur décris ce que je vois, ils me disent que ca donne l’impression que je vois ce que les gens "émanent" comme émotion. Je vois les jeux d’attirances, les rapports bestiaux et primaires qui nous relient les uns aux autres.
La deuxième ambiance ressemblerait à un film Mad max, le côté primitif qui se mélange au post-apo de la situation. des centaines de singes qui s’agitent en rythme autour d’un immense tambour (les enceintes) qui vibre et frappe de plus en plus fort, immense cœur de son qui bat et palpite devant nous. Je visualise aussi à quel point le son « attire » les gens et notamment mon ami gardien que je connais bien. Quand les infra-bassses débarquent, on se retrouve moustiques attirés par la lumière bleue.
15h30 : Je ressens pour la première fois depuis le début du trip (et de ma vie sous psychédélique) un truc un peu désagréable… un petit sentiment d’oppression qui monte…
Je comprends juste que je dois « m’éloigner » du son. Je sens qu’un piège est en train de se refermer sur moi mais je ne sais pas ce qui en est à l’origine à cet instant. Je demande à mon ami si on peut s’éloigner et là je sens sa déception… X100 !!! Je comprends que j’ai basculé d’un seul coup dans une forme d’hyper sensibilité. Je sais que mon pote est juste un peu déçu car il veut rester près de la scène pour profiter du son mais je ressens sa déception profondément, de manière disproportionnée. Je lui propose de m’éloigner avec les deux autres gardiennes mais il me dit qu’il m’a promis qu’on passerait la journée ensemble et qu’il est hors de question qu’il me lâche comme gardien. Je ressens toute sa bienveillance et son sentiment de protection, ça me fait beaucoup de bien, ca me rassure.
On s’éloigne un peu… pas assez selon moi mais à distance raisonnable pour ne pas gâcher l’expérience des autres non plus. On s’assoit dans l’herbe de la prairie, à 100 m des enceintes je dirais.
15h45 : ca continue de monter… les hallu et l’oppression, je commence à voir naître une sorte de grosse tempête de sable… non…. Deux grosses tempêtes de sable commencent à apparaitre. Je demande aux autres ce qu’il en est et me disent qu’il n’y aucun tempète de sable mais que par contre, le vent se lève fort.
Je me concentre… j’essaie de comprendre….
Les réponses commencent à m’apparaitre : synesthésie.
Je commence à voir le son, mais comme le son sort d’aussi grosses enceintes, c’est une tornade qui commence à apparaitre devant moi. Le sentiment d’oppression que j’avais commencé à ressentir près de la scène était surement celui-là.
La deuxième tempête ? Le vent… je commence à voir le vent… et ce jour-là ca va souffler très fort
Je vois un troisième petit nuage de sable rose qui me fonce dessus, à peine arrivé sur moi qu’une odeur de friture me rentre dans les narines venant de la lointaine baraque à frite.
Ok donc je vois les odeurs.
Du moins je crois voir tout ça… en tout cas c’est ce que je me demande à ce moment-là, et à partir de là je vais poser pas mal de questions à mes gardiens pour savoir ce qui est selon moi du domaine des hallucinations pures (genre je vois un éléphant mais y’a pas d’éléphant) ou du domaine de la perception modifiée, de la réalité altérée (genre voir le vent).
Les tornades ne cessent de grandir… ça commence à me faire flipper… je commence à plus voir à travers les tempêtes de sable… ça commence à nous entourer…
J'ai en plus de petites boucles temporelles qui commencent à apparaitre. L'impression de voir plusieurs fois d'affilés des petites scénettes de quelques secondes.
Je fais part à mon ami de mes inquiétudes mais sa réponse (pourtant bienveillante au possible) va aggraver mon état.
« Tu sais… tu n’es qu’au début du trip et tu en as encore pour une dizaine d’heures donc il vaut mieux que tu lâche prise dès maintenant»
Wow…. Dix heures comme ça alors que ça ne fait que monter aussi fort depuis le début ? En plus j’ai déjà l’impression que ça fait 4 h qu’on est partis du campement. Je me dis que ça va être plus fatiguant que ce que je pensais. J’ai peut-être eu les yeux plus gros que le ventre… les stimuli de mon setting sont très fort et je n’ai que très peu de contrôle sur eux, je suis loin de mon appart cosy, les premiers doutes s’emparent de moi.
Je réalise aussi à ce moment-là que ce que je ressens influence mes hallucinations. Quand je panique un peu, que je me sens oppressé, ma vision se trouble un peu, ça tremble de plus en plus, les couleurs si vives deviennent pales, pastels, même les sons auparavant « chauds et profonds » deviennent « métalliques et agressifs ».
Bon oki… Je vais essayer de reprendre le contrôle…
Je me mets en tailleur et je fais ce que je connais bien, ce que je sais faire.
Je me mets à respirer, profondément… j’essaie de me calmer… de sentir le battement de mon cœur malgré les tornades qui sifflent autour de nous.
Je fais le vide…. J’essaie….
Ca me prends du temps… pas mal de temps mais ça va de mieux en mieux… ça fait un bien fou….. !
Les couleurs reviennent, la vue se stabilise, les tornades diminuent,
C’est de plus en plus beau putain…. !!!
Chaque brin d’herbe devient brin d’or, chaque
caillou devient bijou étincelant. Même les objets sales devant moi (sandales, cannettes de soda…) deviennent des trésors de beauté. Je ne peux m’empêcher de penser à ces mecs que j’ai vus parfois triper dans des caniveaux immondes comme s’il nageaient dans des piscines de champagne. Je leur dois milles excuses pour les avoir jugés sans savoir ce qu’ils voyaient. Au plus haut point de ce spectacle incroyable, des fractals bleus me parcourent le corps comme des lianes vivaces et se fondent en moi.
Magnifique…. !!!!
Je fais même ma première petite sortie corporelle, en me voyant « du dessus ». C'est arrivé suite à un un petit exercice que je pratique de temps en temps en médiation ou j'essaie de ne plus du tout sentir mon corps, une fois réalisé c'est comme si je sentais que je pouvais "étirer" ma consience vers le haut et boum sortie de corps.
Etrange la sensation de parler et de se voir parler en même temps, sans miroir.
Un moment magique
15h30 « Bon les gars… vous ne voulez pas bouger… ? »
Cette phrase va être lancé par une des deux gardiennes et va marquer le début de mon effondrement.
Je réfléchis… je pèse mes mots…
« Alors tu sais… Loin de moi l’idée de vous empêcher de faire ce que vous voulez mais moi là je ne me sens pas du tout en état de bouger… »
Je sens sa déception…. X1000 !!!
Ça m’affecte… je me sens nul…. je n’arrive pas à tenir son regard… Je n’ai même pas conscience que tout est de nouveau en train de s’effondrer autour de moi. Je me rappelle d’un coup pourquoi j’ai toujours privilégier les prises de psychédéliques en solo… Gerer les émotions des autres relève de l'épreuve pour moi sous psyché...
« Au moins vous venez avec nous chercher à manger ? »
Punaise…. Deuxième estoc
« Je suis vraiment désolé, ce n’est pas que je ne veux pas mais comme je te l’ai dit je ne me sens pas capable de bouger là…. »
Même pas le temps de finir ma phrase… sa déception se transforme en agacement.
Comprenons-nous bien cette fille n’a pas du tout de mauvais fond, au contraire… mais pour en avoir discuter avec elle après elle s’imaginait juste que ce que je vivais sur ce le coup était semblable à « une cuite alcoolique ». Et c’est mon hyper sensibilité qui me fait me sentir comme une merde devant ce qu’elle émane « malgré elle », la situation en elle même est carrément banale, des situations comme on en vit des dizaines chaque jour.
Je me sens assommé… blessée… touché dans mon amour propre… Je voudrais qu’elle s’éloigne de moi. Ce qu’elle ressent n’est pas grand-chose en soi je le sais mais ca me détruit, ça me fait du mal...
« Bon ben nous on va chercher à manger vous nous attendez là ? »
Ouf elles s’éloignent
Pour la petite anecdote, elles nous confient à ce moment précis un appareil photo reflex le temps qu’elles reviennent (pour vous souligner à quel point cet acte de candeur est révélateur de leur insouciance/inconscience)
Mais ça m’a mis un sacré coup je n’arrive plus à retrouver mon état d’avant avec la respi, d’autant que je suis conscient d’avoir perdu mes deux gardiennes « sobres ». Heureusement mon ami est toujours bien présent lui !!!
15h45 : « Mais qu’est ce qu’elles font les filles… ça fait un moment qu’elles sont parties… ! »
Mon pote me sort ça… j’ai l’impression qu’elles sont parties depuis deux mn…
Je lui demande si ca va… Ou il en est lui dans son trip. Je le sens inquiet… perturbé…
Mais il me dit qu’il va bien, il a à peine quelques visuels rien de plus mais qu’il commence à avoir très envie de pisser.
Je résume : J’ai marché pendant des heures, je suis paumé au milieu de tornades de sons et de vent, les gens se comportent en singes, je sens les émotions beaucoup plus fortes qu’elles ne sont, des fractals m'ont parcourus le corps comme des lianes juste avant que je n’arrive à quitter mon propre corps...
Et lui il a « quelques visuels »!!!
Je commence à douter de mon ami…
Je saurais le lendemain quand on en reparlera qu’en effet il allait bien et qu’il n’a réellement eu que quelques visuels, rien de plus. L’hyper sensibilité cumulé à son envie de pisser me plonge dans la paranoïa sans que je comprenne.
« Là je tiens plus je vais me pisser dessus… tu préfères quoi, tu viens avec moi aux toilettes ou tu m’attends là ? »
Putain il me demande de faire des choix… en plus je n’ai pas compris tous les mots qu’il a prononcé et je sens que moi-même je commence à avoir du mal à m’exprimer. Les mots sont dans ma tête mais certains n’arrivent plus à sortir de ma bouche… ou alors c’est lui qui arrive plus à bien prononcer les mots ? C’est pour ça que je ne les comprends pas tous ?
« Ok on essaie de bouger »
Putain le sketch … faut pas oublier les affaires… les sandales, pourquoi y'a un appareil photo ? Qu’est ce qu’on fouterait d’un appareil photo dans notre état ?
Mon pote me donne les trucs que je dois porter mais « l’image » ne correspond pas au « toucher ».
Il me file ce que je pense être mes sandales (je sens du caoutchouc au toucher) mais visuellement il me donne des bananes. J’ai du mal à les tenir ca correspond pas, j’ai l’impression d’essayer d’enfiler un putain de carré dans un rond. Mais depuis quand on n’a des bananes avec nous bordel ?!!! Tu as l’appareil photo ? Pourquoi on a ça d'ailleurs? Ni moi ni lui n'aimont faire des photos... Je vais lui demander.! C’est pas vrai, je n’arrive plus à prononcer le mot « appareil » je suis bien emmerdé pour lui poser la question. Surtout ne pas faire tomber les bananes au cas ou en fait ca serait le truc pour prendre les photos que j’aurais dans les mains. J’hésite entre rire et pleurer. Le fait que la voix de mon pote commence à prendre un son aigue comme sous hélium va régler la question, ca sera les rires.
On fait dix mètres…
« Ah mais attends… si on prend toutes les affaires, les filles ne vont pas nous retrouver et elles vont s’inquieter »
Je me sens incapable de prendre la moindre décision… Tout va trop vite…. Ou c’est moi qui suis lent ?
Je suis une putain de biche éblouis par des phare de bagnoles.
Là c’est clair maintenant j’ai envie de pleurer et je ne sais pas pourquoi, je me retiens.
« On va revenir ou on était »
On refait les dix mètres dans l’autre sens.
Je suis perdu.
J’ai l’impression qu’on fait n’importe quoi, mon pote est défoncé c’est sûr… on est deux mecs défoncés à l’acide perdus dans le
festival.
Ma vue se trouble de plus en plus….
Mon pote pose les affaires par terre (enfin je crois) et me dit « Assis toi là »
Quoi ? Mais attends j’étais déjà assis là non ? Ça veut dire que ce que je sens en moi ce n’est même plus la réalité ?
Et la je commence à flipper très fort...
Attends mais depuis combien de temps je n’étais plus dans la réalité ? Si ca se trouve j’étais en train de courir dans la prairie et mon pôte m’a attrapé, plaqué au sol… c’est ça qui se passe ?
Je commence à voir tout en noir ma vue se ferme de plus en plus… pourtant mes yeux sont bien ouverts je ne comprends pas… le son des enceintes sonne comme une alarme de réveil stridente, une horrible corne de brume qui m’emporte dans le malaise….
J’entends la voix de mon pote, très loin « Surtout ne bouge pas je reviens !!!! »
Qu’est ce qui se passe, je ne sens plus mon corps….
Plus rien ne fonctionne. Je ne contrôle plus rien…
Je panique complètement… je veux hurler !!! Crier au secours… à l’aide… j’ai besoin d’aide !!!
Rien ne sort…. plus rien ne réponds !!!! C’est ça une crise d’angoisse ?
J’ai la sensation de basculer en arrière, l’impression que du rouge commence à « couler » dans ma vision, dans ma tête.
Je ne vois presque plus rien.
Je suis… il est en train de m’arriver quelque chose de grave en fait…. Et mon pote est parti chercher des secours !!!
J’entends les voix autour de moi, je ne comprends pas ce qu’ils disent mais je « ressens » ce qu’ils disent.
« Putain regarde il est en train de mourir »
« Wow regarde le mec, trop jeune pour ça c’est terrible »
« Mon dieu y’a du sang qui coule de partout je préfère par regarder»
Etc
Et oui... j’ai compris que je suis en train de mourir… mais je peux plus rien faire les gars…
Dernière émotion : un profond sentiment de tristesse… et une pensée pour mon frère et ma mère qui vont bientôt apprendre que je suis mort dans ces circonstances.
Je suis vraiment désolé de vous infliger ça… je vous aime… prenez le temps avant de me rejoindre…
Pardon… pardon de partir avant vous…. profitez… !!!
Merci pour tout ! Je vous aime!!! Qu’est ce que je vous aime putain… !!!
16h : Début de mon EMI (Expérience de Mort Imminente)
Niveau ambiance sonore je vous conseille de passer sur "Supersede" de Carbon Based Lifeforms.
Alors c’est ça la mort ? Mon esprit est toujours bien là mais je ne sens plus rien. je ne sens plus rien et pourtant je me sens « m’effondrer sur moi-même ».
C’est comme être allongé sur un matelas gonflable à la piscine. Le matelas est percé, je commence à couler et je ne peux rien y faire, je prends l’eau de toute part. J’ai l’impression que mon corps se « replie » sur lui-même, comme si on le pliait pour qu’il puisse rentrer dans une toute petite boite. Je me sens très triste à l’idée de mourir… dévasté... je n’ai pas le choix mais je me dis c’est un peu jeune quand même. J’aurais bien continuer de vivre un peu… rien qu'un peu.
Je suis aspiré vers le bas… comme dans un tourbillon…un vortex. Je suis déjà dans le noir mais pourtant c’est de plus en plus noir au fur et à mesure que je suis aspiré en bas. Ce n’est pas désagréable…
Et des voix commencent à me parvenir…. Je ne comprends pas leur langue mais je comprends ce qu’elles me disent pourtant.
Ça sonne un peu comme ça.
« C’est ça la mort, mais ce n’est pas grave !!! »
« C’est vrai que c’est jeune, mais c’est comme ça pas le choix !!! »
« Ne t’inquiète pas c’est comme ça pour tout le monde tu sais »
« Ne te fais pas de bile ça va bien se passer»
Des dizaines, des centaines, des milliers de phrases qui déboulent au fur et à mesure que ma chute dans le tourbillon ne cesse d’accélérer.
Je me sens « nettoyé », « rassuré », les phrases arrivent tellement vite et non-stop qu’elles arrivent à me « convaincre » émotionnellement de tout ce qu’elles me disent. Je n’ai plus le temps de réfléchir à ce qu’elles me disent, ça va trop vite !!!
Je les crois c’est tout.
Elles ont raison de toute façon, elles savent !!! Et c’est vrai que je me sens moins triste, plus du tout triste en fait. Je ne me sens pas « bien » mais je ne me sens plus mal en tout cas.
On arrive en bas du tourbillon, les voix ralentissent… elles disparaissent même…, ça ne peut pas être plus noir que ce noir là…. ca ralentit mais ca ne s’arrête pas et d’un coup ça repart en tourbillon, vers le haut.
La lumière arrive…. Et avec elle de nouveau les voix…. Elles commencent doucement, comme pour la
descente.
« Tu vas voir ca va être cool »
« Tu vas te sentir bien comme jamais »
« On va tout t’expliquer tu vas tout comprendre »
« Voilà le sens de tout ça et tout le monde le comprends à ce moment-là »
« C’est comme un jeu, comme un film, celui de ta vie, de la vie plutôt »
Des dizaines, des centaines, des milliers de phrases d’affilés à une vitesse folle et l’ascension me propulse vers la lumière à une vitesse vertigineuse. Je ressens des émotions… d'abord infimes, puis incroyables.... ça commence par le plus petite émotion que j’ai pus ressentir dans ma vie, disons (exemple : j’ai soif, je bois = petit bonheur) et ca monte ca monte ca monte…. Que du bonheur…! De plus en plus fort!! Du coup je comprends que je vais vivre le plus incroyable orgasme de ma vie… à ma mort !!!
La lumière devient radieuse... Je comprends que j’arrive au bout.
Alors ? y’a quoi après ?
Je me souviens juste, reprendre une grande bouffée d’air, comme celle qu’on doit ressentir à la naissance, quand l’oxygène vous brûle les poumons pour la première fois.
Et là d’un seul coup… le son profond et chaud du cœur… le battement des enceintes
Tout revient d’un coup (semblable à un retour de
salvia, instantané), je suis assis dans la prairie, seul, quelques groupes de gens autour de moi, à quelques mètres, discutent entre eux comme si de rien n’était.
Je me mets à pleurer… de joie, de peine, de soulagement, je ne sais même plus, mais le sourire illumine mon visage. Viennent les rires… !!! Qu’est ce que ca fait du bien.
J'ai un appareil photo autour du cou, mes sandales au pieds et y'a pas de bananes !
Mon pote revient de ce qui était bel et bien un passage aux toilettes, il est 16h10
« Ah ben ca à l’air d’aller mieux toi !!! »
« Mieux que jamais, tu ne peux pas savoir à quel point »
Le trip va encore durer plus de 8 heures et il n’y aura ni tempête ni quoi que se soit d’horrible, que de belles choses après ça.
Durant quelques heures je fus invincible ! Que pouvait t’il m’arriver de toute façon ? Je venais de mourir...
Si je peux vous raconter cette expérience avec autant de détails, c’est que pendant les 12 heures qui ont suivis (impossible de m’endormir, j’entendais tout à des mètres à la ronde malgré les boules quies) je me suis passé tout ce que j’avais ressenti en boucle, encore et encore, car je n’étais pas sûr de me souvenir de quoi que se soit le lendemain (je ne savais pas si le
LSD affectait la mémoire ou si j’allais faire un
blackout comme avec l'
alcool)
Et pourtant j’en ai oublié des trucs… comme les explications des voix sur le sens de tout ça, la réponse était évidente mais je ne m’en souviens pas… et en fait la réponse n’était pas si importante que ça de toute façon, l’explication était évidente et se suffisait à elle-même. Les autres choses dont je me souvienne je n’arriverais pas à vous les décrire. Vous savez, cette sensation d’essayer d'expliquer un monde en trois dimensions avec des mots en deux dimensions ?
Les horaires indiqués pour la narration m’ont étés donné le lendemain par mes trois gardiens en remontant le fil de mon trip.
Débrief et conclusions qui n’engagent que moi :
Selon mon ressenti personnel j’ai commis trois erreurs majeures qui m’on conduit à cet état :
- La première erreur a été de penser que trois gardiens moyennement viable pourraient avoir sur moi la même influence positive qu’un seul gardien fiable.
- La deuxième a été le manque d’humilité sur ma capacité à encaisser le
LSD. Imbu de moi-même par rapport à mes prises de
psilocybes, j’ai négligé les fondamentaux de
RDR et cru que je pouvais faire fi des règles de « Set and Setting » élémentaires car j'étais "entrainé".
- Enfin la troisième, j’ai clairement sous-estimé à mon niveau la puissance des stimuli du setting, pensant que mon set pourrait me permettre de maintenir le cap quoi qu’il arrive.
En ce qui concerne la prise de
LSD en elle-même, j’ai eu la sensation d’avoir « manqué de respect » au produit.
En le prenant de haut, il m’a enseigné une très belle leçon de vie et d’humilité.
Le
LSD m’a appris… sans me briser. J’en éprouve une profonde gratitude.
D’ailleurs selon ma vision très personnelle des choses, il n’y a pas vraiment de «
bad trips »
Bien sûr, il y a des voyages plus désagréables que d’autres (le mot est faible ^^) mais ils ne sont pas moins intéressants ou instructifs à vivre que les « good trips ».
« Un drogué est paré à toute éventualité. il peut voir sa grand-mère morte, grimper le long de sa jambe, un couteau entre les dents. Mais personne ne peut avoir assez de cran pour soutenir un trip pareil ! » - Las Vegas Parano
J’ai pu lire que beaucoup de gens avaient peur des «
bad trips »
Ce sont peut-être même ces peurs-là qui les appellent…
Pour moi ils font partie du jeu… non ! Ils sont le jeu !!!
Ma manière d'envisager un voyage sous psychédéliques ressemble à une séance de cinéma, dont j’ignore à chaque fois le thème du film qui va être projeté sur la toile. Le film commence et boum je suis devant « Avatar » ou « Dune », je vais prendre la claque visuelle de ma vie et je serais surpris par le réalisme de mes propres émotions, Je peux aussi me retrouver devant « Brazil » ou « Matrix » et je serais alors dérangé par la pertinence du sujet exposé et ça va changer la perception de ma réalité à jamais…
Du coup c’est possible également de se retrouver devant un film d’horreur…
Mais si je lâche prise… Que je m’abandonne et que j’accepte de regarder le film tel qu’on me le présente… que j’accepte de regarder à travers le « prisme » qu’on me propose….
Alors à ce moment-là et seulement à ce moment-là, à défaut de passer un bon moment, je serais capable d’en tirer quelque chose de profond, d’instructif.
J’essaierais lors de mes prochains voyages tortueux de ne pas chercher à fermer les yeux, j’essaierais de ne pas me boucher les oreilles, j’accueillerais l’horreur comme les merveilles du voyage,
J’ai déjà lu par d'autres bien sûr les propos que je suis en train de tenir, mais c’est seulement maintenant qu’ils ont du sens pour moi.
J’ai toujours eu très peur de ma propre mort (c’est un euphémisme, cela me terrifiait) mais quand elle est arrivée je me suis senti triste, pas apeuré, encore moins terrifié.
Et depuis, ces sentiments perdurent !!! Je me sens triste à l’idée de perdre un jour mon « individualité » (surement mon ego qui me fait ressentir ça) mais je n’ai plus peur de rejoindre quelque chose de « plus grand », de commun à tous. Ce « truc » universel dont beaucoup m’ont déjà parlés et dont j’ai à peine entraperçu l’entrebâillement de la porte.
Personnellement, la sensation en elle-même de l’EMI, ça m’a fait penser à un manège qui fait peur dans un parc d’attraction.
Vous faites la queue (la vie)… pendant toute l’attente vous flippez… (la peur de la mort)… puis c’est votre tour, vous montez la peur au ventre (vous mourrez)…. Le harnais est mis,, vous ne pouvez plus descendre, vous n’avez plus le choix, donc vous lâchez prise, la peur disparait instantanément, et du coup vous kiffez le manège.
Sur la mort en elle-même, j’ai pour humble avis qu’on aura tous une « mort personnalisé », avant de rejoindre quelque chose de commun.
Au moment où j’ai pris ma grande inspiration, c’est à ce moment-là je pense que ma conscience se serait évanouie, mon individualité aurait disparue, j’aurais cessé d’être « moi » pour devenir « tout ».
Je vais tout faire pour que ma mort arrive le plus tard possible bien sûr mais vous savez quoi ???
Ça m’excite presque de me dire qu’un jour je montrais quoi qu’il arrive dans le dernier manège et que je pourrais l’espace d’un instant bref et infini me demander si y’a pas comme une impression de déjà-vu… et finir avec un ultime orgasme de bonheur c’est pas dégeu comme perspective.
On dit que la vie est bien faite, mais on dirait bien qu’elle est parfaite.
Peut-on encore parler de «
bad trip » quand il vous apporte autant ? Je vous pose la question...
Désolé d’avoir été aussi long je me suis un peu emballé ^^, j'espère ne pas avoir heurté la sensibilité de qui que se soit, ni passer pour un donneur de leçon en exposant ainsi les quelques pistes de réflexion qui n'engagent que moi.
Un grand merci pour ceux qui ont eu la patience de tout lire jusqu’au bout, si vous avez des retours ou des questions ça sera un réel plaisir de partager et si pas de réponses je vous souhaite à toutes et à tous une bonne continuation, de nombreux voyages, qu’ils soient bons ou mauvais.
Dernière modification par Ergot des Aigles (30 mars 2023 à 19:56)