Bonsoir,
A titre perso, je voulais juste dire que moi, cela m'a énormément aidé de lire et d'entendre le témoignage d'autres personnes qui avaient vécu un viol. Savoir qu'eux aussi ont eu beaucoup de mal à mettre des mots dessus. Ce qu'ils ont traversé.
C'est d'ailleurs pour ça que j'en parlais dans ma présentation- oui, c'est bizarre, je m'en rends compte à présent - je n'en avais pas parlé pendant très longtemps - et j'en étais arrivé à un nouveau point, où je le vivais mieux, donc j'ai eu le besoin d'en parler - et aussi parce que c'est lié à ma prise de drogues.
A mon addiction, à l'auto destruction.
Je l'ai hyper mal vécu, parce qu'en plus, c'est arrivé au moment où j'essayais d'échapper à l'emprise de mon père et de me reconstruire, et ça m'a juste détruit. L'impression que j'étais maudite en grand.
Lire le témoignage d'autres filles-garçons, ça m'a aidé dans le sens où j'ai reconnu les choses que j'avais ressenti, j'ai pu les nommer, me rendre compte que je n'étais pas seule et que quelque part, c'était normal d'être traumatisée, normal d'avoir peur du sexe, normal de se sentir coupable. Et c'est pour ça qu'à mon tour j'en parle.
Perso, je me sentais coupable parce que, quand les gens avec qui j'étais m'ont demandé si je voulais qu'ils me raccompagnent à la fac en voiture, j'ai dit non - pour pas les déranger - il était pas tard, quartier tranquille, et je voulais prendre le bus.
Aujourd'hui encore, vingt ans plus tard - !!! - quand j'en parle, obligatoirement, il faut que je dise qu'il était pas tard et que le quartier était tranquille, c'est grave là où la culpabilité va se loger. Comme si, pour avoir voulu prendre le bus, j'étais responsable de ce qui s'est passé.
En fait, autant que le viol, c'est d'avoir accepté l'idée que j'allais mourir qui a été traumatisant. A un moment, j'ai "choisi" - je ne pouvais plus lutter, il allait me tuer, alors ou je mourrais en le suppliant ou je mourrais dignement. J'ai choisi l'option numéro deux, et je suis "partie", mon corps était là , mais pas mon esprit.
Me retrouver vivante, avec en plus ça dans la tête, ça été terrible. Quelque part, je lui en voulais plus de pas m'avoir achevée que de m'avoir violée. Et le mois qui a suivi, j'ai fait n'importe quoi, j'ai cherché la mort, mais dans un état second. Même après une thérapie - qui m'a permis d'extérioriser tous les sentiments et les pleurs que j'avais refoulé - je suis incapable d'établir un ordre chronologique. Comme un cauchemar, avec juste des flashes ici et là .
Je n'en parlais pas, je crois que je n'arrivais même pas à me l'avouer à moi-même, je n'étais que douleur. A tel point qu'à un moment où j'étais à la fac, une fille est venue me voir en me disant en gros :" Je vois bien que tu vas mal, tu n'es plus comme avant, j'ai été violée quand j'avais treize ans et je crois qu'il t'est arrivé la même chose" et moi j'ai dit non, non, tout va bien, j'ai même ri et souri pour lui montrer que tout allait bien.
Je supporte vraiment plus la violence, les cris, les coups, ça me rend hystérique - je fais bien attention à pas me mettre dans ce genre de situation et aujourd'hui encore, je regarde pas les films interdit au moins de douze ans. C'est con, mais même ça, je peux pas. La violence, le sang, les coups, je sais ce que c'est, et ça m'amuse pas de la regarder. Pendant des années, je supportais pas de voir des couteaux genre cran d'arrêt ou rasoir. Je supportais pas de voir des gens attachés.
Mais aujourd'hui, je sais que quelque part, le fait que ce soit un inconnu armé, même si j'ai eu la trouille de ma vie, ça a simplifié les choses. Et aussi le fait que j'avais déjà eu une vie sexuelle avant. Sexuellement, je savais qui j'étais et ce que je voulais.
Pour l'avoir lu et en avoir un peu parlé, j'ai l'impression que c'est encore plus compliqué quand cela arrive à des gens qui n'ont eu aucune expérience - je parle même pas des enfants ..... - parce qu'ils ne savent pas ou si peu qui ils sont sexuellement. Enfin je crois. Et du coup, c'est encore plus ancré en eux qu'ils ont provoqué la personne - et quand c'est quelqu'un de proche ( c'est hélas trop souvent le cas ).
Ou comme toi Mélanie, qui sait qu'il s'est passé quelque chose sans savoir quoi exactement, comment travailler là -dessus puisque tu n'as même pas d'images sur lesquelles mettre des mots ? Je comprends trop bien que cela puisse te ronger.
Et après il faut vivre avec, et aussi vivre avec ce qu'on a dit ou fait pour survivre, parce qu'à ce moment-là , on est vraiment dos au mur. Et après on a tout le temps d'y repenser et de tout analyser.
Sachant que la plupart du temps, l'agresseur se déconnecte de ses sentiments humains et prend la victime pour un véritable objet sexuel - c'est tellement plus facile.
Aujourd'hui, j'arrive à en parler sans pleurer, sans même ressentir trop d'émotions, juste un peu le coeur serré, et rien que ça, j'en suis fière, parce que j'ai du faire un sacré boulot pour me convaincre enfin que j'avais le droit de vivre. Vivre et être heureuse.
C'est là aussi où la famille, les amis jouent un grand rôle. Cela m'a fait un bien fou de pouvoir en parler avec certains amis.
La réaction de la famille, quand on arrive enfin à le dire, et qu'on se fait traiter de menteur. Parce que c'est trop dur à accepter.
Ou cette fille de treize ans qui avoue à sa mère qu'elle a été violée et sa mère répond : Mais tu t'es pas défendue ?? T'as rien fait ?
Le poids de ces mots !! Et quand j'ai dit à cette mère, tu te rends compte à quel point c'est blessant pour ta fille de lui avoir dit ça, et elle qui répond : " Oh mais j'ai dit ça parce qu'elle est forte hein, elle sait se battre !" Que dire devant tant d'incompréhension et de connerie humaine...
Arriver à en parler pour se faire jeter ou juger, que ce soit par ses proches ou ses amis, c'est un peu la double peine.
Mais j'en parle pas pour faire le
héros ou étaler ma misère, j'en parle parce que ça arrive trop souvent, que c'est encore un sujet tabou, qui met les gens mal à l'aise et on a toujours l'impression que ça n'arrive qu'aux autres.
J'en parle parce que, si ces mots peuvent aider une seule personne, ça sera déjà ça, et quelque part, ça transformera toute cette merde en quelque chose de moins négatif.
Et en parler, c'est la seule chose qui nous reste, à nous les victimes, pour essayer de reprendre le contrôle, en racontant l'histoire. Et savoir que ce n'est qu'une étape pour aller mieux, ne pas s'incarner
ad vitam dans ce rôle de victime non plus.
Et comme c'est parfois difficile, quand on a vécu ça dans sa chair, d'élever nos enfants sans trop les protéger, les laisser libres de leurs choix et de leurs rêves, leur garder leur part d'innocence et de foi en l'humanité.
Bonne soirée
bluenaranja
Dernière modification par bluenaranja (25 janvier 2012 à 19:29)