de l'industrie pharmaceutique

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du nouvel obs de ce jour Amicalement


Industrie du médicament : "J'ai vendu mon âme au diable"

Par Anne Crignon


John Virapen, 64 ans, livre le récit de son parcours dans l'industrie pharmaceutique. Une confession professionnelle peu ordinaire.
Du Prozac (Jeff Blackler/REX/REX/SIPA) Du Prozac (Jeff Blackler/REX/REX/SIPA)


Dans la famille "Les Repentis de Big Pharma", voici John Virapen, ancien directeur de la firme Eli Lilly en Suède, qui a rédigé dans sa soixante-quatrième année une confession professionnelle peu ordinaire. Par une ironie du destin, son livre est sorti en France jeudi 17 avril, au lendemain  de la mort de Jacques Servier.

"Depuis des années parfois aux premières heures du jour des silhouettes fantomatiques m’apparaissent en rêve, écrit-il en préambule. Elles se tapent la tête contre les murs ou s’entaillent les bras et la gorge a coups de rasoir. J’ai maintenant compris que j’avais indirectement contribué a la mort de personnes dont les ombres me hantent.

Je n’ai évidemment tué personne directement, mais aujourd'hui je ne peux pas ne pas me sentir responsable en partie de ces morts. J’ai été un instrument, un exécutant, mais consentant, aux mains de l’industrie. […] J’ai été certes manipulé, mais sans me poser de questions. J’ai vendu mon âme au diable."
Le cas du Prozac

D’origine indoue et fils de pêcheur illettré de la Guyane britannique, l’auteur de ce mea culpa glaçant est entré dans l’industrie pharmaceutique, en 1968, par la toute petite porte. En acteur habile de ce qui ne s’appelle pas encore marketing, John Virapen est déjà  en 1981 directeur des ventes de la firme Eli Lilly pour la Suède.

Il raconte les petits pactes inavouables qui se scellent dans ce milieu feutré, et la main mise des firmes sur les leaders d’opinion, ces grands professeurs renommés et gardiens de la doxa. Ainsi l’entre eux, spécialiste du traitement de la douleur et expert au ministère de la santé, recevait-il de Lilly un salaire fixe, moyennant conseil, relecture de brochures et autres conférences.
On faisait surtout appel à  lui en cas d’attaque contre nos produits dans les médias, souvent à  propos d’effets secondaires. Il écrivait immédiatement des articles en notre faveur dans les journaux médicaux. Le microcosme médical était rassuré, la grande presse n’en parlait plus."

En 1986, pour le lancement de la fluoxétine d’Eli Lily, molécule d’or baptisée Prozac qui sera jusqu’à  expiration du brevet en 2001 l’antidépresseur le plus prescrit au monde, John Virapen va commettre ce qui le hante au petit matin : avoir aidé à  promouvoir un médicament dont il connaissait –déjà - l’impact suicidaire (pour les effets secondaires réels des psychotropes, voir le site de veille sanitaire indépendant de David Healy, chercheur à  l’université de Cardiff RxiSK.org) et dont la supériorité sur le placébo n’est toujours pas établie en 2014.

Mais pour l’heure, tandis qu’au siège on organise le plan com’ qui fera de la dépression une maladie couramment diagnostiquée dans tous les pays riches, les satrapes de Lilly s’affairent dans les capitales afin d’obtenir pour le Prozac une autorisation de mise sur le marché.
Comment des suicidés ont disparu

A Stockholm, John Virapen sait qu’un expert indépendant a été officiellement désigné pour émettre un avis. Le nom du professeur est confidentiel, pour tenir éloignés les lobbies justement. John Virapen veut savoir. Il n’y a dans toute la Suède que cinq experts psychiatres suffisamment qualifiés pour avoir été sollicité par l’Etat.

L’un fait partie des autorités de santé ; ça ne peut être lui. Pour les quatre autres, il va agir en profiler et demander à  ses visiteurs médicaux de se renseigner, discrètement. Après quelques semaines de ce maillage discret, l’expert est repéré : c’est Pr Z., à  Göteborg. "J’entrepris d’étudier le Pr Z. de plus près. Il aimait la voile. Je m’achetai un livre sur la voile." Virapen l’appelle, et parvient à  l’inviter à  dîner.
Un facteur a joué en ma faveur, je n’aimais pas le Pr Z, poursuit-il. Une réelle sympathie rend les manipulations plus difficiles. On n’aime pas piéger une personne qu’on apprécie. On ne veut pas obliger quelqu’un qu’on aime à  franchir les frontières de la légalité. Le fait de ne pas aimer était donc un atout."

Un deuxième dîner va sceller leur entente. "L’argent est toujours utile", répond l’expert indépendant quand son hôte lui demande ce qui ferait accélérer son affaire. Le lendemain, Virapen appelle le bureau de Lilly à  Copenhague, qui supervise les pays du Nord, explique qu’il faut 100.000 couronnes pour obtenir une autorisation rapide, soit 20.000 dollars. "Le bureau de Copenhague consulta celui de Genève. Cela prit 24 heures. Puis je reçus un appel :'John, faites tout ce qui vous semble nécessaire.'"

L’expertise du Dr Z. en fut quelque peu orientée. Dans le dossier initial, voici un exemple de ce qu’on pouvait lire : "Sur dix personnes ayant pris le principe actif, 5 eurent des hallucinations et firent une tentative de suicide dont 4 avec succès." A la place on lisait désormais : "Les 5 derniers ont présentés divers effets secondaires." Escamotés, les suicidés sous Prozac, au cours de la phase d’expérimentation.
Au dessus des lois ? Au dessus des Etats ?

Ce témoignage paraît un mois après celui de Bernard Dalbergue,(1) ancien cadre de chez Merck ; un an après l’ouvrage de Julie Wasselin qui fut pendant trente ans visiteuse médicale (2); et dix ans après que Philippe Pignarre, ancien de chez Synthelabo et lanceur d’alerte avant l’heure, a publié "Le Grand secret de l’industrie pharmaceutique" (3). Tous démontrent que la santé est depuis trente ans une affaire de business et de marketing sur fonds de désinformation aux conséquences criminelles.

La confession de John Virapen a été traduite par Philippe Even, qui poursuit ainsi un travail de recadrage entrepris en 2005, soit cinq ans avant le scandale Servier, avec sa traduction du livre Marcia Angell, rédactrice en chef démissionnaire du prestigieux "New England Journal of Medecine" (NEJM), "La vérité sur les compagnies pharmaceutiques" (4).

Etrangement, ces révélations ne suscitent pas l’effroi et les révolutions qu’elles devraient. Comme si la pharmaco-délinquance était une fatalité, et l’industrie du médicament une organisation impossible à  contrôler, au dessus des lois, au dessus des Etats.

Anne Crignon - Le Nouvel Observateur

S'il n'y a pas de solution, il n'y a pas de problème. Devise Shadok (et stoicienne)

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Syd homme
cannasexalcoholic
Inscrit le 04 Feb 2014
185 messages
Ah la suisse, les verts paturages et l'envers du decor big_smile
je prevoie un effondrement des big pharma aux environs de 2030...
faut dire qu'apres les antibios des annees 50 et le viagra, leurs metabo-genomique ou leur docking bio-informatique n'a pas donne grand chose...
il faut bien vivre

« L'amour c'est l'infini mis à  la portée des caniches. » Céline

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PSYAlbertus homme
Nouveau Psycho
Inscrit le 09 Feb 2014
57 messages
Merci pour l'article Prescripteur.

Dans le dossier initial, voici un exemple de ce qu’on pouvait lire : "Sur dix personnes ayant pris le principe actif, 5 eurent des hallucinations et firent une tentative de suicide dont 4 avec succès." A la place on lisait désormais : "Les 5 derniers ont présentés divers effets secondaires."

Je sais pas pourquoi, mais ce paragraphe me fait peur, très peur même...

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Syd homme
cannasexalcoholic
Inscrit le 04 Feb 2014
185 messages
tout ca pour 20 000 dollars, il sont fonctionnarises les docs en suede?

je reprendrai bien du champix sur roacutane moa...

« L'amour c'est l'infini mis à  la portée des caniches. » Céline

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YourLatestTrick homme
Adhérent PsychoACTIF
Inscrit le 21 Oct 2013
1322 messages
Merci pour l'article.
Je parlais dans un autre thread d'une facette (complètement différente) de l'industrie pharmaceutique, et du processus pour acquérir l'AMM . J'enfonce des portes ouvertes, et ce n'est pas nouveau mais ...

Selon le rapport 2003 de la Commission européenne sur l'expérimentation animale, environ 10 millions de vertébrés, dont environ 80 % de rongeurs et de lapins et 10 000 singes, ont été utilisés en 2002 par les États membres.

(wikipedia)

Ca me met hors de moi, mais je me raisonne, j'essaie de rester pragmatique ...
Quand, après, je lis des articles comme celui que relaie prescripteur, qui pointe du doigt l'aspect "marketing", ça me mets à  nouveau en colère.

On bousille des animaux, pour après bidonner des chiffres sur des humains ? Tout ça pour le fric ...
Bien sur, la santé a besoin de fric, mais pas comme ça, ça me fout les boules. J'essaie de pas trop être naïf pourtant. Et demain, je vais en administrer des médocs, je vais en prendre moi même, aussi...

Je pense aux jolis serments, d'Hippocrate, ou de Galien :

« Je jure, en présence des maîtres de la faculté, des conseillers de l’ordre des pharmaciens et de mes condisciples :
D’honorer ceux qui m’ont instruit dans les préceptes de mon art et de leur témoigner ma reconnaissance en restant fidèle à  leur enseignement ;
D’exercer, dans l’intérêt de la santé publique, ma profession avec conscience et de respecter non seulement la législation en vigueur, mais aussi les règles de l’honneur, de la probité et du désintéressement ;
De ne jamais oublier ma responsabilité et mes devoirs envers le malade et sa dignité humaine.
En aucun cas, je ne consentirai à  utiliser mes connaissances et mon état pour corrompre les mœurs et favoriser des actes criminels.
Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à  mes promesses. Que je sois couvert d’opprobre et méprisé de mes confrères si j’y manque. »

(Serment de Galien)


Think of everything you've got
For you will still be here tomorrow
But your dreams may not

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