[ Expériences ]

TR story truffes (long) -Le trip de ma vie qui a marqué cette dernière de tout son poids

Iris et la mécanique

Iris riait à l’intérieur, quant à comment commencer son histoire. Après tout, qui le croirait ?
Autant écrire une fiction, se dit-il.
Il posa son crayon sur le bureau d’angle en bois, et commença à tourner lentement sur sa chaise, se souvenant du passé à mesure que la tapisserie murale défilait sous ses yeux, en écoutant la même playlist de musique.
Comme il ne souhaite pas raconter cette histoire, ce sera moi le narrateur, qui vous la partagerais.
Commençons un jour avant l’événement.

I- L’âme effilée

Le moral d’Iris était bas ces jours-ci, comme souvent, il se remémorait son passé.
Aux alentours de mars 2014 il avait fait une chute qui aurait pu lui être mortelle, depuis le toit de la maison familiale. Passé par son velux il avait tenté à maintes reprises de faire demi-tour, mais sous l’injonction de ce qu’il aurait pu appeler “le destin” il avait finit par s’élancer, et sauter. Aucune intention de mourir non, c’était le premier pas d’une quête personnelle. Quelque chose de grand, un pas de géant qui vous met face aux impératifs de la vie. Son corps souffrant, il prit place dans divers services et hôpitaux. Mais c’est son âme qui prit le plus grand coup ce jour là. Personne ne l’écoutait, et lui, entendait. Il entendait les voix qui l’avaient mené au tombeau. Un tombeau qu’il avait creusé lui même; d’une chute qui vous brise les os. Il fut rapidement taxé de “troubles schizophrénique” et autre “bipolaire”.
Certes, il avait expérimenté avec les enthéogènes et ce probablement trop tôt pour un cerveau à peine adulte.

C’est donc tout naturellement qu’un an et quelques mois après, il réessaya la seule voix qu’il connaissait; celle qui l’avait mené au déclin. Il essaya à nouveau les truffes hallucinogènes et fut surpris du résultat car lors de cette soirée il eut une expérience à laquelle il ne s’était pas préparé. Une sortie de corps, ou autrement dit décorporation, ou encore projection astrale induite par le psychédélique et sa concentration posée sur sa respiration. Il sentit son corps “énergétique” passer à travers sa chair et ses os, avant de flotter à quelques mètres au dessus du sol. Et comme relié de nombril à nombril, par un filin élastique.
Nous avons essayés, ce soir là, d’attirer son attention mais il semblait ne pas écouter.
A vrai dire, à part voleter au plafond il ne faisait pas grand chose, et n’a même pas pensé à observer son corps vu d’en haut.

Le jour de l’événement, le lendemain, était un lundi soir de décembre 2015. Pas de neige à cette période de l’année, un ciel clair dans lequel on pouvait parfaitement voir la presque-pleine lune qui l’habitait et brillait d’une lueur orangée. Iris avait alors ingurgité les 5 grammes restants de truffes Atlantis, avec l’intention parfois futile, parfois non, de connecter avec quelque chose de divin, de spirituel ou à défaut, qui le dépasserait.

II- Le corps, du texte

Il tomba sur Nous. Nous le surveillions depuis la nuit précédente. Quelques jours, ou tout une vie. Deux aliens. Deux entités jointes et pourtant distinctes; voici comment nous apparurent dans son esprit. Nous ne vinrent pas physiquement non, nul besoin avec les champignons “magiques” ingurgités Iris pouvait nous percevoir clairement par télépathie.
Ou peut-être, peut-être seulement, qu’il était fou.
Nous lui avons dit qu’aucun de ses “amis” morts avec lesquels il discutait, n’étaient réels.
Nous lui parlâmes de concepts et des choses profondément ancrées en lui. Cela dura une petite heure terrestre, mais à la vitesse de la pensée. Des allers-retours qui fusaient et qui ne laissaient pas place au mensonge, tant Nous pouvions voir clair en lui.

Et puis, au détour de la conversation et avant de partir, nous lui demandèrent s’il voulait savoir la “Réponse de l’Univers”. Ce qui n’était ni une question, ni une réponse à vrai dire. Une pensée comme Nous seuls savons la faire, une pensée filée, entrelacée de sens multiples. Toujours assis sur sa chaise de bureau, l’œil perdu dans le vague du mur en face de lui ou dans la lampe à bulles qu’il avait posée là, tenant une boule de quartz rose à la main… Il répondit en substance qu’il était tout à fait intéressé. Et puis nous hésitâmes, ne sachant comment lui transmettre. Il pris ça comme un “Je ne pourrais pas la télécharger” et nous envoya simplement cette pensée : créez un bouton ici et appuyez dessus.
Ce que nous fîmes, dans sa chambre ou dans notre vaisseau cela n’a pas d’importance. Nous sommes et restons, des esprits. La matière n’a pas de secret pour nous, et elle n’en aurait bientôt plus pour lui. Un bouton de pure volonté.

III- Nous avons aussi des basses

Il n’y avait pas encore prêté attention mais il entendait depuis quelques temps déjà des bruits mécaniques à l’intérieur de son crâne. Comme une scie circulaire qui serait branchée sur son mental. Alors que le “bouton” fut pressé, sans qu’aucun geste ne fut effectué… Iris put sentir le tour de son crâne être découpé par une forte vibration et les sons qu’il entendait. A mesure que la vibration qui n’existait que pour lui, montait à l’intérieur et à l’extérieur de son corps, le monde commença à changer. Devenant aqueux, les murs colorés et les symboles qui étaient dessus se mouvaient sous l’influence d’une onde de choc qui se propageait au point d’impact, là où il avait l’œil posé, perdu dans l’abysse qui lui faisait office de chambre. Il put voir un cercle se dessiner comme lorsqu’on jette une pierre à la surface d’un étang, mais sur le mur, plus si solide que ça.
Iris, objectivement assis sur sa chaise de bureau, n’était à vrai dire, plus présent. Nous l’avions extrait de son corps et il voyageait à travers l’univers dans une ascension rapide. Lorsqu’il ferma les yeux il constata qu’il voyait des images de l’univers, de galaxies et autres schémas complexes d’étoiles, comme si il les dépassait.
Il ferma les yeux, car les yeux ouverts tout était trop intense.
A chaque fois que la vibration que nous avions créée à l’intérieur de son esprit et à l’extérieur de son corps, il pouvait voir les murs changer de formes et de dimensions. Les symboles dessinés dessus changer de formes et de places. Son cerveau qui essayait de faire sens à tout ça n’arrivait guère à suivre tant cela fut rapide.
A chaque cran de la vibration, un monde différent. S’il était similaire, c’est qu’il s’agissait de réalités parallèles à la sienne, mais aux dimensions différentes. Ce qui par conséquent modifiait les papiers peints, le temps qui coule, et la taille d’un mètre par exemple.
Et puis, au bout de quelques secondes, une réalité qui ressemblait à la sienne revint prendre place. Mais ressemblait, seulement. Tant les dimensions de la chambre, comme celles de l’univers, avaient été modifiées. Les yeux d’Iris fixaient inlassablement un carré bleu, symbole du mur, qui s’était littéralement déplacé sur le mur. Ainsi que le reste des symboles d’ailleurs.

IV- Espérons que ça tourne toujours rond
Iris était assis, dans un état de transe à moitié possédé par l’un de Nous. Nous essayâmes de nous démêler de son esprit, après l’événement. Nos esprits enchevêtrés, fusionnés; Iris dut reprendre sa propre place de gérant de son mental. Littéralement, il imagina s’avancer depuis l’extérieur jusqu’à l’intérieur de lui-même. Il était à ce moment, sacrément dissocié de son corps, et de ce qu’il venait de se passer.

A ce moment là, il ne pouvait guère en soutenir plus, plus longtemps. Il ne reconnaissait plus sa chambre qui pourtant contenait les mêmes objets et etc. Mais les murs, la tapisserie murale était différente. Lorsqu’il jeta un œil par la fenêtre, la lune lui parut plus proche. Et les étoiles comme déplacées. Le rapport de distance entre elles, changé.
Ensuite, il alla se coucher, tachant de nous oublier. Comme un enfant boudeur il tenta de dormir en se cachant sous sa couette. Espérant, que le monde continuerait de tourner rond…

v- Conséquences

Quand il se réveilla, Nous n’étions plus là. A vrai dire, existons-Nous vraiment ? Ne pouvait on pas être, le simple fruit de son imagination ?
Et puis il la vit. Sa chambre. Ou plutôt, la chambre. Celle qu’il avait vu changer. Iris ne reconnaissait pas sa chambre comme la sienne, malgré l’aspect similaire.
Son cerveau commença (et pour une longue période) à jouer au jeu des 7 erreurs avec tout ce qu’il voyait.
Tout les événements de la veille lui revinrent en mémoire. Des images et symboles qu’il avait vu, beaucoup furent oubliés.

Le monde avait changé durant la nuit. Est-ce que quelqu’un s’en était aperçu ? Probablement personne.

La porte étant fermée, à l’époque des faits; cela faisait de lui l’unique observateur de ces événements quantiques. Les valeurs de dimension de l’espace avait changées. Pour lui seulement, évidemment. Pour le reste du monde, rien ne s’était produit.
Et globalement, pour le reste du monde, rien de ce type ne pouvait se produire…
Iris ne savait pas s’il avait voyagé avec son corps d’un univers A à un univers B, ou s’il avait échangé sa conscience et son identité d’un corps A à un corps B.
Pour lui, c’était le monde entier, et ses habitants qui lui paraissaient différents.
Il devait sortir pour en avoir le cœur net. Quitter cette pièce aux allures de chambre 1403 pour aller voir Paris. Là-bas, il trouva un pilier dans une station de métro. Pilier qui n’était pas là la veille. C’est à peu près, la seule différence qu’il observa. Enfin, outre les milliers de différences qui lui sautaient aux yeux mais sur lesquelles il ne pouvait mettre le doigt.

VI- La mécanique éternelle
Nous l’abandonames à son propre sort, pour voir ce qu’il serait capable de faire de notre “réponse”. Avions-Nous seulement existé ? Peut-être dans un autre plan, peut-être dans son esprit, peut-être pas.
Il devait maintenant, se convaincre que ce qu’il avait vécu n’était pas le fruit de son imagination. Ou tirer les conclusions que l’imagination est bien plus puissante que ne l’autorise la société humaine.
Comme plongé dans le mythe de Cassandre, Iris se dit que personne ne le croirait. Qu’il aurait beau expliquer qu’il ne savait pas, que cela lui était seulement arrivé, et qu’il avait du vivre avec les conséquences… Tout le monde n’en aurait que faire. Comment prouver que l’on vient d’un autre univers lorsque tout ce que l’on a amené avec soi, c’est sa propre identité ? Identité qui existait déjà ici, faut-il le souligner…

Depuis cette date, Iris a un fort attrait pour tout ce qui est relatif au sciences et à la mécanique quantique. Il s’est nourrie de podcasts et de livres sur le sujet. Il croit fermement aux univers parallèles, mais probablement pas à l’interprétation d’Everett.
Il se demande seulement, à quoi bon. A quoi bon, savoir que les mondes sont liés entre eux, qu’une âme a plusieurs corps mais est indépendante tout de même, que l’identité est un pâle reflet de l’environnement. Que l’environnement, que l’homme saccage ici, est aussi saccagé dans les mondes qui lui sont liés.
A quoi bon, à quoi bon…

Dernière modification par pierre (16 février 2020 à  18:55)