[ Expériences ]

une expérience chamanique vécue de l'extérieur puis de l'intérieur

Passionnés de l’Amérique du Sud, de son histoire et ses légendes ainsi que du mode de vie et de penser des natifs amérindiens, je suis partis sillonner ce merveilleux continent avec un ami et deux compagnons de voyages rencontré sur les forums sur lesquels je me suis longuement renseigné pour préparer le circuit selon mon budget serré.
J’avais décidé de commencer par le Pérou, un pays qui m’avait toujours intrigué suite aux légendes du Païtiti, la cité perdue des incas et les mystérieuses cités d’or qui ont bercés mon enfance.
Après les visites de Lima, Arequipa et Puno, nous sommes arrivés à  Cuzco, au cœur de l’empire Inca où j’allais enfin être rassasié d’histoires et de légendes.

Un de nos compagnons de voyages avait réservé une cérémonie d’ayahuasca à  Urubamba, une petite ville de la vallée sacrée qu’il avait préféré à  Iquitos ou une autre ville de la jungle suite à  la recommandation de plusieurs amis expérimentés qui avaient participé à  des sessions d’ayahuasca un peu partout au Pérou. Grand consommateur de produits psychédéliques, je m’étais moi-même déjà  renseigné sur cette plante lors de mes recherches sur les communautés natives amérindiennes et suite au film de Jan Kounen avec Vincent Cassel ; Blueberry. Même si j’éprouvai un intérêt et de la curiosité pour le chamanisme, je n’étais pas prêt à  me lancer dans cette aventure malgré toute les cochonneries chimiques que j’avais déjà  consommé. Il faut dire que mes recherches ont plus souvent été basées sur les dangers de cette plantes et les témoignages mettant en garde contre la consommation d’ayahuasca que les explications de ses effets bénéfiques.

Nous avions décidés d’accompagner notre partenaire que nous trouvions très courageux ou peut être fou…et de le soutenir au point de suivre avec lui la diète nécessaire pour que la médecine soit efficace, un supplice quand on voit toutes les tentations de manger au Pérou.
Lui semblait serein, motivé et très documenté sur le sujet, il racontait avec passion les bienfaits de l’ayahuasca au point d’éveiller à  nouveau ma curiosité et celles de nos compagnons par la même occasion.

Arrivé à  Urubamba, nous sommes directement pris en charge par des accompagnateurs français, quelle bonne surprise après avoir connu les guides péruviens qui parlent un anglais catastrophique, nous arrivons dans un endroit atypique avec des escaliers en pierres type Inca et des jardins aménagés, un décor qui procure une ambiance reposante et familiale.
Très vite, cette ambiance et les explications de nos accompagnateurs détendent l’atmosphère au point de décider mon ami et notre 2ème compagnon à  tenter eux aussi l’expérience. Ma décision, sur le fil du rasoir, fini par être rattrapée par mon naturel soucieux mais je suis autorisé exceptionnellement à  les accompagner pendant la cérémonie.
Je suis néanmoins écarté pour le cercle de parole ou mes compagnons s’entretiennent avec le chaman et un accompagnateur pour connaître la personnalité et les problèmes éventuels de chacun, les raisons qui les poussent à  expérimenter la plante sacrée, etc… afin de déterminer la dose précise d’ayahuasca à  donner à  chaque personne.

Je les rejoins ensuite dans un « temazcal », un sauna naturel avec des pierres juste sorties du feu où il fait une chaleur incroyable utilisé pour purifier le corps des participants. 
Sortis profondément relaxés du Temazcal et de la douche fraiche qui suit, nous participons à  une séance de yoga pour préparer le corps de mes compagnons d’aventure à  recevoir le breuvage sacré.
Nous entrons finalement dans la salle de cérémonie, un endroit mystérieux et remplis d’énergie aux décors surréalistes. La fumée du feu de purification et les incantations du chaman rajoute une ambiance mystique et je sens mes compagnons très détendus étant donné les circonstances.

Les rituels du chaman terminés, vient le moment de boire la potion noire et épaisse et apparemment amère en voyant les grimaces des participants. S’en suivent des périodes de chant entrecoupés de djembes et didjeridoos, qui ne tardent pas à  envoyer tout le monde sur une autre planète.
Les uns après les autres vomissent dans un seau apparemment prévu à  cet effet, certains entrent dans une sorte de transe et commencent à  gémir ou à  parler tout seul.
Le chaman et ses assistants s’occupent de chaque personne avec des incantations et d’autres rituels pour s’assurer que l’expérience se passe bien.
Mes compagnons semblent avoir passé le cap difficile et commencent à  apprécier l’expérience à  jugé par mon ami qui ne cesse de dire merci et notre compagnon de voyage qui est entré dans un fou rire de plus d’une heure.

A ma grande surprise, toutes les personnes sortent de la cérémonie avec un large sourire aux lèvres et un regard qui en dit long sur l’expérience fantastique qu’ils viennent de vivre. Mes compagnons me racontent leur voyages et visions, ce qu’ils ont appris et compris sur le monde, l’univers et eux-mêmes, le visage de mon ami s’est transformé, lui qui avait depuis toujours des traits tendus et craintifs esquisse maintenant un sourire et une assurance incroyable.
Tout ceci me rassure et attise encore plus mon envie de tester moi aussi la liane des esprits et toute la nuit je ne peux m’empêcher de penser à  ce que seraient mon expérience personnelle avec l’ayahuasca, quelles seraient mes visions, qu’est ce que la plante pourrait m’apprendre ou me faire comprendre…

La nuit ayant porté conseils, ma décision est prise et le soir même je participe à  ma session d’ayahuasca. Je revis la même cérémonie mais cette fois de l’intérieur ; le breuvage sacré et les incantations du chaman me projettent dans un état indescriptible, revivant des moments précis de ma vie en tant que spectateur, j’avais le sentiment de pouvoir régler toutes les blessures de ma vie, de pouvoir me pardonner toutes mes mauvaises attitudes, de pouvoir dire tout ce que je n’avais osé dire. J’ai alterné entre rires et larmes jusqu’à  sentir une explosion de liberté et un amour puissant et inconditionnel m’entourer, un feu d’artifice d’émotions dans le cœur, je me sentais comme un nouveau né dans les bras de sa mère découvrant pour la première fois ce monde avec des yeux nouveaux, ce qui m’a rappelé le 1er épisode de matrix. J’ai ressenti une profonde connexion avec la nature et mon corps, et des visions me montrant pourquoi il fallait prendre bien soin de l’un et l’autre, j’ai reçu une multitude de messages qui ont répondu à  toutes les questions existentielles que je me posais dont les plus farfelues comme l’origine de l’homme sur terre ! Une sorte de thérapie adaptée et ultra personnalisée accompagnée d’un voyage merveilleux aux visions féériques.

Les visions terminées, je pouvais maintenant moi aussi ressentir le relâchement et la confiance à  l’intérieur de mon corps, mes doutes et mes peurs avaient disparus, j’étais profondément décidé à  améliorer mon alimentation, à  faire plus d’exercices, à  avoir une attitude plus positive envers les événements, les autres, la nature et moi-même. Moi qui est toujours sur la réserve, j’éprouvais maintenant l’envie de communiquer sincèrement avec le monde entier, d’apprendre de leurs expériences et de leur vécu.
Le lendemain, nous avons participé à  un cercle de parole où nous avons pu en savoir plus  sur l’interprétation de nos visions respectives avec le chaman et Greg, l’un des accompagnateurs français qui pratique des  cérémonies depuis plus de 15 ans au Pérou, ses traductions et précieuses interprétations (en français, pour ne pas me déplaire…) nous ont permis de mieux comprendre l’expérience que nous venions de vivre.

Je suis sortis de cette expérience avec une énergie retrouvée, un regard neuf sur le monde, une envie de vivre à  fond cette vie et une meilleure attitude envers les autres et moi-même.
3 ans plus tard, après être retourné à  Urubamba chaque année avec plusieurs cérémonies d’Ayahuasca, San Pedro et de Willka, je reste persuadé que la mescaline et le DMT contenu naturellement dans ces plantes conjugué à  l’aspect sacré des cérémonies chamaniques est totalement différente de la version chimique et des autres hallucinogènes, nous ne somme plus dans la catégorie « défonce » mais plutôt dans un apprentissage des valeurs sacrées, des principes fondamentaux de la nature et de la vie. De surcroit, ces plantes ne provoquent pas d’accoutumance et m’ont même permis de me désaccoutumer de plusieurs autres addictions.   
Par contre, il faut ajouter que la loi française n’autorise pas ces substances sur le territoire, par contre au Pérou c’est parfaitement légal !

Il ne reste qu’à  dire merci, merci Madre Ayahuasca…