Infusée, mastiquée, brûlée en rituel: la
feuille de coca, dont la Bolivie plaide cette semaine en Europe la
dépénalisation, est utilisée depuis des millénaires dans les Andes à des fins médicinales ou sacrées, mais aux yeux du reste du monde, elle est aussi la matière première de la
cocaïne.
Le ministre bolivien des Affaires étrangères, David Choquehuanca, est en tournée cette semaine en Espagne, Suède, Royaume-Uni, France et en Belgique, pour présenter les arguments de la Bolivie, troisième producteur mondial de
feuille de coca, en faveur de sa
dépénalisation.
En Bolivie, elle est depuis 2009 inscrite dans la Constitution comme "patrimoine culturel, ressource naturelle renouvelable de la biodiversité bolivienne et facteur de cohésion sociale".
La coca a son propre secrétariat d'Etat et son premier défenseur en la personne du chef de l'Etat Evo Morales, qui a lui même son lopin.
Mais la
feuille de coca (Erythroxylum coca) fait aussi partie du quotidien de millions d'Andins, en Bolivie, au Pérou, dans le nord du Chili et de l'Argentine depuis des millénaires, en raison de ses présumées valeurs nutritionnelles, pour combattre le mal d'altitude, la faim, la fatigue.
Dans les mines, comme le gigantesque "Cerro Rico" de Potosi (Bolivie), les mineurs chiquent longuement la feuille pour augmenter leur résistance dans les galeries.
Connue pour ses vertus stimulantes, d'oxygénation du sang, la petite feuille verte contient des vitamines et 14 alcaloïdes auxquels la tradition andine, mais aussi la médecine, prêtent des vertus cicatrisantes, diurétiques, anesthésiques. En 1975, une étude de l'Université de Harvard, "Valeur nutritionnelle de la coca", a fait référence sur le sujet.
"La
feuille de coca contient plus de vitamine A que n'importe quel fruit, et deux fois plus de calcium que le lait !", souligne Jorge Hurtado, médecin de l'hôpital psychiatrique de La Paz.
Les Boliviens s'appuient sur ce corpus pour demander de sortir la feuille d'une liste des substances interdites depuis 1961.
Morales a même mâchouillé sa feuille en 2009 à la tribune de la Commission des stupéfiants de l'ONU. "Si c'est une drogue, arrêtez-moi !", a-t-il dit.
La
feuille de coca est présente dès l'empire de Tiwanaku, près du lac Tititaca il y a 4.000 ans.
"Elle est une partie importante des cultures indigènes originaires", souligne l'anthropologue aymara Esteban Ticona, directeur académique au ministère des Affaires étrangères.
Mais la coca est aussi la matière première de la
cocaïne, obtenue après
séchage, macération et addition chimique aux feuilles.
La Bolivie, avec 113 tonnes produites en 2008, est dans le trio des premiers producteurs mondiaux, avec la Colombie et le Pérou.
"Coca si, cocaina no !". Ce slogan résume la ligne du gouvernement Morales: revaloriser, promouvoir, y compris à l'export, la "plante sacrée", tout en luttant contre le trafic de drogue.
Selon l'ONU, la Bolivie compte 30.900 hectares d'arbustes de coca, bien au-delà du seuil de 12.000 fixé par l'Etat pour les usages "légaux" de la coca. Pour les autorités, 35 à 40% des cultures alimentent le narcotrafic, un chiffre largement sous-estimé, selon des experts.
Aussi l'Etat médiatise chaque année ses campagnes d'arrachage, armée à l'appui (8.200 ha éliminés en 2010). Les sceptiques, dont l'opposition, s'interrogent sur la conviction d'un chef d'Etat qui est aussi président d'un syndicat de cultivateurs de coca...
Après les infusions, gâteaux, bonbons, farines, le dentifrice, le Bolivie vient de lancer "Brynco Coca", une nouvelle boisson gazeuse à
base de
feuille de coca, après la "Coca Colla" en 2010.
Parée pour l'export, si jamais l'interdit tombe.
Source :
http://www.google.com/hostednews/afp/ar … d1a5616.f1