bruxelles fait monter la pression sur la France pour déréguler le secteur des analyses médicales. L'objectif est d'ouvrir à 100% le capital des laboratoires de biologie médicale aux investisseurs privés. La santé est-elle une marchandise comme les autres ? Sans aucun doute, répond Bruxelles... Et Roselyne Bachelot s'exécute.
Sur fond de crise financière et d'appel généralisé à une meilleure régulation du capitalisme, la pilule a du mal à passer. Jusqu'à présent, la loi française limite à 25% la participation de sociétés privées au capital des laboratoires de biologie médicale, ceux qui vous prélèvent votre sang pour vous dire si vous avez un cancer ou de l'acné. Mais l'Europe a du mal avec cette notion de "santé publique". S'appuyant sur l'article 43 du Traité de Communauté Européenne qui vise les secteurs marchands en général, la commission menace la France de sanctions si elle ne se met pas aux normes. Pourtant, autant les législations françaises qu'européennes prévoient une exception dans le domaine de la santé publique... c'est en tous cas de cette façon que les traités successifs ont été vendus à l'opinion.
On nous aurait menti ?
Aujourd'hui, le discours a changé. Les laboratoires médicaux doivent s'ouvrir, corps et âme, au monde financier et boursier. Modernité, quand tu nous tiens... "L'ouverture du capital (...) n'a pas été décidée spontanément par le gouvernement. Depuis 2005, la Commission européenne somme la France de justifier ce qu'elle considère comme une violation des (...) règles de concurrence", a déclaré Roselyne Bachelot. Et plutôt que de demander un arbitrage à la Cour de Justice des communautés européennes (CJCE), la ministre de la Santé a préféré "sortir du contentieux et proposer une réforme dont nous aurions l'initiative". Elle appelle aussi à une concertation généralisée sur ce sujet, tout en avouant que le projet de loi sera promulgué... par ordonnance, donc en dehors de toute obligation de discussion publique.
Et la Commission Européenne ne rigole pas, qui a ouvert une enquête pour des manquements aux règles de la concurrence dans le cadre de cette affaire. Jeudi dernier, le personnel de l'Ordre National des Pharmaciens a ainsi vu débarquer une petite quinzaine de représentants de la Commission Européenne pour une perquisition en règle. Fouilles physiques et épluchage des dossiers étaient au menu. L'organisation se défend en assurant qu'elle a "appliqué le code de santé français quant aux conditions d'installation des biologistes". La Commission, fidèles à ses habitudes, refuse de s'exprimer sur les affaires en cours.
Deux cancers pour le prix d'un !
En décembre 2008, ou peut-être un plus tard, hors de tout cadre parlementaire, devrait donc être promulguée une loi soumettant le secteur des analyses médicales au droit du commerce ordinaire. Si tel était le cas, et au vu de l'avenir flamboyant du "marché de la santé", la transition s'annonce rapide. Investissements, acquisitions et fusions, dans un premier temps. Puis, financiarisation, course aux profits, écrasement de la "petite concurrence"... le scénario bien rôdé de la dérégulation, en somme. Plus de 1000 laboratoires d´analyses pourraient disparaître, selon l'Intersyndicale des Biologistes. Et la santé dans tout ça ?
À qui le tour ?
Les Conseils nationaux des Ordres des médecins, des pharmaciens, des chirurgiens-dentistes, des masseurs-kinésithérapeutes et des sages-femmes soutiennent la rébellion des biologistes, en attendant les mesures qui seront prises concernant leur profession. Sans compter que la dispersion des données personnelles médicales dans un milieu déréglementé ne présage rien de bon, en ces temps où la "gestion du risque" redevient à la mode...
Un site Internet a été créé pour l'occasion par la profession : Lasanteauxencheres.fr.
article extrait du site "les mots ont un sens"
l angoisse est le vertige de la liberté