Substituer pour mieux guérir
07.04.2008
La dépendance aux
opiacés est traitée par le
Subutex et la
méthadone depuis le début des années 1990. Une méthode qui semble avoir fait ses preuves.
” Je peux vous dire que ça n´a pas été simple! ” Claude Bronner, médecin généraliste strasbourgeois, reconnaît qu´il y a une quinzaine d´années, la partie n´était pas gagnée. A l´époque, l´intérêt du traitement de
substitution à l´héroïne est défendu par un nombre très réduit de professionnels. Pour inciter médecins et pharmaciens à adhérer à cette politique de santé, ce précurseur crée, en 1994, le réseau Espace médecine générale. Peu à peu, les traitements de
substitution font leur apparition dans les cabinets médicaux. D´abord de façon détournée, avec l´utilisation structurée de médicaments comme le Temgésic, puis avec la
buprénorphine haut dosage, la molécule active du
Subutex, qui sort en 1996.
Selon les chiffres de la Sécurité sociale, en juin 2007, en Alsace, 4824 personnes étaient traitées à la
buprénorphine (97 000 au niveau national) et 1461 sous
méthadone, médicament classé comme stupéfiant et nécessitant des visites régulières dans les centres prescripteurs. Le docteur Bronner s´en félicite. « En Alsace, la
substitution a permis de diviser par cinq les overdoses, et de réduire d´environ 25% la petite délinquance de voie publique. » A ceux qui lui parlent du trafic de
Subutex, dont un réseau a encore été démantelé il y a quelques semaines à Strasbourg, il répond que c´est le revers d´une médaille, celle de la « politique intelligente menée ici.» Et de souligner qu´en Allemagne, la prescription de
buprénorphine est contraignante et très contrôlée. « Du coup, beaucoup d´Allemands viennent se fournir chez nous. Les Pays-Bas ont le même problème avec leur politique libérale sur les drogues ».
« Ici, c´est plus structuré »
Strasbourg est dotée de cinq centres spécialisés de soins aux toxicomanes. En 2006, 282 882 boites de
Subutex ont été vendues dans le Bas-Rhin, soit, en proportion, trois fois plus que la moyenne nationale.
Du côté du Centre d´accueil et de soins (CAS) situé rue Sainte-Catherine, dans le quartier de la Krutenau, on avoue avoir recours à la
substitution par obligation. « Nous avons toujours prôné le
sevrage, explique Mélinda Huber, assistante sociale et chef de service. Car notre vocation première, c´est l´écoute et l´aide psychologique. Depuis deux ans, un médecin est présent au sein du centre. »
Ce mercredi 26 mars, la structure, financée par le ministère de la Santé et sous tutelle de la Ddass, rouvre après deux semaines de fermeture suite à des problèmes de violences. Les visiteurs arrivent au compte-gouttes, accueillis par Mélinda et Joà«l Michel, auxiliaires éducatifs. Pour ce dernier, les toxicomanes restent, malgré leurs excès, un « public attachant ». Hacène (prénom d´emprunt) est un habitué du centre. « C´est un vrai lieu d´accueil. Je viens passer le temps. Et puis on m´aide pour mes CV, mes courriers administratifs, confie ce quadragénaire originaire de Marseille. A Strasbourg, c´est plus structuré, alors que chez moi, les mecs sont livrés à eux-mêmes. »
Le centre applique également le « protocole
méthadone » en partenariat avec l´hôpital civil et sa structure « le fil d´Ariane ».
Héroïne médicalisée
Une solution plus efficace, pour Mélinda, car « plus contraignante ». La délivrance du produit est soumise à des visites régulières dans les centres prescripteurs. Un système rigoureux semblable à celui mis en place en Suisse avec l´héroïne médicalisée. Fabriquée par des laboratoires et administrée au sein de structures d´Etat, elle représente une alternative intéressante aux yeux de Claude Bronner. « Arrêtons l´hypocrisie. Un toxicomane reste un toxicomane. Autant qu´il se pique avec un produit sûr. » Une étape que les pouvoirs publics ne sont sans doute pas encore prêts à franchir.
Francois Gapihan
Romain Chemoul
Source: MCS Info, Université Robert Schuman, Strasbourg
Mots-clés : Alsace,
buprénorphine, dépendance, France,
methadone,
substitution, traitement
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