1 2
Je n’ai pas vraiment écris ce texte pour faire de la pédagogie, ça, ça viendra peut être plus tard. Je n’ai pas écris ce texte pour accuser qui que ce soit car, de toute façon, il est trop tard pour d’hypothétiques excuses qui ne serviraient à rien. J’ai écris ce texte car il m’est apparu comme le seul espace dans lequel je pourrais m’exprimer librement, pour crever cet abcès que vous ignorez mais qui nous étouffe. Je parle de ce que je vis, de ce que je connais, je n’ai pas vocation a représenter un groupe homogène. Chaque personne, chaque produit, chaque parcours est unique. Mais la toxicophobie, elle, s’applique à nous tou-te-s, les toxicos. Et elle s’exprime à travers vous.
À l’origine, la toxicophobie est le fait d’avoir peur des poisons, d’en ingérer ou même d’en faire ingérer à d’autres accidentellement. Aujourd’hui, il désigne le sentiment négatif que ressent une personne vis à vis des toxicomanies et, de fait, des toxicomanes. Cette hostilité peut avoir des conséquences plus ou moins graves (l’impact ne sera pas le même lorsque le / la toxicophobe est médecin, polici-er-ère, journaliste ou un-e ami-e…) et une intensité plus ou moins forte (cela peut aller du mépris à la haine).
Un des principaux effets de la toxicophobie est de faire éprouver aux toxicomanes une honte incroyablement tenace. Honte d’être ce qu’iel est. Tellement tenace que même au pied du mur, ce-tte dernier-e peut toujours nier sa consommation plutôt que d’avouer quelque chose d’aussi honteux aux yeux de la société. Pas facile dans ces conditions de mettre en place un parcours de soin efficace ou même de l’information sur la réduction des risques. Ça a au moins une conséquence et s’il n’y en a qu’une seule que vous devez retenir, c’est celle-ci : la toxicophobie tue.
Un second effet, en partie lié au premier, c’est le partage de mythes, croyances, fausses informations voir contradictoires, qui ont un lien direct sur la/les consommation-s. Entre le coup du « si tu fumes un joint, tu finiras par te piquer », « si tu prends du lsd, tu resteras perché », ou encore « L’héroïne, il suffit d’y goûter pour devenir accro ». Une phrase bien flippante, que chacun-e a sûrement entendu au moins une fois... Mais voilà, les monstres n’effraient pas tou-te-s les enfants tout comme certain-e-s n’ont pas peur de sortir seul-e la nuit, c’est la même chose pour les drogues. Et ce qui est dangereux, c’est quand après la première prise on ne sent aucun effet de manque et qu’on n’a pas spécialement envie d’en reprendre, on comprend que ce qu’on nous dit depuis qu’on est gamin-e, ben ce sont des conneries... Enfin pas que. Mais ça, on s’en rend compte tout-e seul-e, un peu tard.
La toxicophobie, c’est aussi les poncifs du genre « les camé-e-s vendraient père et mère pour une dose », « La seule chose qui compte pour les junkies, c’est elleux-mêmes », « un-e héroïnomane ne peut pas être en couple ou ressentir de l’amour pour quelque chose d’autre que la came »… Voilà de quoi dépeindre les pires sous-merdes et nous mettre directement au ban de la société. Et de quoi culpabiliser tou-te-s les toxicos bien sûr…
La toxicophobie est aussi dans le cinéma : Requiem for a dream est toxicophobe puisqu’on nous montre comment les drogues détruisent irrémédiablement la vie de celleux qui en consomment (Quatre protagonistes qui finissent soit en HP, soit en prison, soit à l’hôpital le bras amputé, soit à être obligé de se prostituer) sans montrer de toxicos heureu-x-ses.
Idem pour Trainspotting qui, malgré qu’il soit un de mes films favoris, diffuse une vision très partielle de la toxicomanie : les toxicos sont des voleurs / voleuses (et notamment entre elleux), mauvais-es parent-e-s (qui laissent leur nourrisson mourir de faim dans son berceau), menteurs / menteuses dont la seule façon de guérir (car la consommation n’est perçue que comme maladie) est le sevrage à la dure puis l’abstinence la plus totale. Tout un programme.
Je passe sur les films qui n’ont pas comme sujet la drogue mais qui se servent de personnages toxicos, souvent des méchants (je pense notamment au méchant dans Léon… Mais si, celui qui croque un cacheton et fait ensuite des trucs chelous... Vous l’avez ?).
Finalement, peu de films ont un regard juste et documenté sur la toxicomanie : seuls les magnifiques Oslo, 31 août et Last Days ont vraiment réussi à capter un truc qui m’a touché, dans lequel je me suis reconnu et sont ceux, parmi les autres précédemment cités, qui ne montrent aucune aiguille ou cachet, comme quoi la toxicomanie ne se résume pas à du matos. Bref, tout ça pour dire que la toxicophobie n’est pas innée chez les gens, ce n’est pas un dégoût naturel mais bel et bien une construction sociale de rejet, de dépréciation et de condamnation morale. Autant la consommation de certains produits peut être valorisée, notamment dans le milieu musical, autant la dépendance est le signe d’une faiblesse d’esprit, un vice, une honte qu’il faut à tout prix faire disparaître.
« La toxicomanie, c’est la rencontre entre une personne et un produit, dans un contexte". » Olievenstein
La toxicophobie, c’est aussi de croire que tou-te-s les toxicos ont pris de la drogue pour rechercher du plaisir, qu’iels savaient très bien ce qu’iels faisaient, mais qu’iels ont continué dans une sorte de volonté autodestructrice. Ce discours moralisateur du péché de gourmandise ou de luxure, une sorte de lecture sadienne – ou sadique du coup – de la prise de drogue, ne peut pas être plus éloigné de la réalité. Je n’ai jamais connu de toxicos qui se disaient heureu-x-ses avant de se défoncer. Le but final, si il y en a un, n’est pas de rechercher du plaisir mais de ne plus souffrir. Pas de voyage psychédélique inoubliable, on veut juste oublier. On ne veut pas ressentir les choses plus puissamment, bien au contraire, on veut s’anesthésier. La came, pour moi, a été un palliatif au suicide. Mais cela ne veut pas dire que tou-te-s celleux qui consomment sont malades, il y en a qui gèrent très bien leur-s consommation-s, il y en a qui ne gèrent pas du tout mais qui ne se définissent pas comme étant « malade », il y en a sûrement qui consomment dans un cadre « récréatif » sans que cela ne traduise un mal-être. Et c’est peut-être, d’ailleurs, une des raisons qui font que telle personne consomme plusieurs fois et arrête comme elle veut et celle qui est accrochée à vitesse grand V. D’où l’importance de ne pas amalgamer toxicomanie et défonce. Personnellement, l’héroïne a comblé un vide abyssal en moi, un vide qui m’aspirait tout entier petit à petit. Elle m’a apporté ce bonheur que je n’arrivais pas à produire naturellement. Mais ceci est mon histoire, mon ressenti et est donc unique, bien qu’il y ait aussi des points communs, des récurrences avec d’autres histoires, d’autres parcours. D’où l’importance de dépasser les généralités pour écouter ce que chacun-e d’entre nous a à dire.
Cela fait 13 ans que je suis toxicomane : d’abord héroïnomane pendant un peu plus de 3 ans, je m’injectais de 1 à 3 grammes par jour, puis substitué au Subutex pendant sept ans, toujours en injection, je suis passé sous Méthadone après une rechute voilà trois ans, et je suis depuis complètement stabilisé. Je suis toxicomane mais peu de gens le savent. C’est le premier effet de la toxicophobie. Et pourtant, j’évolue dans un milieu qui se veut « ouvert » ; je fréquente tout plein de gens cool, tolérant-e-s, bienveillant-e-s. Mais pas une fois je n’ai rencontré de toxicomane. Enfin personne qui ne le revendiquait en tout cas. Pas un mot sur les tables de presse et autres infokiosques. Pas de « ciné-débat ». Pas de caisse de soutien. Rien. Quand on parle des discriminations, nous sommes souvent oublié-e-s.
Il n’y a que les fumeurs de beuh et les consommateurs d’alcool qui sont relativement tranquilles (tant qu’iels ne font pas de bruit) car iels ne sont jamais classé-e-s dans la case « toxicos ». Pourtant, dans le monde merveilleux des addictions, il n’y a pas de différenciation alcoolique / toxicomane. Il n’y a que des personnes dépendantes. Par contre, parmi elleux, il y a des héroïnomanes, des cocaïnomanes, des alcooliques, des fumeurs / fumeuses… Ah ben oui, tou-te-s celleux qui fument du tabac sont toxicomanes ! Enfin, en théorie… En pratique, même la science nous divise. Regardez les termes : comment appelle-t-on une personne dépendante à la nicotine ? Un nicotinomane ? Un tabacomane ? Non, un-e fumeur / fumeuse ! Et pourquoi ne parle t-on pas d’alcoolinomane ? Ou d’éthylomane ? Jusque dans le vocabulaire, on différencie les personnes dépendantes et les toxicos-pervers-es. Et ça aussi, c’est de la toxicophobie.
La toxicomanie est trop souvent vue comme une déviance chez des personnes faibles. Et il n’en faut pas plus pour que certains milieux suintent de dédain et de dégoût pour nous, les toxs, celleux qui s’en foutent de la politique, ne pensent qu’à leurs petites doses, qui se vendraient elleux-même et tou-te-s ses potes pour un gramme de came, salissent tout… Ce sont nous qui ramenons les keufs (« les toxicos sont les meilleurs indics »), ce sont nous qui ramenons les dealers (qui eux-mêmes attirent les keufs), ce sont nous qui pourrissons le quartier. Mon Dieu, nous avons trouvé des seringues usagées par terre, alors qu’il y a des enfants ! Virons ces malpropres ! Certain-e-s se déclarent anti-autoritaires ou humaniste ou libertaire mais adoptent avec une rapidité foudroyante les méthodes des keufs. Et ça me dégoûte.
La drogue individualise tout, et surtout les usagers. On ne voit que le / la drogué-e, jamais le système dans lequel iel s’inscrit. Lorsque des seringues usagées sont ramassées dans un quartier, on crie « haro » sur les camé-e-s et on fait tout pour les chasser. Allez vous piquer ailleurs, bande de drogué-e-s. Et si quelqu’un-e se demande : « Mais pourquoi iels viennent là pour faire ça ? » c’est dans le sens « Mais pourquoi iels vont pas ailleurs ? ». Personne ne se dit : « Et si on allait leur parler, leur demander de jeter leurs seringues vides dans des bouteilles en plastiques ? Et si on essayait de trouver des solutions ? » Personne ne prend contact avec des associations d’aide aux toxicos ou avec un CAARUD [1] par exemple. Non, on exclut, on rejette, on repousse le problème ailleurs.
La vérité, c’est que les toxicos ne sont accepté-e-s que par les toxicos. La médecine nous perçoit comme un « public à risque », des « marginaux », des « cas désespérés ». Le milieu scolaire ne nous voit pas, tout simplement. Les keufs nous chassent pour gonfler leurs stats, pour s’occuper, pour rigoler. La justice nous voit comme des moins-que-rien, irrécupérables. Pour le milieu carcéral nous sommes des détenu-e-s à risque, pour le milieu mortuaire des bon-ne-s client-e-s. Mais personne ne nous voit pour ce que nous sommes.
Comme si les veines thrombosées, les mains gonflées, les crises de manques, les points d’injections infectés, les corps amaigris ne suffisaient pas, il faut que le monde extérieur nous piétine pour se rappeler à quel point, lui, il est bien. Comme ce keuf qui enfile soigneusement ses gants en cuir avant de fouiller mon sac et mes poches, qui me demande : « est-ce que vous avez quelque chose de dangereux ? », que je réponds « non » et qui, lorsqu’il trouve une Stéribox [2] au fond de mon sac, m’attrape par la gorge, me colle contre un mur et, rouge de rage, me hurle au visage : « qu’est-ce t’as voulu faire ? T’as voulu me filer le sida c’est ça ? Je t’ai demandé si t’avais des trucs dangereux et tu m’as dit non ! T’as voulu me baiser hein ? » alors que j’essaye de lui expliquer qu’une seringue non-usagée, avec un capuchon sécurisé, dans une boîte en carton fermée distribuée par l’État n’est PAS UN DANGER. Mais il m’étranglait, j’ai cru qu’il allait me tuer et que tout le monde s’en foutrait car je ne suis qu’un camé. Toxicophobie.
Comme ce juge qui me condamne pour « incitation à consommation d’héroïne sur une mineure de 15 ans » parce qu’une copine voulait absolument essayer la came, elle m’avait juré qu’elle le ferait quoi qu’il arrive, alors j’ai décidé de l’aider pour qu’elle le fasse de manière sécurisée et propre. Mais non, selon la justice, je voulais la rendre accro, pour profiter d’elle, pour devenir son dealer car étant héroïnomane, je suis le mal incarné. Toxicophobie.
Et tous ces potes qui se détourne de moi. Toxicophobie. Et ces vigiles qui me suivent dans les superettes à cause de mon look de teufeur, mon visage blanc émacié, mes yeux vitreux et mes pupilles grandes comme des têtes d’épingles. Toxicophobie. Et ces gens, peut-être vous, qui refusent de me donner une pièce parce que je ne vais pas m’acheter à manger mais de quoi me défoncer, à l’évidence. Toxicophobie. Ces boîtes d’interim qui n’ont jamais rien pour moi parce que c’est flagrant que je suis toxico et qu’aucun patron n’acceptera un type comme moi et risquerait de ne plus faire appel à leur agence. Toxicophobie. Alors oui, j’avoue, oui je suis fatigué, oui j’en ai marre...
J’en ai marre de me cacher, comme d’autres cachent leur cancer pour ne pas être licencié-e-s, comme d’autres cachent leur homosexualité pour ne pas être rejeté-e-s. Alors je le dis :
JE SUIS TOXICO !
Voilà, tout le monde est au courant, c’est trop cool hein ?
Et ben non.
Parce que maintenant, on ne me voit qu’au travers de mon parcours de toxico, qu’au travers de la toxicomanie comme si la came définissait toute ma vie. J’ai réussi ceci ? « C’est génial ! Surtout quand on voit d’où tu viens ! ». J’ai échoué à cela ? « C’est pas grave, tu as connu tellement pire... ». Lorsqu’on est toxico, on ne s’appartient plus. Les médecins savent mieux ce qui est bon, ou pas, pour vous. Votre famille, une fois au courant, vous questionne régulièrement sur votre suivi : « Dis moi loulou (j’avais 25 ans, c’est la seule fois que mon père m’a appellé ainsi), t’en es où avec tes piqûres ? » Alors je lui explique de façon détaillée l’évolution de mon traitement de Subutex que j’ai toujours pris en injection : « C’est pas un peu long quand même ? Tu peux pas essayer de diminuer la prochaine fois ? Ou même d’arrêter d’un coup ? ». Ben nan je peux pas. Et même si je le pouvais, c’est pas à toi de me dire comment je dois gérer la posologie de mon traitement ! Est-ce que je viens fourrer mon nez dans ton traitement pour ton diabète ? Est-ce que je te dis : « Tu prends trop de ceci ou pas assez de cela » ? Bien sûr que non ! Mais mon traitement ne m’appartient pas. Et je passe sur celleux qui se font confisquer leurs moyens de paiements, leur téléphones et, parfois, leur liberté. Toxicophobie.
Combien de médecins m’ont forcé à diminuer la posologie, à faire du chantage du genre : « Vous arrêtez les injections ou je ne vous fais plus d’ordonnance. » jusqu’à dire des horreurs du style : « Vous devriez vous injecter de la bière ou du vin, ça serait pareil. » Y’en a même une qui voulait m’obliger à passer au Suboxone [3] mais j’ai refusé. Combien de pharmacien-ne-s ont refusé mon ordonnance sous différents prétextes tels que : « Désolé, on ne fait pas ça ici monsieur ». Combien qui refusent de me délivrer mon traitement parce que je suis en avance alors que j’ai une ordonnance (dite de chevauchement) en règle de mon médecin : « Ah mais si on a un contrôle, on peut se faire fermer ! On n’est pas des dealers monsieur ! » alors QUE TOUT ÇA EST FAUX MERDE ! Aucune pharmacie n’a le droit de refuser une ordonnance ! Une pharmacie ne risque rien si elle accepte un chevauchement d’ordonnance puisque c’est légal ! Tout ça, c’est de la toxicophobie. Et moi là dedans ? Ben je me retrouve en manque alors que j’ai accepté de jouer selon les règles du jeu du système.
Alors pourquoi continuer ?
Aujourd’hui, personne ne se doute qu’un jour, j’ai été toxico. Aujourd’hui, je ne subis plus les contrôles au faciès. Et pourtant, je suis toujours toxicomane. Mais voilà, je vais à la fac, mon traitement de méthadone est stabilisé depuis presque trois ans, j’ai repris du poids, des couleurs, laissé au placard mon look teufeur et arrêté les injections. Et pourtant, je suis toxicomane. Car je subis toujours la honte d’aller toutes les semaines à la pharmacie, le même jour car sinon cela peut poser problème, demander mon « traitement », mot pudique pour désigner ma nouvelle héroïne. Je subis le fait d’aller tous les mois, à la même date, chez la médecin bien que celle qui me suive aujourd’hui soit exemplaire, bienveillant-e comme aucun-e autre médecin. Mais cela veut dire aussi que je ne peux pas partir faire un tour de monde, ou même partir deux mois à l’étranger, sans remplir de la paperasse qui stipule que oui, je suis toxicomane et pas un dealer et que ceci est mon traitement. Et cela vaut pour le moindre déplacement dans la famille car en cas de contrôle de police, je dois présenter mon ordonnance. Mes veines thrombosées le sont toujours et provoquent toujours des questions ; mes points d’injections au creux de mon bras droit forment une cicatrice de plusieurs centimètres qui suit mon artère. Et par dessus tout, je subis chaque phrase merdique dont vous vous êtes tou-te-s, un jour, rendu-e-s coupable de dire et qui fait de nous des personnes pas fiables, monstrueu-x-ses, dégueulasses, infréquentables, pitoyables et faibles.
Ce texte est un coup de gueule, il n’a pas vocation à parler de toutes les pratiques, il n’est pas exhaustif, il n’est pas pédagogique. Il représente juste mon point de vue, à vous d’écouter ceux des autres car puisque « la » drogue n’existe pas, « les » drogué-e-s non plus. Il existe « des » drogues et « des » personnes. Alors pensez-y, informez-vous qu’on puisse tou-te-s en parler. Ne nous laissez pas sur le côté. Ne rigolez pas à un propos toxicophobe. Soyez bienveillant-e si vous pouvez, sinon laissez nous juste vivre en paix.
NB :
[1] Centres d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour les Usagers de Drogues
[2] La Stéribox est un kit destiné à limiter les risques de transmission de pathologies infectieuses chez les usagers de drogues par voie injectable. Il est distribué partout en pharmacie ou dans les distributeurs prévus à cet effet. Il comprend : 2 seringues, 2 coupelles avec tampons et filtre, deux lingettes d’alcool, deux flacons de 5ml d’eau et un préservatif.
[3] La Suboxone est un traitement de substitution qui allie buprénorphine et naloxone, une molécule qui a la bonne idée de foutre la pire crise de manque du monde en cas de prise en injection. Très décriée à sa sortie, il s’avère à l’usage que le taux de naloxone présent ne permet pas d’annuler les effets de la buprénorphine. Encore un beau coup des laboratoires pharmaceutiques sur le dos des patient-e-s.
Source : https://brest.mediaslibres.org/spip.php?article701
Hors ligne
Hors ligne
Hors ligne
Hors ligne
Hors ligne
Hors ligne
Hors ligne
Hors ligne
Hors ligne
Dernière modification par Caïn (24 novembre 2017 à 17:04)
Hors ligne
Hors ligne
Hors ligne
Hors ligne
Provocations, diffamations et injures non publiques à caractère raciste ou discriminatoire : renforcement de la répression
Hors ligne
Hors ligne
Dernière modification par Kao (10 janvier 2020 à 19:52)
Hors ligne
Dernière modification par Mascarpone (09 janvier 2020 à 06:59)
Hors ligne
Dernière modification par janis (09 janvier 2020 à 08:10)
Hors ligne
Hors ligne
salut Kao
merci pour ce super texte qui illustre bien la difficulté que je cotoie au quotidien ou presque :
- le clivage entre psychiatrie et addictologie
- les représentations qui coincent les soignants (et aussi les soignés, sachant que les uns peuvent être les autres, haha)
Hors ligne
Dernière modification par Kao (10 janvier 2020 à 20:38)
Hors ligne
Hors ligne
Hors ligne
Je me souviens très bien de ce que j’ ai ressentit la première fois que j’ ai pris de l’ héro. C’ était fort, c’ était intense, mais ce n’ était pas du plaisir. Non. C’ était du soulagement. D’ un seul coup, plus rien ne pouvait me toucher si je ne l’ avais pas décidé. Et l’ immense sérénité qui m’a envahie s’ apparentait bien plus à une forme d’ apaisement qu’ à une forme de jouissance.
Ca a été comme une révélation, une réponse. Enfin, j’ avais trouvé quelque chose qui atténuait un peu la puissance de ce rat creuvé que j’ avais dans le fond du ventre. Quelque chose qui faisait taire ce mal être constant que je trainais partout avec moi sans savoir d’où il venait ni qu’en foutre. Quelque chose pour reprendre le contrôle sur ma vie en la rendant de nouveau supportable.
Il est commun de considérer que les usagers de stupéfiants et les toxicomanes se droguent “pour le plaisir”. Et comme chacun sait (surtout Dieu d’ailleurs…), tout plaisir a un prix. Pour l’ usager récréatif, c’est la gueule de bois. Pour le toxicomane, ce sont les affres de la dépendance.
Or il suffit simplement d’ écouter les usagers pour entendre que ce n’est pas la quête d’une forme de jouissance qui les motive à consommer, mais bien plus la quête d’une forme de soulagement. ( “se lacher”, “débrancher”, “oublier cette journée à la con”, “se détendre”, “décompresser”, “s’amuser”, “se poser”… sont autant de termes hyper récurrents qui “justifient” qu’ on consomme des substances actives, d’ une bière avec les potes au rail d’ héro ou la pilule d’ exstasy…)
Et d’ainsi faire voler en éclat l’ idée des usagers/toxicos pécheurs-hédonistes, qui ont eu l’outrage de vouloir se rouler dans les plaisirs les plus sophistiqués et défendus de la vie, et qui doivent naturellement donc en payer le prix. Il s’agit en fait bien plus d’une forme d’ automédication, d’une tentative de traiter une douleur -consciente ou non- en la faisant taire ou en la rendant moins puissante, plus légère, avec tout ce que cela traduit d’ espoirs de devenir quelqu’ un de meilleur, de peut être plus performant, plus disponible et plus disposée, moins soucieux et mieux adapté.(Voila qui devrait contenter les convaincus d’ une consommation de stups pour “fuir le système”)
Il y a quelques années j'avais posé ici la question "pourquoi consomme t on des produits ?" et la réponse avait été "parce que c'est bon".
Pour les professionnels de santé ce qui vient d'etre dit serait une excellente introduction à la "prise en charge" des consommations, car ça l'orienterait ,dans un sens "qu'on sait faire" (prise en charge de la douleur psychique, du deuil etc..) . Le problème est que, quand on interroge les usagers, on a rarement la réponse ci dessus. Bien que, on l'a vu avec la codéine, ce soit quelque chose de courant.
Donc, pour moi je reste très dubitatif sur les "causes" de la consommation (je ne parle pas de toxicomanie) et sur les possibilités pour les professionnels de "traiter ces causes".
Mais j'aimerais avoir vos avis !!!
Amicalement
Dernière modification par prescripteur (20 janvier 2020 à 11:01)
Hors ligne
Hors ligne
Dernière modification par Mister No (25 janvier 2020 à 10:52)
Hors ligne
Prescripteur a écrit
Je sais plus si j'avais déjà répondu à cette question ou pas.
Selon mon expérience, du coup:
Au départ j'ai été éduquée dans une "bonne famille", si on veut, pour laquelle la drogue est une ennemie publique (au point de faire une guerre ouverte à mon frère lorsqu'ils ont découvert qu'il fumait du tabac d'abord, et des joints ensuite).
Du coup j'étais catastrophée au lycée, lorsqu'un camarade parlait d'essayer du cannabis pour la première fois: je lui avais même dit en toute bonne volonté "tu vas te détruire, qu'est-ce qui te prend?!" C'est dire si j'avais un avis arrêté sur le sujet.
Alors ce qui m'a fait consommer, seulement un an plus tard, ma première drogue "dure", bravant ces croyances et interdits solidements ancrés, c'était que bein, il s'agissait grosso modo de ma seule alternative au suicide. "Quitte à me tuer, autant le faire en connaissant un plaisir décrit comme ultime" J'étais persuadée que ça me détruirait donc, mais je m'en foutais royalement. Ou en tout cas, ce serait toujours moins définitif qu'un arrêt pur et simple.
Finalement ça a fortement contribué à me sauver, sans même que je devienne accro d'ailleurs.
Spoiler
Depuis je pense qu'il m'est effectivement arrivé de me droguer purement pour le plaisir, parce que maintenant que j'ai connu l'euphorie de certaines substances (psychés et empathos surtout), bein il m'arrive d'en redemander... Mais globalement je pense que c'est toujours plus pour obtenir un mieux-être, exemples:
- L'année où j'étais hypomane sous sertraline, bein les drogues récréatives ne m'ont plus du tout intéressée, sauf l'alcool à une soirée ou deux parce que tout le monde buvait, mais c'est tout. J'avais alors une vie sociale relativement saine (je crois), de l'énergie dans ma vie de tous les jours, des envies/ambitions, etc. Bref, j'étais relativement heureuse. Les psychés, empathos et opis, au placard.
Mon intéret pour eux s'est de nouveau manifesté comme une fleur lorsque la sertraline a cessé de fonctionner, et suite à un quadruple deuil sur une année. Bref, comme par hasard quand tout s'est de nouveau effondré.
- Me concernant je trouve que les drogues, et particulièrement les opis, sont beaucoup plus agréables lorsque je les prends dans un moment où je me sens mal.
Lorsque je me sens bien, les opis me font juste me sentir vaseuse, limite je regrette ma prise; mais plus je me sens mal au moment de me défoncer plus je kiffe ça. Ca peut être un plaisir du coup, mais un plaisir qui soulage avant tout.
D'ailleurs je retrouve même cet effet, dans un moindre degré, avec le... tercian (oui oui).
Donc je dirais que je cherche effectivemment du plaisir, plus il y en a mieux c'est bien sur, mais en contraste à la souffrance, pour combler un vide. Pas seul.
Dernière modification par Morning Glory (25 janvier 2020 à 16:31)
Hors ligne
Morning Glory a écrit
Alors ce qui m'a fait consommer, seulement un an plus tard, ma première drogue "dure", bravant ces croyances et interdits solidements ancrés, c'était que bein, il s'agissait grosso modo de ma seule alternative au suicide. "Quitte à me tuer, autant le faire en connaissant un plaisir décrit comme ultime" J'étais persuadée que ça me détruirait donc, mais je m'en foutais royalement. Ou en tout cas, ce serait toujours moins définitif qu'un arrêt pur et simple.
Finalement ça a fortement contribué à me sauver, sans même que je devienne accro d'ailleurs.
C’est marrant j’ai le même vécu dans les grandes lignes : famille « comme il faut » et toxicophobe, tendances suicidaires, attrait pour les drogues dures pour la même raison... et finalement c’est sans doute grâce à l’héroïne que je suis toujours de ce monde, le voile opiacé m’ayant aidé à supporter certaines choses le temps d’apprendre à vivre avec...
Comme quoi pour moi aussi, ce qui aurait pu me tuer et qui faisait si peur à mes parents m’a finalement sauvé la vie, m’a permis de vivre des expériences que je n’aurais jamais vécues autrement, rencontrer des gens formidables auxquels je ne me serais sans doute jamais intéressée, et me découvrir une passion pour la RdR qui m’a même permis de me réaliser lorsque j’ai mis mes connaissance et mon expérience à profit en travaillant bénévolement pour un CAARUD.
Tout ceci me permet de remettre en question avec vigueur la prohibition, la lutte contre la drogue et par extension contre les drogués, car cette lutte est en fait responsable de bien des méfaits qu’on attribue aux drogues elles-mêmes... Cet esprit toxicophobe et prohibitionniste provoque bien plus de dégâts que les produits eux-mêmes (dont on connaît l’utilité dans certaines utilisations médicales, ce qui prouve bien que le poison ce n’est pas le produit... mais l’usage, la dose, et aussi tout ce qu’il y a autour, les représentations qu’on s’en fait, la marginalisation et la criminalisation qui en découle me semblent bien plus néfastes!
Dernière modification par Stelli (25 janvier 2020 à 19:12)
Hors ligne
Stelli a écrit
Ha mais oui, la prohibition c'est le truc le plus pourri qu'ils pouvaient dénicher... et bien sur ils l'ont fait.
Est-ce que je peux me permettre une question du coup? .___. Si tu as envie d'y répondre hein!
Tu as parlé de tes débuts de conso, alors: consommes-tu toujours aujourd'hui, et si oui qu'est ce que ça t'apporte, est-ce plus uniquement par plaisir ou toujours pour combler des problèmes persos, ou encore autre chose? Enfin même question qu'avant en fait, mais aujourd'hui, maintenant que tu as de l'expérience avec les substances?
Dernière modification par Morning Glory (26 janvier 2020 à 01:35)
Hors ligne
Dernière modification par Mascarpone (26 janvier 2020 à 06:33)
Hors ligne
0 | ||
[ Forum ] Amour , gloire et desintox ...
|
4 | |
[ Forum ] Social - Quand on a que l’amour à offrir en partage…
|
6 |