Dans une tribune au Parisien – Aujourd’hui en France, des élus, des médecins et des écrivains s’adressent à Agnès Buzyn, déplorant que la production de
cannabis médical soit toujours interdite en France.
Eric CORREIA, président PS de l’agglomération du Grand Guéret, conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine ; Rachid TEMAL, sénateur PS du Val-d’Oise, vice-président du groupe socialiste et républicain ; Sonia KRIMI, députée LREM de la Manche ; Jean-Baptiste MOREAU, député LREM de la Creuse ; Roland RIES, maire PS de Strasbourg ; Eric PIOLLE, maire EELV de Grenoble ; Daniel VAILLANT, ancien ministre, conseiller municipal PS de Paris XVIIIe ; François VINCENT, professeur de pneumologie au CHU de Limoges, conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine ; Amine BENYAMINA, psychiatre, professeur des universités, chef de service addictologie hôpital Paul-Brousse Villejuif ; William LOWENSTEIN, spécialiste en médecine interne, addictologue ; Gaspard KOENIG, professeur de philosophie, écrivain, président de Génération libre ; Fabienne CABY, médecin, Inserm Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique, unité VIH, centre hospitalier Victor-Dupouy, Argenteuil ; Marlène AMILHAUD, médecin addictologue, hôpital de Guéret ; Stéphane DELPEYRAT-VINCENT, conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine, président du groupe Generation·s ; Alexandre FELTZ, médecin, adjoint au maire de Strasbourg ; Florent BOUDIE, député LREM de Gironde, conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine ; Isabelle BOUDINEAU, vice-présidente du conseil régional Nouvelle-Aquitaine ; Nathalie DELCOUDERC-JUILLARD, maire PS de Bort-les-Orgues, conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine ; Françoise JEANSON, médecin, conseillère régionale PS de Nouvelle-Aquitaine ; Jean-Louis PAGÈS, éditeur, conseiller régional EELV de Nouvelle-Aquitaine ; Benjamin DELRIEU, conseiller régional PS de Nouvelle-Aquitaine ; Pierre JOUVET, président PS de la communauté de communes Porte DrômArdèche ; Jacques BOUTAULT, maire EELV du IIe arrondissement de Paris ; Bruno BOUTLEUX, directeur général de l’Adami, président d’Alca Nouvelle-Aquitaine ; David ANGEVIN, écrivain ; Olivier Bertrand, médecin généraliste, addictologue ; Jean-Paul Besset, ancien député européen.
Produire du
cannabis pour un usage thérapeutique en France n’est plus une option mais une nécessité. Comment ne pas déplorer le statu quo national sur cette question de santé publique ? Pourquoi maintenir le sceau de l’interdit et l’arsenal législatif et réglementaire qui l’accompagne à l’égard de plus de 300 000 patients français qui pourraient apaiser leur souffrance autrement ? Trente-trois pays ont légalisé partiellement ou totalement le
cannabis à usage thérapeutique. Parmi eux, quatorze Etats d’Amérique du Nord, Israël, le Portugal, l’Italie, la Roumanie, l’Espagne, la Pologne, le Royaume-Uni, l’Autriche, la Belgique, la Finlande, les Pays-Bas, l’Irlande, la Suisse, l’Allemagne, la Thaïlande et très prochainement le Canada ont entendu les souffrances de millions de malades qui sont désormais apaisés sereinement, en toute légalité.
Pourquoi une minorité de réfractaires persistent-ils à considérer l’usage du produit comme dangereux, en le réduisant à la catégorie des substances prohibées ? Puisent-ils leur opposition dans l’observation concrète d’une patientèle utilisatrice où subissent-ils les affres d’influences spéculatives ? La question ainsi posée se heurte désormais au rapport très complet des effets du
cannabis sur la santé que les académies américaines des sciences, d’ingénierie et de médecine ont publié en 2017. Des certitudes et preuves substantielles y sont révélées. Elles confirment l’efficacité du produit dans la gestion de la douleur chronique, les troubles physiques provoqués par les chimiothérapies et les spasmes musculaires liés à la sclérose en plaques.
Sans pour autant s’opposer à la pharmacopée française usuelle qui repose sur différentes classes médicamenteuses dont les opiacées et ses dérivés tels que la
morphine, le
Tramadol, l’Efferalgan codéiné, l’Oxycontin, etc., utilisés pour le traitement de la douleur, il s’agit d’autoriser l’usage d’un produit alternatif, dont le mode d’action et le mode d’administration tel que la vaporisation n’entraînent quasiment aucun effet secondaire.
Combien de temps la France va-t-elle persister à cultiver son retard ? Le 24 mai 2018, Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, a déclaré vouloir ouvrir le débat national sur le
cannabis à usage thérapeutique qu’elle souhaite enrichi d’études approfondies, précisant le retard évident que la France avait pris sur cette opportunité. « Il n’y a aucune raison d’exclure, sous prétexte que c’est du
cannabis, une molécule qui peut être intéressante pour le traitement de certaines douleurs très invalidantes », a-t-elle ajouté… Il y a assurément matière à distinguer les molécules de la plante en faisant preuve de pédagogie auprès du public et des élus. Certains d’entre eux se contentent encore d’observer le
cannabis sous le prisme de ses effets récréatifs et de l’économie délictuelle qu’il génère. Selon la récente enquête de l’Ifop (pour Terra Nova – EchoCitoyen, publiée le 11 juin 2018)*, 82 % des sondés sont favorables à l’usage du
cannabis sur prescription médicale, 73 % sont convaincus du devoir de l’Etat dans le financement de la recherche sur les usages thérapeutiques du
cannabis, et 62 % considèrent que le
cannabis médical doit être enfin accessible sous toutes ses formes voire même remboursable par la Sécurité sociale. Cette enquête souligne le retard pris par la France et démontre l’urgence de mettre un terme à la culture du tabou sur le
cannabis. L’efficacité thérapeutique d’une de ses molécules (le
CBD) est désormais avérée et pleinement exploitée hors de nos frontières.
Par ailleurs, et d’un point de vue social et économique, les pays ayant légiféré et encadré la production de
cannabis thérapeutique constatent la création d’emplois directs et induits, preuve de l’émergence d’une filière économique prometteuse. Persister à entretenir le flou juridique sur le
CBD contenu dans la plante, molécule médicinale et non
psychotrope du
cannabis, entretien une ambiguïté favorable à l’émergence de commerces opportuns qui jouent sur la crédulité d’un public en attente d’une réglementation claire, favorable à leur usage médical et médicinal. Les producteurs de chanvre et/ou les agriculteurs qui souhaitent diversifier leur culture déplorent quant à eux ce déficit persistant de réglementation qui les exposerait comme de potentiels justiciables pour trafic de stupéfiants…
Dans l’intérêt général, la situation doit évoluer par des directives clarifiées. Allons plus vite, madame la ministre ! Avec le plan particulier de dynamisation du département de la Creuse décrété par le président , saisissez l’occasion d’instaurer la réglementation d’une filière économique florissante pour un territoire qui en a fort besoin. Solidaires, nous soutenons la démarche des élus creusois qui revendiquent l’octroi des autorisations nécessaires à expérimenter la production et la transformation d’un
cannabis cultivé, conditionné et commercialisé localement, exclusivement à des fins thérapeutiques. Tous les acteurs de la filière sont prêts et attendent du gouvernement un acte fort pour avancer et réguler cette nouvelle activité.
* Sondage réalisé sur un panel de 2 016 personnes âgées de 18 ans et plus, suivant la méthode des quotas
Source : leparisien.fr