A mon tour donc, je suis injectrice de
cocaïne depuis dix ans.
Désolée par avance pour la longueur mais j'ai du mal à condenser tout ce que m'inspire le sujet.
Je reviendais le retoucher histoire qu'il colle mieux au topic..
Au bout de dix ans, avec quelques interruptions dans ma consommation, voilà à quoi va ressembler la séance à laquelle je vais me prêter d'ici quelques heures...
Je voudrais mettre en parallele les plaisirs des débuts, face çà la galère d'aujourd'hui, histoire que les néophytes réalisent de quoi il s'agit. C'est une autre histoire mais j'ai tout perdu avec les shoots, surtout moi-même.
Je pense à cette violence qu’on s’inflige quand on se drogue, tous les jours et le lendemain plutôt deux fois qu'une…
Mon attitude envers moi-même est violence, la putréfaction que je laisse courir , le mal qui grandit, le besoin de plus dose après dose, on crée sa tolérance, elle devient le gouffre de nos finances et de notre mémoire.
Ma tolérance est à l’image de ma violence rampante, elle a des capacités exponentielles. On ne pense plus qu’à elle, ou plutôt on s’en fout de la violence de ce que l’on s’inflige à soi-même, on pense juste à la normale…
Même plus un état de conscience modifié… à force.
Nuit blanche, j'attends une heure
descente pour appeler mon dealer. Plus envie de rien d'autre de toutes façons. Je consomme plus des masses, ces jours-ci, mais je ne dors plus.
Mon stand à moi prend place sur la table basse du salon, à côté du chauffage à bain d’huile monté au maximum, histoire de me chauffer le bras et de bien faire ressortir les veines, vous trouverez 3
stéribox, soit 6 seringues, autant de petites bouteilles d’eau stérile, compresses d’alcool individuelles, coupelles en alu, filtres en coton (ceux des stéris sont trop gros,trop compacts, je ne les utilise pas). L'
alcool et les tampons en papier
ont malheureusement perdu toute place dans mon rietuel. Je verse l’intégralité de la poudre et des petits cailloux dans ma cup de stéri, je verse une vingtaine de gouttes d’eau, cela fait longtemps que je ne prépare plus les shoots un à un, il devrait y avoir assez d’eau et de
coke pour 3 shoots passables. Je
coupe un petit bout de coton à démaquiller que je façonne en boulette entre mes doigts, je le rajoute au milieu de mon mélange et j’aspire 7ml avec ma seringue toute neuve.
Je n’aime pas me servir d’un garrot, au début j'étais très brenchée
RDR. Ca n'a pas duré longtemps, j'évite d'être trop crado, mon matos est tjs neuf (merci le distrib de stéri à 400m), mais parfois j'étais tellement fonce-dé que je ramassais des trucs par terre que je prenais pour de la
coke et les rajoutais au mix. Des fois j'allais même les chercher avec la pointe de l'insuline.
Introduire l’aiguille du véhicule sous la peau.
Fouiller pour y trouver une veine.
La chercher longtemps avant de la trouver.
Même essayer d’injecter sous l’abcès, avec le gonflement la veine doit mieux affleurer à la surface. Même pas pour aujourd’hui. Chercher encore malgré le sang qui commence à coaguler.
Vider la seringue, virer le caillot.
Recommencer.
Croire qu’on y est, dans la veine, injecter 2ml, avant de se rendre compte qu’on est à côté.
Petit soulagement vous devez avoir injecté 1ml dedans.
Histoire de sentir la prochaine montée, reprendre 2ml à nouveau, pomper à nouveau dans la coupelle, chercher, verser une larme.
Je me mets face au miroir.
Aux situations désespérées, les moyens désespérés. Je plante dans la jugulaire.
Le pire c’est que j’arrive à la rater.
Je crève d’envie d’appeler R pour qu’il trouve une veine à ma place.
Mais il ne le ferait pas, ou plus, il ne se shoote plus, je suis seule avec mes seringues. Il n’a jamais aimé me shooter, voir mon sang, peut-être se rappeler que c’est lui qui m’a fait ça le premier, mon premier shoot. Lui a 17 ans de plus que moi et c'est (ou était) un pro de la défonce qui avait arrêté l'
héro depuis 7ans avant de me connaître.
RDR au rendez vous. Il est né en 1964 et m'assure que l'
hero de rue ne vaut plus le coup de l'injecter et que ma tolérance à la métha m'empêcherait de ressentir un truc passable. Je le crois. J'ai eu mon lot de plans plâtre, même si j'habite prs d'une scne ouverte, je me limite à mes dealers de
coke, qui me traitent correctement (enfin ils savent que je l'injecte et évitent de me refiler des trucs immondes vu que je le remarque tout de suite et gueule fort, même sur leur ligne qui risque d'être sur écoute, voire la mienne).
C’était il y’a dix ans ce premier shoot. C’était à l’époque où je revendais de la
came pour assurer ma propre consommation. J’avais déjà renoncé. Ce premier shoot n’a pas d’importance. J’étais un bras volontaire, j’ai supplié pendant trois mois avant qu’il ne cherche la première veine. Elles étaient fraîches, ça n'a pas du prendre tant de temps. Lui par contre, qui me parle encore de feu ses autoroutes, passe une demie heure accroupi sous un trait de lumiere, jamais à la fenêtre contrairement à moi, . Je voulais vivre sur la même planète que lui. Etre dans le même état.
Depuis le premier jour où j’ai vu cet hématome noir caché sous sa manche, j’ai voulu le même. Ca peut paraître malsain, mais j'ai toujours su que je finirais par me droguer sévere, famillle de toubibs, je plantais les seringues de papy dans les bras de ma cousine à 6 ans. Comme quand j'ai lu Nana de Zola, j'ai senti qu'un jour ce serait moi, que plutôt que tendre la main je vendrais chèrement ma peau. J ai toujours su que ma tante avait été pute de luxe ( à être fiancée avec le prince du protocole d'arabie saoudite, lui 72ans, elle 24...) je suis pas à son niveau mais ca dédramatisait le truc.
Donc après mon premier usage de la shooteuse...( je le ferais vite toute seule, surtout par impatience, et mon copain m'a vite causé un abcès en m'injectant, alors que je sentais bien qu'il était pas dedans, j'ai failli perdre le bras droit, j'ai une cicatrice immonde, depuis je préfere m'en prendre à moi-même).
J’ai compris bien des mystères.
Pourquoi je me couchais avec 20grammes dans ma cachette pas vraiment secrette, pour me réveiller avec 15grammes seulement, et encore certains avaient l’air plus petits. J’ai compris ses rages et ses colères, je n'ai plus su économiser, en garder, je redroppe jusqu'à épuisement des stocks, découvert maximal autorisé, aussi, la
descente est plus abrupte, la pente à remonter pour retrouver le niveau normal est plus inclinée, c’est une autoroute verticale. J’ai compris pourquoi on ne se comprenait plus. Je ne pouvais plus le perdre, que ce soit par envie d’une défonce plus absolue, besoin d’oubli ou par amour, aussi bancal soit-il.
J’avais déjà signé mon pacte avec le diable. J’avais emménagé chez lui. Il ne travaillait plus, moi non plus. J'étais escorte-girl à 400balles de l'heure, j'avais trouvé que ça pour finir mes coûteuses études et sponso un an obligatoire aux states, et j'étais dealeuse, enfin, si on veut, ça ne m'a jamais enrichi. Je choppais de la bonne C à 40e le gramme, je coupais et je revendais où je pouvais à qui je pouvais pour arrêter de me mettre dedans niveau blé. A cette époque on m'a volé mes économies, qui étaient planquées dans ma chambres à dix centimètres de l'atelier de snifff ( je sais je suis con parfois). Je ne revendais même plus. On tapait, on baisait, 4 jours d'affilée régulièrement, on ne dormait plus, on ne passait plus un instant l’un sans l’autre. On ne faisait plus qu’un. Nos corps étaient réunis et notre âme tout entière visait le même but. Le prochain fix. La même baise qui continue. Ne plus rien ressentir de désagréable, on a essayé.
On a tellement remonté notre normale à un niveau de
cocaïne élevé dans le sang, que les shoots n’étaient plus qu’un détail. Ma vie tout entière, mes aspirations passées, tout cela n’était plus qu’un détail.
Moi, dont le cerveau arrivait toujours à fonctionner à vide, à s’emballer pour un rien, moi qui faisait un tel cas de mon rôle sur Terre.
Moi, je n’en avais plus rien à foutre.
Juste lui et notre défonce.
J’avais trouvé un répit. Je suis convaincue que la défonce m'a empêchée de me buter pour de bon. J'ai essayé, ai bien failli y arriver 2 fois. 1 fois avant les injections, j'ai eue une drôle de vie, pas mal de traumas, du mal à accepter le mal qu'on a fait à la gamine que j'étais, entre autres.
Je suis enfin dans une veine, et pas des moindres, la jugulaire, injection directe vers le cerveau.
C’est aussi lui qui m’a appris ça, on injecte vers le haut, vers le cerveau.
En plein dans le mille. Je pousse rapidement le piston jusqu’au bout de la pompe. Sensation Passable. Je ne vise plus les sensations du début depuis longtemps. Partout, il y’a la littérature du premier shoot. Le junky est sensé rechercher l’effet de son premier shoot, inexorablement, en vain. Je ne me rappelle pas de mon premier shoot. Ni d’où il a été envoyé, ni de comment je l’ai reçu. J’ose présumer que ça devait être pas mal, puisque je ne m’en lasse pas. Je me rappelle "de l'époque des premiers", j'aime charger ma cuiller a friser l'OD : avoir le gôut metallique dans la bouche, les jambes coupées, la distorsion auditive, les sons métalliques, trembler dans tous les sens et avoir l'impression que c'est la chambre qui tourne autour de soi. Je sais pas si c'est la
came ou mon accoutumance, mais je n'ai pas ressenti ça depuis des années, au moins 8. Je vise toujours l'effet des premiers ( désolée, à l'époque où on m'a injecté le premier, j'étais déjà tellement défoncée au naturel que je me rappelle pas du number one, mon mec et tous eux que je connais, oui, mais pas moi...)
La vérité c’est que, maintenant, tant que je shoote je ne pense pas à autre chose, et c‘est déjà beaucoup. Parce que si on se met à décompter le temps que je mets à trouver une veine de celui durant lequel je me défonce, il ne reste plus grand chose. Pourquoi je continue? Parce qu’il ne me reste plus grand chose d’autre… Que mon amour et ma défonce. Alors on s’aime et on se défonce. Jusqu’au bout. Jusqu’à injecter la même
coke qui a fait pourrir mon bras dans l’abcès qu’elle a causé.
Je ne sais pas encore si c’est une pause dans ma course, ou ma destination. Je sais que ça dépend de moi par contre. Est-ce que j'en ai envie c'est une autre histoire, mais putain ce que j'aime ça malgré tout. Malgré le bordel de ma vie, aujourd'hui. Le jour où je renoncerais, je crois juste qu'il n'existe(ra) pas.
Ce premier shoot c'etait un serment à vie, je me suis engagée corps et âme, avec toute la monomanie dont ma bipolarité fait montre. Depuis, je supporte plus de gâcher.
Je précise que j'ai eu un bac S spé maths mention B, intégré une gde prépa, puis une grande école, comme on dit. J'ai fini mes études à 24 ans, premier shoot à 25. La perfection m'a quittée depuis longtemps, je ne cherche à prouver rien du tout, juste je suis issue d'un milieu très bourgeois. Mon histoire est loin du street junkie. Oui, ça arrive à des gens bien pour commenter le post précédent.
Dernière modification par wastedreamor2 (28 mai 2015 à 07:25)