Cyclisme : cinquante ans de gâchis antidopage

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pierre
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Je vous conseille de lire cet article qui parle d'amphétamine, mais aussi de la futilité de la lutte anti-dopage... Si je devais ne retenir qu'un extrait, ce serait celui-là  :

Paradoxalement, la société civile de l’époque louait ouvertement les vertus des stimulants quand quelques dirigeants de sport voulurent y mettre fin. « D’innombrables publicités d’alors vantaient les bienfaits des amphétamines, poursuit-il. Tenez, cette “réclame” en 1962 pour le Maxiton, des laboratoires Delagrange, qui jure que cette amphétamine “constitue une assurance-vie pour l’automobiliste” pour éviter l’assoupissement au volant. »

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Cyclisme : cinquante ans de gâchis antidopage
LE MONDE SPORT ET FORME | 16.07.2015 à  16h24 • Mis à  jour le 16.07.2015 à  20h26


La lutte antidopage est par définition une course-poursuite : après un tricheur, un réseau de pourvoyeurs, une substance illégale. Un marathon qui vient de dépasser le demi-siècle d’existence et qui aurait bien besoin d’un petit remontant pour soulager ses handicaps. L’antidopage traîne en effet des boulets depuis qu’il s’est vautré sur sa ligne de départ, en 1965, avec la première loi française définissant le dopage.
Pour raconter le passé – qui éclaire le présent –, il faut un historien. En France, il n’y en a qu’un : le docteur Jean-Pierre de Mondenard, qui a l’avantage d’avoir « vécu le sport de l’intérieur » quand il était médecin-contrôleur, dans les années 1970, notamment sur le Tour, avec ce qu’il faut de pressions, d’intimidations, d’isolement sur le terrain des opérations. Le personnage est singulier : bourru, pinailleur, obsédé par le terme juste et par un combat d’arrière-garde, diront ses détracteurs ; un pisse-vinaigre qui replace une réalité gênante en face des trous.


L’encyclopédie du dopage se trouve chez lui, un pavillon discret de Chennevières-sur-Marne (Val-de-Marne). Tout l’envers du sport y est classé, fiché, révélé. Par disciplines sportives, par dates, par substances, par étagères, dans des classeurs. Même si on s’est parfois  ­moqué de lui, personne n’a pu mettre en défaut ses trente-cinq années de travail, livres, chroniques, interventions médiatiques, autant de pièces d’un puzzle gigantesque et unique qui constituent une lecture saisissante une fois rassemblées. Rencontre.

« Des hormones associées aux vitamines… »
La naissance de l’antidopage « a été motivée par le nombre élevé d’accidents et de décès de sportifs, relayés par la presse de l’époque et dus principalement à  l’absorption de stimulants, commence Jean-Pierre de Mondenard. Les amphétamines causaient de sacrés dégâts ». Il cite les noms d’une douzaine de sportifs morts dans les années 1950, exhume des coupures de presse, des alertes de médecins, évoque le cysliste Jean Malléjac, qui a frôlé la mort sur les pentes du Ventoux en 1955, là  où Tom Simpson mourra douze ans plus tard dans des circonstances analogues, ou encore le pistard danois Knud Jensen, tombé dans le coma lors d’un contre-la-montre pendant les Jeux de Rome en 1960. Des signes… avant-coureurs. « C’est le cyclisme qui a été à  l’origine de cette prise de conscience. » C’est le  ­cyclisme qui servira de paratonnerre pendant quarante ans.

Paradoxalement, la société civile de l’époque louait ouvertement les vertus des stimulants quand quelques dirigeants de sport voulurent y mettre fin. « D’innombrables publicités d’alors vantaient les bienfaits des amphétamines, poursuit-il. Tenez, cette “réclame” en 1962 pour le Maxiton, des laboratoires Delagrange, qui jure que cette amphétamine “constitue une assurance-vie pour l’automobiliste” pour éviter l’assoupissement au volant. »

Sous l’égide de Maurice Herzog, alors haut-commissaire à  la jeunesse et aux sports et alpiniste de renom (pour qui l’amphétamine n’était d’ailleurs pas inconnue), le premier colloque européen sur le « doping » se tiendra en janvier 1963 à  Uriage-les-Bains (Isère). S’y retrouveront médecins, pharmacologues, toxicologues, sportifs, journalistes… « Le compte rendu sera publié un an plus tard dans l’organe officiel de la Société médicale française d’éducation physique et de sport, reprend Jean-Pierre de Mondenard. Et que découvre-t-on en deuxième page ? Une publicité plein pot pour le Durabolin, le nom commercial d’un stéroïde “expressément recommandé pour les sportifs”, est-il écrit ! Le principe actif du Durabolin est la nandrolone, l’un des stéroïdes phares des trente années suivantes. En somme, un aréopage de la médecine du sport de l’époque, tout comme les revues scientifiques qui rapportaient ses contre-vérités, avait une totale méconnaissance du sujet. »

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Le texte de loi n° 65-412 du 1er juin 1965, annonçant la première disposition ministérielle contre le dopage, puis le décret n° 66-373 du 10 juin 1966, mis en application lors du Tour de France qui commencera onze jours plus tard, installeront le malentendu. « Il y est écrit que l’application de la loi “tend à  la répression de l’usage des stimulants à  l’occasion des compétitions sportives”, continue Jean-Pierre de Mondenard. Uniquement les stimulants ! Les revues médicales, et même des livres scientifiques, associaient les hormones aux vitamines ! Vous pensez bien que le monde sportif s’appuiera sur cet amalgame ahurissant pendant des années… » Quant aux catégories de substances interdites par le décret, « personne ne pouvait y comprendre quelque chose. Tenez, étaient prohibées pour les sportifs les dialcoylamides des acides alcoylaminobutyriques ! Même des pharmaciens ignorent ce que c’est ».
L’entrée du dopage « en clandestinité »


Pour ajouter à  l’incompréhension, les premiers contrôles antidopage, réalisés en deux vagues pendant le Tour de France 1966, inaugureront un dispositif mal ficelé. Douze contrôles (urinaires) sont successivement réalisés à  Bordeaux (28 juin) et à  Revel (3 juillet). Résultats des analyses : six cas positifs (aux amphétamines), une grève immédiate des coureurs et des sanctions inapplicables. « Il fallait en effet prouver que le produit avait été pris sciemment », rappelle Jean-Pierre de Mondenard. Le fameux « à  l’insu de mon plein gré » de Richard Virenque était en fait né trente ans plus tôt. En cette année inaugurale, 32 % des contrôles antidopage menés en France – 87 % pour le seul cyclisme – se révéleront positifs. La plupart des cas seront blanchis.


Si la mort en direct de l’Anglais Simpson sur le Tour 1967 – mélange d’efforts, de chaleur, d’amphétamines et d’alcool – provoqua stupeur et tremblements dans la caravane du cyclisme, les tout premiers porte-voix institutionnels se voulaient déjà  rassurants. Année après année, le nombre de contrôles positifs relevés en France – et principalement sur le Tour – ont diminué : 12,6 % en 1967, 4 % en 1968, 1 % en 1975 (soit le ratio actuel). « Tout le monde criait victoire », se souvient Jean-Pierre de Mondenard. Témoins ces piles de communiqués plastronnant, affirmant qu’il n’y avait « aucun contrôle positif » sur les compétitions, le Tour de France en tête. Il en fut ainsi du claironnant « Tour de la santé », sur les cendres de Simpson, partant de…  ­Vittel en 1968, au « Tour du renouveau », proclamé en 1999 après l’affaire Festina, et autres slogans marketing évoquant un passé prétendument révolu qui ne cesse pourtant de ressurgir.


« Les organisateurs plastronnaient, les  ­médias tartinaient leurs propos, continue Jean-Pierre de Mondenard. Même des médecins du sport s’y mettaient, mais sans s’appuyer sur la moindre étude épidémiologique : leur seul argument, au nom de la santé publique, soutenait que les produits étaient dangereux et inefficaces. Vous parlez d’une dissuasion… Alors on a vu une ribambelle de titres annonçant la fin du dopage, l’efficacité des contrôles, le retour à  la normale, comme s’il y en avait jamais eu un. En fait, à  défaut, c’est l’école de la triche qui s’était mise en place. Le dopage était entré dans la clandestinité. »
D’avion renifleur, le dopage devenait sous-marin. Quand la lutte antidopage était confiée à  d’illustres béotiens (du prince de Mérode au Comité international olympique [CIO] hier à  des juristes aujourd’hui, ce qui fait dire à  Jean-Pierre de Mondenard que « ce sont des amateurs qui s’occupent de professionnels »), la triche s’organisait avec ingéniosité. Et même avec cynisme : le « professore » Francesco Conconi, membre médical du CIO et rémunéré pendant quinze ans par le Comité olympique italien pour, prétendument, dépister l’EPO, la proposait en sous-main à  des dizaines de sportifs…


Bien sûr, quelques prises spectaculaires devaient entretenir l’illusion. Pas plus stéroïdé qu’un autre, le Canadien Ben Johnson justifia cette chasse aux pestiférés. Rompu à  une habituelle consommation de stanozolol qui provoqua son contrôle positif après la finale du 100 mètres des Jeux olympiques de Séoul (1988), le crucifié apporta à  son corps défendant une preuve de l’inertie de la lutte antidopage : le fameux stanozolol ne put être décelé à  coup sûr par les laboratoires d’analyses qu’en… 2013. Vingt-cinq ans de libre circulation ! Idem pour l’Oral-Turinabol, autre stéroïde très prisé des athlètes de l’Est. Ce n’est plus du retard, c’est du champ libre.


Et la plupart des substances ou manipulations inscrites sur la liste noire du CIO jouiront d’un délai de carence du même ordre. Les corticoïdes ? Interdits en 1978, mais décelables seulement en 1999. Les stéroïdes anabolisants ? Interdits en 1976, certains sont toujours indétectables. L’EPO ? Interdite en 1990, décelable en 2000, du moins dans sa première version. L’hormone de croissance ? Interdite en 1989, décelable depuis peu si un miracle de concordances analytiques s’en mêle. L’autotransfusion sanguine ? Interdite depuis 1984, et toujours en goguette. « “Ma loi n’a servi à  rien”,m’avait avoué en 2004 Maurice Herzog, reprend Jean-Pierre de Mondenard. La liste française des produits interdits comprend 300 spécialités dopantes. Mais combien de substances indécelables ne sont pas dans cette liste ? Combien sont interdites mais pas détectables ? C’est un trou sans fond… » Un trou qui se mesure par son volume : 306 substances étaient recherchées en 2010 ; 450 en 2014.


« Les fédérations maîtresses du jeu »

Il a fallu que la faille débouche sur un séisme – le Tour de France 1998 et son affaire dite « Festina » – pour que la secousse tellurique agite le monde politique. Un an plus tard, sous impulsion de la France et du Conseil de l’Europe, l’Agence mondiale antidopage (AMA) voyait de terre, suivie en 2000 du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD, devenu en 2006 l’Agence française de lutte contre le dopage, AFLD) sur le territoire français. L’antidopage montait au front, montrait les dents ; la France ferraillait en première ligne dans ce combat, qui révéla les convictions de sa ministre des sports,  ­Marie-George Buffet, mais permit aussi de détecter l’EPO, grâce au test de dépistage mené à  bien par le Laboratoire de Châtenay-Malabry, spécialisé dans la lutte contre le dopage, et ses chercheurs Jacques de Ceaurriz et Françoise Lasne.


Oui, la France donnait le tempo, mais la politique sportive innovante d’un soliste s’accordait (déjà ) mal avec les barytons politiques du sport international. A défaut d’obtenir un statut d’agence intergouvernementale indépendante, l’AMA devint une entité hybride unique en son genre, composée à  parts égales de représentants du mouvement sportif – en clair, le CIO – et de membres épars de différents gouvernements, aussi bien dans ses assemblées plénières que dans son mode de financement. Autrement dit, un assemblage hétéroclite dont aucune composante n’avait théoriquement la main. « Mais dans les faits, c’est différent », pose Alain Garnier, témoin privilégié de l’évolution de l’antidopage depuis son passage dans l’administration du ministère de Marie-George Buffet au titre de chef du bureau médical avant d’être le directeur médical de l’AMA (2000-2010). « Le mouvement sportif est porté par une voix unique qui pèse la moitié du chèque, quand la représentation politique est constituée d’un ensemble hétérogène de gouvernements aux vues divergentes sur la question » et dans lequel l’Europe assure la moitié du budget.


Un constat que partage Michel Rieu, fort de ses treize années d’ancien conseiller scientifique du CPLD puis de l’AFLD et qui observa lui aussi le glissement de terrain quand il était le représentant de la Fédération internationale de la médecine du sport à  l’Unesco. « Dès 2003, l’Unesco a cherché un moyen de transférer à  l’échelle internationale la convention contre le dopage du Conseil de l’Europe, signée en 1989, rappelle-t-il. Les réunions ont donné lieu à  deux ans de bras de fer entre les partisans d’une convention de Strasbourg réaménagée, dont l’Europe et l’Afrique, et ceux qui voulaient accorder tous les pouvoirs à  l’AMA, récemment mise en place, les pays anglo-saxons principalement. La France, sous l’égide du ministre des sports Jean-François Lamour, s’est finalement ralliée à  la deuxième option. » Car la lutte contre le dopage dérangeait. « Dans la perspective olympique de Paris 2008, Buffet avait refusé le concept d’extraterritorialité pour les contrôles, et les JO 2008 sont revenus à  Pékin », rappelle Michel Rieu.
La convention internationale de l’Unesco contre le dopage fut adoptée en octobre 2005. Le revirement français – marqué trois mois plus tôt par le retentissant camouflet des porteurs du projet olympique Paris 2012, qui faisait suite à  celui de Paris 2008 – induisait d’autres enjeux : accueillir des événements internationaux d’envergure sans agiter le chiffon rouge de la lutte antidopage sur son sol devant les yeux du mouvement sportif. Ces contrôles antidopage seraient désormais placés sous l’autorité des fédérations internationales. « Au-delà  du CIO, des fédérations internationales avaient menacé de ne plus attribuer d’épreuves à  la France, précise Michel Rieu. Par exemple, l’UCI avait même placé de modestes courses françaises dans son calendrier international, réduisant de fait l’intervention de l’AFLD. » Et Michel Rieu de prendre de la hauteur : « Les Anglo-Saxons pensent que le sport doit rester entre les mains des dirigeants sportifs ; nous, on pense le contraire. Cet accord a permis aux fédérations internationales de devenir les maîtresses du jeu de la politique globale de l’antidopage. »


Conflits d’intérêts
A l’échelle nationale aussi, le combat « a été compliqué », se souvient avec son ton feutré Pierre Bordry, l’actif président de l’AFLD (de 2005 à  2010) quand il s’est agi de défendre l’indépendance de l’agence tout comme son financement. Bien des ministres successifs aux sports – Roselyne Bachelot, Rama Yade, Jean-François Lamour, avec qui il eut même un contentieux juridique – tentèrent de diminuer son budget. « Mon levier de pression consistait à  alerter les commissions parlementaires et… les médias », reconnaît-il aujourd’hui. Un énième conflit l’a fait quitter son poste neuf mois avant la fin de son mandat.


Depuis, le budget de l’AFLD a maigri de 1 million d’euros, pour s’établir à  7,9 millions en 2015. Et tandis que le Laboratoire de Châtenay-Malabry, dont l’agence a la tutelle, a perdu de sa superbe au point d’être aujourd’hui transparent sur la scène internationale, un rapport de la Cour des comptes publié en février relevait pêle-mêle un désengagement de l’Etat (actionnaire à  90 %), une politique de prévention minimaliste, et des résultats insuffisants (supplément « Sport & forme » du 4 juillet) : 2,3 % de positifs en 2013, 1,24 % l’année suivante. Les contrôles antidopage sont quant à  eux tombés de 11 040 échantillons en 2013 – sachant qu’un sportif peut subir plusieurs prélèvements par contrôle – à  environ 6 200 cette année. « On fait du qualitatif et non plus du quantitatif », nous répond-on. Tel le dispositif dit du « groupe cible » (430 sportifs), voulu par l’AMA et censé mieux identifier les fraudeurs : en sept ans, il a confondu un seul sportif.


La lutte antidopage n’étant pas – ou plus – une préoccupation majeure, voilà  au moins un écueil franchi dans la perspective de la candidature de Paris aux Jeux 2024… Par  ­effet domino, « les agences nationales antidopage n’ont plus d’autorité sur leur propre territoire, reprend Michel Rieu. Elles sont pratiquement devenues des préleveurs de seringue. Depuis le code mondial antidopage de 2005, les fédérations internationales dictent la méthodologie des contrôles, les substances recherchées, et sont les seules à  connaître les résultats. A Roland-Garros, par exemple, la Fédération internationale de tennis a confié ce rôle au laboratoire de Montréal, arguant que c’était économiquement moins cher » en dépit des navettes de transport. « Il y a un conflit d’intérêts sur le principe même des fédérations internationales, relance Alain Garnier. D’un côté, elles jouent le rôle de régulateur en dictant la règle ; de l’autre, elles sont les organisatrices des grands événements et en touchent les bénéfices. Il y a confusion  ­entre le législatif et l’exécutif. »


Beaucoup d’argent pour faire semblant

Et l’AMA dans tout ça ? En 2005, elle a eu pourtant l’occasion de faire valoir son émancipation quand L’Equipe a publié les résultats des prélèvements pratiqués pendant le Tour de France 1999 montrant la présence d’EPO dans les urines de Lance Armstrong. « Quand les contrôles positifs d’Armstrong ont été posés sur le bureau du directeur général de l’AMA, David Howman, rien n’empêchait l’agence de se saisir du dossier et de diligenter l’action qu’a menée l’Usada [l’agence américaine antidopage] sept ans plus tard, relève Alain Garnier. Elle n’a rien fait si ce n’est une enquête administrative pour connaître l’origine de la fuite. Le dossier Armstrong est la démonstration criante de son échec. Continuer à  utiliser un système qui a fait la preuve de son inefficacité équivaut à  tolérer le dopage. Si neuf radars sur dix étaient en panne, l’effet dissuasif serait-il le même sur les automobilistes ? L’AMA est devenu un prestataire du mouvement sportif et les juristes ont pris la place des médecins. »


Cette même année, Jean Réveillon, alors secrétaire général de l’Union européenne de radiodiffusion, a proposé à  l’AMA le prélèvement de 1 % sur les droits télé perçus par les fédérations internationales pour le consacrer à  la lutte antidopage. « On avait effectivement travaillé plusieurs mois sur cette hypothèse avec Alain Garnier, confirme l’ancien directeur général de France 2, mais les ayants droit comme les diffuseurs n’y ont finalement pas souscrit. Quant à  la direction de l’AMA, je crois de mémoire qu’elle n’a même pas donné suite. »


Bilan troublant : après seize années d’existence, les compétences de l’AMA n’ont permis de sortir aucun des plus gros scandales de dopage connus (affaire Balco en 2003, Puerto en 2006, Armstrong en 2012). « Ses préoccupations ne sont pas de lutter contre le dopage mais de le gérer pour qu’il ne nuise pas au sport », estime Alain Garnier, qui a pu se faire une idée de la réalité du sujet au gré des informations recueillies quand il œuvrait à  l’AMA : « En fonction des enquêtes menées dans tel pays et par telle fédération sportive qui remontaient jusqu’à  nous, on pouvait évaluer le taux de sportifs de haut niveau dopés entre 15 % et 25 %. Personne n’est dupe, pas plus les représentants gouvernementaux que les acteurs du sport. »


Personne n’est dupe non plus du budget de l’AMA : 27,5 millions de dollars (25 millions d’euros) par an pour surveiller le dopage sur toute la planète, c’est exactement le budget de l’équipe Sky de Chris Froome et c’est moins que celui du cinquième du Top 14 (Racing Métro). « C’est une farce, assène Alain Garnier. Par rapport au seul enjeu sanitaire, qui doit être une priorité, c’est ridicule. Ce manque de moyens montre bien que l’efficacité n’est pas l’objectif. Lorsque je me suis plaint de ne pouvoir traiter la masse de milliers d’AUT [autorisations à  usage thérapeutique] que l’AMA devait contrôler, le directeur général m’a répondu de les mettre sous le tapis. »


« On dépense toutefois beaucoup d’argent pour du “faire-semblantisme”, renchérit  ­Michel Rieu. Le dopage affole tout le monde, mais la lutte antidopage n’intéresse personne. » Mais qu’elle soit mythe de Sisyphe ou tonneau des Danaïdes, l’hérésie perdure. Un gâchis financier qui se retrouve dans l’inefficacité des contrôles. Sur un ton  ­volontiers provocateur, Jiri Dvorak, le médecin-chef de la FIFA, expliquait avant le Mondial 2010 que, « pour attraper un tricheur, le monde du football doit dépenser 3 millions de dollars ». En France, le ratio n’est pas non plus glorieux pour l’AFLD : 46 sportifs convaincus de dopage en 2014 pour 8 millions d’euros de budget, soit 174 000 euros le contrôle positif… Pour faire baisser le prix à  l’unité, les coureurs du Tour 2015, à  l’instar du vétéran italien Luca  ­Paolini, pris à  la cocaïne, pourrait peut-être faire un geste.

Pierre Ballester, journaliste, est l’auteur de plusieurs ouvrages de référence sur le dopage dont « Rugby à  charges » (La Martinière, 2015) et « L.A. Confidentiel. Les secrets de Lance Armstrong » (La Martinière, 2004).

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/sport/article/201 … cFQhDpo.99

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Recklinghausen homme
Adhérent PsychoACTIF
Inscrit le 09 Mar 2015
6185 messages
Salut,

Une jolie démonstration ( et un beau pavé à  lire wink  ) !!

Mais pas de dopage dans le cyclisme... Comme disait feu Laurent Fignon !

Y'a quand même pas mal de cancer dans le cyclisme... Faut dire que c'est le sport du pauvre...


Merci pour cet article détaillé Pierre.


@ +


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