Lucy n'existait pas, ni son ciel de diamants. Et pour cause, en 1943, le monde vivait encore encore le "bad trip" de la Deuxième Guerre mondiale. La même année, Albert Hofmann, un chimiste suisse, a fait un tout autre trip, en goûtant pour la première fois la substance sur laquelle il travaillait depuis cinq ans : le
LSD. Plus tard, il raconte son expérience sur son journal : "J'ai dû interrompre mon travail dans l'après-midi et rentrer à la maison puisque je me sentais assommé par une lenteur, suivie d'une légère désorientation. Quand je me suis allongé, j'ai fermé les yeux et je suis entré dans une sorte de rêve éveillé. Mon imagination me semblait extrêmement stimulée. J'ai commencé à voir une série d'images superbes, plusieurs formes et une multitude de couleurs. Après plusieurs heures, l'effet s'est dissipé."
Cette substance, le diéthylamide de l'acide lysergique - un puissant
psychotrope -, est mondialement connue sous le nom de
LSD. Avec ses 70 ans d'existence au compteur, cette drogue est passée entre toutes les mains, de la CIA aux Beatles. "Hofmann n'a jamais imaginé avoir découvert quelque chose de si important et en même temps de si redoutable et illégal", a déclaré Martin Witz, le réalisateur suisse du documentaire The Substance consacré au
LSD, à une chaîne de télévision italienne.
Le
LSD, un remède au matérialisme
Witz a été la dernière personne à interviewer le reclus Hofmann avant sa mort en 2008, à l'âge de 102 ans. "Il était heureux de savoir que finalement sa découverte était en train d'être repensée", dit-il.
Le documentaire - qui vient de sortir en DVD - montre les premières expériences menées avec le
LSD dans les années 1950. En pleine guerre froide, la CIA découvre que cette substance pourrait se révéler être un excellent "sérum de vérité" pour faire parler les prisonniers politiques. Une décennie plus tard, le
LSD quitte les laboratoires et gagne les rues, enflammées par le climat libertaire de l'époque.
Avec ses pouvoirs hallucinogènes promus par des gens comme Timothy Leary, un ancien professeur de Harvard qui y voyait la possibilité de "guérir" la société américaine de son matérialisme, et le romancier Ken Kesey (auteur de Vol au-dessus d'un nid de coucou), le
LSD a nourri les rêves de toute une génération. Mais de façon irresponsable, selon Hofmann, qui a critiqué son utilisation non contrôlée et en dehors de toute perspective scientifique.
Prometteur dans le traitement de la dépression
Le documentaire rappelle que le créateur du
LSD a été surpris par l'ampleur du phénomène suscité par sa drogue. Conscient que le
LSD pouvait avoir des effets secondaires à fortes doses, il a défendu une utilisation stricte sous le contrôle de spécialistes. Leary, au contraire, a plaidé toute sa vie pour une utilisation universelle.
Peu de temps après, la substance - célébrée par des artistes comme The Beatles, The Doors, Jefferson Airplane, The Byrds et Jimi Hendrix, et des écrivains comme Aldous Huxley et Allen Ginsberg - a été interdite sous la présidence de Richard Nixon, en 1969. La loi interdisait non seulement la consommation, mais aussi l'utilisation du
LSD dans la recherche scientifique.
Aujourd'hui, la
psilocybine, une substance isolée par Hofmann à partir de champignons et proche du
LSD, est l'objet de plusieurs études psychiatriques. Un laboratoire de l'Imperial College de Londres a découvert que l'utilisation de cette molécule chez le patient dépressif pouvait activer les souvenirs positifs et effacer les négatifs. Dans une interview au Telegraph, le directeur du projet explique que la
psilocybine peut aider les patients à se replonger dans des souvenirs traumatiques afin de les contrôler et de sortir de l'état dépressif. Malgré un parcours entre substance autorisée et drogue prohibée, elle commence aujourd'hui une nouvelle carrière thérapeutique. Son utilisation pour combattre la dépression est d'ores et déjà considérée comme prometteuse.
[small]Source : Le Point[/small]