L’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies attire l’attention sur six problèmes par de nouvelles analyses en ligneL’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA) publie aujourd’hui, en même temps que son
Rapport européen sur les drogues 2014 : tendances et évolutions, six nouvelles analyses de la série
Perspectives sur les drogues (Perspectives on drugs”” POD). Cette dernière sélection de synthèses interactives en ligne fait le point sur des sujets jugés particulièrement pertinents par l’Observatoire cette année. Les POD examinent notamment les préoccupations émergentes liées à l’usage de stimulants, les évolutions récentes du marché du
cannabis en Europe ainsi que les progrès réalisés dans le traitement via Internet et l’analyse des eaux usées.
Cathinones de synthèse: épidémies d’injection localisées et nationales inquiétantes.Plus de 50 dérivés de la
cathinone de synthèse (stimulants) ont été détectés grâce au
système d’alerte précoce de l’UE (EU-EWS) entre 2005 et 2013. Les dérivés surveillés via l’EU-EWS incluent notamment la
méphédrone (soumise à des mesures de contrôle dans l’UE depuis 2010), la
MDPV (dont le risque a été évalué en avril 2014) et la
pentédrone. Les
cathinones de synthèse peuvent être sniffées lorsqu’elles se présentent sous forme de poudre ou avalées sous forme de comprimés, mais l’EMCDDA observeaujourd’hui des épidémies inquiétantes de consommation par injection.
Bien que la pratique de l’injection de
cathinones ne soit pas répandue en Europe, elle constitue un problème localisé au sein de groupes de toxicomanes à haut risque dans certains pays (notamment en République tchèque, Allemagne, Irlande, Espagne, Autriche, Pologne, Finlande, Suède et au Royaume-Uni). En Hongrie et en Roumanie cependant, l’injection de ces substances constitue une pratique plus généralisée. En Hongrie, par exemple, une étude des programmes d’échange de seringues, menée à l’échelle nationale, a révélé qu’en 2012, les
cathinones étaient la principale drogue injectée pour 36 % des usagers.
Un comportement de plus en plus préoccupant, observé au sein de sous-groupes d’hommes ayant des relations homosexuelles, consiste en l’injection d’un cocktail de drogues illicites (par exemple des
cathinones mélangées à de la
méthamphétamine) lors de « rencontres sexuelles chimiques » (chem sex parties). Cette nouvelle pratique, associée à des conduites sexuelles à risque, a été observée dans certaines grandes villes. Compte tenu de l’incidence potentielle des modèles émergents d’injection decathinones, la surveillance étroite du phénomène apparaît essentielle en termes de santé publique.
Méthamphétamine : une préoccupation croissante compte tenu de l’émergence de nouveaux modèles diversifiés de consommationLa
méthamphétamine est un stimulant dont l’utilisation est répandue dans de nombreuses parties du monde (notamment en Asie du Sud-Est et aux États-Unis) où elle pose depuis longtemps de sérieux problèmes de santé publique. En Europe, alors que la consommation de
méthamphétamine se limitait historiquement à la République tchèque et à la Slovaquie, de nouvelles localisations et de nouveaux modèles de consommation émergent aujourd’hui ailleurs et au sein de populations diverses. La
méthamphétamine (en poudre) est par exemple sniffée par des usagers récréatifs en Allemagne ; elle est fumée sous forme de «
crystal meth » par des injecteurs d’opiacés en Grèce, à Chypre et en Turquie ; elle est aussi injectée avec d’autres substances par des hommes ayant des relations homosexuelles (voir ci-dessus).
Dans cette nouvelle analyse, l’EMCDDA examine les enjeux que pose la fourniture de réponses sociales et sanitaires à la consommation de cette drogue. Bien qu’il n’existe encore aucun médicament autorisé pour le traitement de la dépendance à la
méthamphétamine, les interventions psychosociales ont prouvé leur efficacité. L’Observatoire est conscient du fait que : « la consommation actuelle de
méthamphétamine en Europe est un problème complexe qui requiert des réponses appropriées qui devront être adaptées, développées et ajustées en fonction des modèles locaux d’usage et des problèmes observés ».
Analyse des progrès réalisés dans le traitement médicamenteux de la dépendance à la cocaïne La
cocaïne demeure le stimulant illicite le plus répandu en Europe et les défis à relever en matière de traitement de la dépendance à la
cocaïne subsistent. En 2012, 14 % des usagers qui ont entamé un traitement spécialisé en Europe ont déclaré que la
cocaïne était la substance qui leur posait le plus de problèmes. L’EMCDDA présente aujourd’hui une méta-analyse de six bilans portant sur l’efficacité des médicaments utilisés pour traiter le s problèmes d’addiction à la
cocaïne, ainsi que leur acceptation par les consommateurs. Les bilans originaux, dressés pa r le groupe Cochrane sur les drogues et l’alcool, ont porté sur 92 études (85 aux États-Unis) et plus de 7000 participants. Ces études montrent l’efficacité de certains médicaments dans la réduction du besoin irrépressible (craving) des consommateurs, mais révèlent qu’aucune solution pharmacologique simple n’a encore été trouvée au problème de la dépendance à la
cocaïne. Tandis que la recherche dans ce domaine se poursuit, les interventions psychosociales demeurent un élément central du traitement des consommateurs de
cocaïne.
La production domestique d’herbe de cannabis, une importante source d’approvisionnement ””la résine importée est de plus en plus concentréeL’Europe est de longue date l’un des principaux marchés au monde pour la consommation de
cannabis, en particulier de résine importée surtout du Maroc. Selon les estimations, la consommation annuelle de résine de
cannabis (« haschisch ») et d’herbe de
cannabis («
marijuana ») en Europe est de 2 050 tonnes. Dans l’analyse publiée aujourd’hui, l’EMCDDA montre comment, en Europe, ce marché est de plus en plus dominé par l’herbe et comment la production domestique de cette herbe couvre la demande. De plus en plus de plantations de
cannabis sont découvertes en Europe.
Au cours des dix dernières années, le nombre de saisies d’herbe de
cannabis en Europe a dépassé celui de la résine. Quelque 457 000 saisies d’herbe de
cannabis contre 258 000 saisies de résine ont été déclarées en 2012. Près de sept millions de plants de
cannabis ont été saisis en 2012, soit plus de deux fois et demie la quantité saisie cinq ans auparavant. Les innovations observées ces dernières années dans la production de
cannabis sont préoccupantes (voir la vidéo), car on assiste à la culture de plants à forte concentration en
THC (le principe actif du
cannabis) et pauvres en
CBD (un antipsychotique). Alors que la teneur en principe actif des deux formes de
cannabis augmente depuis 2006, des augmentations particulièrement importantes de cette teneur ont été observées pour la résine entre 2011 et 2012 (voir l’infographie sur le
cannabis, Rapport européen sur les drogues, chapitre 1).
Les traitements par Internet constituent de nouveaux moyens pour s’engager auprès des usagers de drogues.Internet est aujourd’hui reconnu comme un moyen permettant de proposer des programmes d’éducation, de prévention et de traitement en rapport avec la consommation de drogues et d’alcool. L’EMCDDA retrace aujourd’hui les évolutions dans le traitement de l’usage de drogues via Internet (Inter-based drug treatment”” IBDT) qui se sont développées en Europe au cours des dix dernières années, essentiellement en rapport avec la consommation de
cannabis. L’IBDT se fonde sur une série de techniques psychosociales éprouvées et les intègre dans un nouveau mécanisme d’offre basé sur Internet. Bien que la protection des données et l’anonymat soient d’importants points de préoccupation, ce type d’aide offre certains avantages. Il permet notamment de couvrir une plus grande zone géographique, offre un accès aux usagers que les services spécialisés ne pourraient pas atteindre autrement et garantit une assistance plus immédiate (pas de temps d’attente). Par leur développement, les programmes IBDT peuvent constituer un complément utile aux services traditionnels de traitement, offrant de nouveaux moyens de s’engager auprès des usagers de drogues qui ont besoin d’aide.
Analyse « multivilles » de la présence de drogues dans les eaux usées : publication, ce jour, de l’étude la plus large.Les résultats du plus grand projet européen en matière d’analyse des eaux usées, une science émergente, sont également publiés aujourd’hui. Ce projet porte sur l’analyse des eaux usées de plus de 40 villes (21 pays) afin d’examiner les usages de drogues de leurs habitants. Une analyse de la série POD de l’EMCDDA consacrée à ce projet en présente les conclusions. Les eaux usées de quelque 8 millions d’habitants ont été analysées afin d’y rechercher des traces de cinq drogues illicites :
amphétamine,
cannabis,
cocaïne,
ecstasy et
méthamphétamine (voir le communiqué 5/2014).
Les résultats donnent un aperçu très précieux de la circulation des drogues dans les villes concernées et révèlent des variations régionales marquées. À titre d’exemple, les traces de
cocaïne observées étaient plus élevées dans les villes de l’Europe occidentale et dans certaines villes de l’Europe du Sud, mais moindres dans les villes du nord et de l’est de l’Europe. Quant à l’utilisation d’amphétamine, tout en étant répartie de façon relativement homogène, c’est dans le nord et le nord-ouest de l’Europe qu’elle est apparue la plus élevée. Concernant la
méthamphétamine, son utilisation généralement faible et traditionnellement concentrée en Europe centrale semble désormais s’étendre. Enfin, l’analyse temporelle a révélé une forte augmentation des niveaux d’usages de
cocaïne et d’ecstasy le week-end dans la plupart des villes et une répartition plus homogène sur la semaine de la consommation de
méthamphétamine et de
cannabis.
Joà£o Goulà£o, le président du conseil d’administration de l’EMCDDA conclut, « Cette année, les nouveaux défis posés par les stimulants et d’autres drogues sont mis en lumière par l’EMCDDA. Sur la
base de preuves scientifiques en plein développement, l’Observatoire analyse en particulier la nécessité de traiter les problèmes associés à l’usage de
cocaïne, de
méthamphétamine et de
cannabis. Un des éléments partagés en la matière concerne l’importance des interventions psychosociales, outil précieux de l’arsenal thérapeutique dont nous disposons pour répondre aux problèmes contemporains liés aux drogues ».
Rapport_européens_sur_les_drogues_-_2014.pdf