Kilou : "Et à chaque fois, ça a été le même discours "Cette fois-ci c'est la bonne ! j'arrête tout"
Sait-il en lui qu'il y aura rechute ? se voile t-il la face ? Bref pourquoi ?"
Et bien c'est un cas d'école. Les addicts font souvent cela. Et tu te demande s'il est sincère. La réponse est :
Oui avec toi, non avec lui même. Explication :
- Il est vraiment sincère lorsqu'il te dit qu'il arrête. Le produit perturbe en profondeur le fonctionnement du cerveau et lorsqu'il en a marre, tout d'un coup il voit la vie sans addiction en rose et il compte vraiment arrêter. Il pense qu'on est mieux sans produit et il voit les choses de façons simpliste, ignorant le syndrome de
sevrage prolongé (parce que personne ne comprend très bien) il pense que cette fois est la bonne. Et c'est chaque fois "la bonne".
- Mais il n'est pas si sincère que ça avec lui même. S'il se plante ainsi c'est qu'il n'arrête pas pour les bonnes raisons. Il agit sur la
base d'une vision idéalisée de la vie sans produit. La vie est difficile avec produit, elle est aussi difficile sans produit. Quand on arrête pour de mauvaises raisons, on rechute toujours. Tôt ou tard. Pourquoi arrête-t-il pour de mauvaises raisons? A cause de la pression sur lui! Que la pression vienne de ses proches ou de lui-même, elle fait prendre des décisions inadéquates.
Tu sais Kilou, on ne sait pas ce qui fait qu'un addict parvient un jour à décider d'arrêter de façon efficace. On sait juste que cela demande de l'expérience. Du recul sur le produit. Changer de produit sans cesse n'est pas idéal. Pour certains cela prend des années. Bien souvent, cela réussit quand la personne fonctionne plus sur une compréhension rationnelle que sur une décision émotionnelle, et alors elle opte pour un programme (TSO) avec le suivi d'un addicto, et au lieu de se voir comme clean et heureux demain, il se voit simplement comme prêt à baisser ses doses et à tourner la page. Tout cela prend beaucoup de temps, et demande de sortir des pressions qu'on se met soi-même ou que les autres nous mettent.
Il n'y a pas de raccourci. Personne n'a jamais réussi à vaincre une dépendance parce que quelqu'un le pousse à la faire en lui mettant la pression ou alors il en développera une autre à la place. C'est à la fois beaucoup plus compliqué... et beaucoup plus simple! Un jour on devient las des hauts et des bas de nos addictions,
sevrages et rechutes et on comprend que ce contre quoi il faut lutter ce n'est pas le produit ou le mal être cyclique, mais contre notre propre ego qui nous pousse à créer ces hauts et bas artificiels. Quand on est prêt à prendre de la distance avec notre incessant désir de "hauts" ("highs") qu'ils soient dus à la dope ou à la non-dope, alors on est prêt à suivre un
TSO et à baisser les doses car notre objectif ne sera plus de se sentir bien à tout prix (ce qui cause finalement la rechute) mais simplement on est prêt à accepter que la vie est faite de hauts et de bas. Là les progrès peuvent devenir rapides.
Ce problème n'est pas que celui de la drogue, il est notre problème à tous dans la vie. On veut toujours être "high", correspondre à ce que les gens admirent, et se sentir bien, et on n'y arrive jamais parce que c'est comme poursuivre notre propre ombre : chaque pas qu'on fait en avant elle fait le même et on ne peut pas attraper ce "high" éternel imaginaire qu'on espère tous. Les drogués ne sont pas différents des addicts au travail, au shopping ou à tout le reste. Les pires addicts ne sont parfois pas les drogués mais ceux qui s'ignorent!
Les progrès réels sont ceux qui consistent à arrêter cette course éperdue pour le "high" quelle que soit sa nature. Encore une fois la drogue n'est pas différente de tout le reste. A un moment on se lasse et on réfléchit. On se rend compte qu'on ne trouvera pas le bonheur à l'extérieur, dans un travail, une possession, un produit chimique, et le besoin disparaît parce que le faux objectif disparait. Quand on n'a plus de faux objectif pour nous asservir, alors seulement on est libre de faire ce qu'on veut.
La croyance qu'il faut arrêter la drogue "parce que", est très arbitraire. Bien que très répandue, elle fait plus de mal que de bien. Chacun cherche le bonheur et doit passer par des expériences dans cette recherche. On devrait se mettre moins de pression et mieux observer ce qui se passe, ainsi nos "cycles", qu'ils soient dans la drogues ou ailleurs, dureraient moins longtemps, et s'apaiseraient naturellement.
C'est un immense soulagement d'être libre de ces objectifs artificiels de "high" et de faire ce qu'on veut sans fausses ambitions, mais nous n'y parvenons pas parce que nous cherchons la sortie des cycles infernaux dans les causes elles-mêmes de ces cycles, en espérant un bonheur extérieur avec une recette qu'on s'impose en se mettant la pression. On ferait mieux de s'apaiser et d'observer. Là , tout se met à couler naturellement et le bonheur qu'on cherchait dans un objectif extérieur, on le trouve à l'intérieur comme étant notre état naturel.
Dernière modification par Syam (09 juillet 2015 à 08:50)