Communiqué inter associatif signé par La Federation Addiction, Aides, Medecins du Monde, Psychoactif, le Circ, Asud,
Safe et quelques autres
Politique internationale des drogues : faire le pari de la santé ?
L’Assemblée générale de l’ONU va se réunir du 19 au 21 avril pour une session extraordinaire sur le problème mondial des drogues1.2
Les négociations préparatoires à l’événement se sont terminées à Vienne en mars. Elles ont largement porté sur l’interprétation des conventions internationales qui encadrent la politique en matière de drogues, et sur leur adéquation aux problématiques des pays membres ”” narcotrafic, surpopulations carcérales, décès, accès aux traitements, développement,...
L’enjeu principal a été de faire reconnaître à la santé une place au moins aussi importante qu'à la sanction, dans une approche équilibrée qui permette une interprétation plus souple des conventions. Dans cette approche, la
réduction des risques (Harm Reduction) a joué un rôle décisif pour aller au-delà de l’opposition santé / répression ”” malade / délinquant ”” pour promouvoir une vision pragmatique du phénomène des drogues.
La stratégie des pays qui soutiennent cette approche (dont la France et l'UE) a consisté à mettre en avant le soin ”” au sens de care et non seulement de cure ”” dans le texte final qui sera adopté à l’UNGASS.
Après des jours de débats entre délégations officielles, ce texte vient d’être achevé, et sera présenté au vote de l'Assemblée Générale dans 15 jours à New York.
La société civile française salue les éléments positifs issus des négociations. Ils marquent déjà une avancée certaine par rapport à l’UNGASS 1998, qui s’était conclut sur l’improbable slogan « Un monde sans drogue, nous pouvons le faire ! ».
La plateforme se félicite des avancées suivantes :
- Le document inclut pour la première fois un chapitre entier consacré à « Drogues et santé »
- Il inclut les principales mesures sanitaires de
réduction des risques , y compris en prison (matériel d’injection, traitements médicaux,
Naloxone)
- Il met en avant la nécessité de prendre en compte les spécificités de genre et de culture des comportements d’usage et des risques qui y sont liés,
- Il mentionne les possibilités d’alternatives à l’incarcération.
Ceci étant, nous estimons que le document reste insuffisant en l’état pour permettre aux États de réinterpréter les conventions sous un nouveau jour.
- Avant tout, le document ne revient pas sur l’interdiction de la peine de mort, encore mise en œuvre pour les délits et crimes liés aux drogues dans un trop grand nombre de pays. Cela nous éloigne évidemment de l'objectif de
dépénalisation de l'usage, nécessaire à la cohérence et à l'équilibre des politique en matière de drogues.
- Les gouvernements font encore trop primer les conventions internationales, qu’ils ne remettent pas du tout en question. Malgré le fait qu'elles n'évoquent pas le respect des droits humains et trop peu la santé, les conventions sont confirmées comme la pierre angulaire indépassable de la politique internationale en matière de stupéfiants ; la mention « en cohérence avec la législation internationale » revient plus de 25 fois dans le document.
- si le texte en détaille les mesures, on peut regretter qu’il ne nomme pas expressément le terme « Harm reduction », encore trop polémique pour de nombreux états membres (Russie et Chine en tête)
Enfin, malgré une volonté marquée par certaines délégations officielles de travailler conjointement avec les ONG, les débats préparatoires à l’UNGASS ont été menés dans l’opacité. Notre plateforme, tout comme plus de 200 organisations du monde entier (mettre le lien en note) regrette le manque d’inclusion de la société civile dans les débats préparatoires à l’UNGASS, tout comme le refus de mener une évaluation objective des politiques et de l’application des conventions pour 2019.
Pourtant, en se passant de l’expertise des personnes faisant usage de drogues et des populations concernées, acteurs de terrain et des chercheurs, il est à craindre que cette session de l’Assemblée générale onusienne perde largement en acuité pour mener une politique efficace en matière de drogues. Au delà , elle risque de marquer un recul de plus de l'Organisation des Nations Unies face à ses idéaux de Paix et de protection des droits fondamentaux.
La société civile française appelle donc les délégations officielles et la société civile à s’engager plus activement encore, et dès la session de cette année.
Nous ne voulons pas manquer l’occasion en 2019 de promouvoir un changement de paradigme pour sortir d’une "guerre aux drogues" dévastatrice, comme le réclament les pays à l’initiative de cette UNGASS.
1 Dix-huit ans après la précédente, cette session, vise à préparer la révision du plan mondial de lutte contre les drogues en 2019.
2 ”” baptisée du sigle UNGASS, SEAGNU en français