Celui-ci date d'il y a 13 ans...
Le sida en Chine, une bombe à retardement pour le monde
Les problèmes comme les réussites sont en Chine à la mesure du pays : monumentaux ! Le problème du sida, même si le gouvernement chinois en minimise encore l'étendue, ne fait pas exception. Les statistiques officielles parlent de 800.000 à 1 million de cas. Sans vouloir exagérer, nous pouvons multiplier par dix ces chiffres déjà catastrophiques d'ici à 2010, même si, dans le pire des cas, moins de 1 % « seulement " de la population serait touché ! Une population de un milliard quatre cents millions de personnes !
Quelles sont les causes en Chine de cette dramatique pandémie ?1. Le sang contaminé : des individus peu scrupuleux achètent pour une bouchée de pain le sang des paysans. Des raisons culturelles, des superstitions font que le sang, vecteur d'énergie, doit être réinjecté après en avoir retiré le plasma. Mélangé sans aucune précaution, réinjecté, ce sang a contaminé des milliers de donneurs. Nous sommes cependant en droit de penser que ces pratiques n'ont actuellement plus cours. Pierre Haski, journaliste à « Libération », vient de publier chez Grasset, une extraordinaire enquête sur ce drame dans la province du Henan : « Le Sang de la Chine. Quand le silence tue. »
2. L'homosexualité représente plus ou moins 3 % de la population mondiale. Cela induit immédiatement pour la Chine le chiffre de 40 millions de personnes environ. L'homosexualité n'ayant été que très récemment dépénalisée en Chine, la population masculine se cache toujours, se marie et continue à avoir des relations bisexuelles à risques pour eux, leurs épouses et leurs enfants à venir.
3. Il existe en Chine une population migrante (environ 120 millions de personnes adultes et en activité) qui sillonne le pays toute l'année au gré des chantiers et du travail disponible. Ne passant qu'une quinzaine de jours par an avec leurs familles, ces hommes se tournent naturellement vers les « travailleurs du sexe » avec le risque de se contaminer et de contaminer leurs épouses légitimes.
4. Avec un taux d'exode rural très important (de l'ordre de 20 % pour la population de la province du Zhejiang en cinq ans), le chômage augmente rapidement, entraînant dans les villes délinquance, prostitution, drogue, et favorisant ainsi la recrudescence des risques de transmission des maladies infectieuses et du sida notamment.
5. La prostitution bien qu'illégale est largement pratiquée dans tous les milieux urbains et l'utilisation des préservatifs préconisée par la politique du planning familial tant sur le plan de la contraception que sur celui de la protection contre les infections sexuellement transmissibles reste très faible.
6. La drogue, surtout dans le Sud à la frontière des pays du Triangle d'Or et le long des côtes est, fait des ravages et reste un facteur de transmission du sida très important.
Les mesures prises par le gouvernement chinois depuis la reconnaissance de l'existence de l'épidémie du sida en août 2001 sont remarquables mais encore insuffisantes. De plus en plus, des campagnes médiatiques de prévention (affiches, spots télévisés, ou radiophoniques...) voient le jour mais de façon sporadique et non encore systématiques. D'autres actions gouvernementales ont vu le jour : médicaments gratuits pour les plus démunis, protection contre le risque de transmission mère-enfant, prises en charge des orphelins du sida, kits de seringues gratuits pour les drogués...
Des demandes très précises d'assistance technique et d'aide à la formation de médecins ont été exprimées par des institutions officielles de santé qui luttent contre le sida dans leur pays à l'Association rapprochement France-Chine. Cette association française régie par la loi de juillet 1901, à but non lucratif, a reçu depuis 1999 des délégations de représentants du planning familial chinois afin de les faire bénéficier de l'expertise française en la matière où l'expérience a, malheureusement, plus de vingt ans d'avance. A la suite de ces formations, des résultats concrets dans la province du Zhejiang (création de services spécialisés dans des hôpitaux, création d'associations de lutte contre le sida dès l'an 2000, création de centres de dépistage) ont été constatés.
Le planning familial en Chine, ministère à part entière, organisme très critiqué par les âmes bien pensantes de notre monde occidental pour sa politique de l'enfant unique _ politique par ailleurs saluée par les experts de l'OMS et de l'ONU et qui a tout de même permis d'éviter que l'empire du Milieu n'atteigne aujourd'hui une population de près de 2 milliards d'individus _, est une institution omniprésente sur tout le territoire chinois. Grâce à cette position, grâce aussi à la connaissance et à la compétence de ses médecins sur tous les problèmes liés à la santé de la reproduction, le planning familial est à même de recevoir une formation de formateurs pour une prise en charge globale des malades, du counselling à la thérapie. L'Association rapprochement France-Chine, avec le soutien scientifique et pédagogique de l'Imea (hôpital Xavier-Bichat), a proposé, à la suite de ces demandes, un programme de formation de formateurs sur trois ans ouvert aux représentants sélectionnés des divers organismes de santé chinois. Seuls les financements manquent encore...
Pourquoi s'intéresser au problème du sida ? Pourquoi en Chine ?
1. Tout d'abord, d'après l'OMS, la pandémie n'en est qu'à ses débuts. D'ici à 2020, en effet, 150 millions de personnes seront infectées dans le monde. La mondialisation, sur le plan économique, est une chose avérée. La Chine s'ouvre, tant pour les hommes d'affaires, les ingénieurs et les étudiants que pour la masse, les millions de touristes chinois qui commencent à visiter nos pays, la France en particulier très chère dans le coeur de nos amis chinois. Les virus, eux, n'ont pas de frontières. Ce cas de figure, problème de santé publique, s'il en est sur le plan planétaire, doit être considéré...
2. D'autre part, si la France ne se trouve toujours qu'à la quatorzième place en termes d'investissement étranger en Chine, derrière, pour ce qui concerne les pays européens, l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne, l'Espagne, de nombreuses sociétés françaises sont présentes dans ce pays aussi bien des PMI-PME que de grandes multinationales. Sur le plan strictement économique, nous pensons qu'il serait judicieux que leurs dirigeants posent un oeil attentif sur ce fléau qui risque aussi, comme on a pu le constater en Afrique, de gêner la bonne marche des sociétés employant de la main-d'oeuvre locale. Cela est vrai également pour les expatriés esseulés.
3. Enfin, au-delà des considérations de rentabilité des entreprises, nous pensons que, sur un plan simplement humanitaire...
Quelle que soit la motivation, il y a urgence à désamorcer cette « bombe à retardement " !
GÉRARD CALMELET
GÉRARD CALMELET est président de l'Association rapprochement France-Chine.
Dernière modification par Mascarpone (30 septembre 2018 à 10:08)