Bonjour à tous,
Je me lance dans un post de présentation. Peu importe mon nom, j´ai quarante balais et des
poussières et je suis un mec clean comme tant d´autres. Aujourd´hui je ne prends plus rien du tout et je ne m´en porte pas plus mal. Je prends parti contre la drogue aujourd´hui. Je suis passé par le long détour de la
came, une sacrée mauvaise expérience. Je vais vous expliquer tout ça si j´y arrive. Une longue histoire…
.J´ai perdu des années. Des belles années. Ma jeunesse… J´ai des regrets car aujourd´hui je mesure tout le gâchis, tout le temps emporté, je repense à cette époque où l´héroïne contrôlée toute ma vie. Elle m´a emmenée au fond. Je me serai bien passé d´elle… et j´avais toutes les armes pour m´en passer mais ça je m´en rendais pas compte et si tout était à refaire, y a pas mal de choses que je referais volontiers. On ne refait pas le passé. J´ai été prisonnier de ce passé… le travail le plus dur a été de se défaire de mes échecs et Dieu sait qu´ils sont profonds. Et Dieu m´a aidé.
J´ai souffert et je suis passé à côté de beaucoup de choses , à un moment du temps où tout était encore à portée de main, tout était faisable. Tout cela est amer. J´étais accro et plusieurs fois j´ai arrêté. J´aurais pu en rester là . Mais ça a continué. J´ai payé mon prix à la société. Le plus dur pour moi, ça a été la taule… enfermé, mutilé, j´étais en préventive à Bois d´Arcy, 9 mois. Le temps d´une grossesse. Je suis tombé pour « cession ». Je suis resté moins d´un an… La taule c´est immonde. Quand je suis arrivé à l´écrou, j´étais merdeux, au terminus de la
came. Une petite fliquette m´a « escorté » jusqu´à ma cellule, je n´étais même pas menotté tellement j´avais l´air de rien, elle marchait devant moi en se foutant de ma gueule… je pleurais comme une fillette et j´avais peur, je me sentais menacé… j´avais 25 ans. Et l´enfer a commencé, je me serai tapé la tête contre les murs. Les premiers jours, on était 7 dans 9m2 avant qu´on me transfère vers ma cellule définitive. J´avais un abcès bras gauche, les bras bleus de shoot… j´avais le nez saignant, je trembottais de partout, j´étais malade et infecté et en manque. Il me fallait supporter le choc carcéral. On ne peut pas s´imaginer ce que signifie être privé de liberté tant que l´on a pas vécu la prison. Le moindre geste anodin du quotidien, comme chercher un yaourt au frigo, tout cela n´existe plus. On peut plus bouger. On est capturé. Ce séjour a marqué ma vie. Il y avait 0 médocs à cette époque et on m´a laissé comme ça. Le deuxième jour je pouvais plus bouger. Je pleurais et les autres m´ont tabassé… j´avais la chiasse et la gerbe, j´en mettais partout, et les autres m´en voulaient… Ca puait dans la cellule et les mâtons rigolaient. « Réglez vos problèmes entre vous ». Les autres détenus m´ont tortionné. A l´époque, un toxico c´était mal vu dans le milieu carcéral….
Plusieurs connards voulaient me pointer, j´ai été obligé de piquer des fourchettes au réfectoire pour me défendre. Je l´ai planté dans la gueule d´un mec, j´ai porté plusieurs coups. Ce qui m´a valu le prétoire et un séjour à l´isolement. Ce séjour en préventive, tout ce temps à attendre, je l´ai passé sans
came. J´étais là pour la
came et en plus ça tournait grave. Ces enculés de maton, je les voyais qui business la dope. Eux faisaient comme moi en toute impunité. Après avoir passé un mois en enfer, j´ai commencé à durcir. Après une phase de dépression totale et une tentative de suicide (avaler des lames de rasoir) je me suis blindé. Je ressentais plus rien. J´étais mal et je me souviens encore de tout ça dans le moindre détail, ça me fait encore mal, j´ai besoin de l´écrire, de le faire sortir… encore et encore…
Le jour de ma sortie, après presque un an sans drogue, ils étaient quatre gardiens à vraiment m´escorter pour sortir. J´étais plus le même. Plus fort peut être mais touché en profondeur. Affaibli à jamais.
Quand je suis sorti, j´aurais du en rester là . Mais ça a été plus dur que prévu. J´ai tenté de me réinsérer mais le « mal de la prison » était en moi, j´étais mal de nouveau et plutôt que de me shooter avec un flingue j´ai rechuté ; En moins d´une semaine, après les premiers jours de bonheur pour être sorti, j´ai repris les conneries. La rechute a été sévère. J´ai trituré mes veines comme jamais. Ca a duré des années. Je vivais chez ma mère. Je planquais de la
came partout quand je touchais. Parfois je vivais dans une chambre d´hôtel avec une nana, c´était la démerde et quelques coups ou un petit braquage minable. La dope, toujours…
En 1996, j´ai inauguré les traitements
subutex. Là , les problèmes ont commencé sérieusement car le sub m´a détruit. Totalement. Accro à la shooteuse, j´injectais cette merde. A l´époque, malgré les années, c´était toujours possible d´arrêter quand il fallait, de se retaper quelques jours au grand air mais après quelques semaines de
subu, ce n´était plus possible. Coincé vraiment. C´est vraiment une addiction de fou, la pire que j´ai connu. Je n´encourage pas les jeunes à prendre ces traitements. Désolé de le dire mais la
substitution c´est surtout un bénéfice pour la société plutôt qu´un bénéfice pour l´usager. « Ferme ta gueule, tais toi, rentre dans le rang ». Une fois entré dans cette danse, les portes se referment une fois de plus. C´est ça le
subu c´est pas autre chose. Toute mon identité était brisé. Je n´avais même plus l´honneur d´être un toxico, être un junky ça se mérite… mais être un substitué, j´étais plus rien, juste un être fatigué dépendant de médecin qui me parlait comme à un môme... CSST, phase terminale. J´ai souvent pensé à la mort. J´ai tenté de me faire des overdoses volontaires. Pas de bol, les pompiers sont toujours arrivés à temps. Et puis bien sur, le VHC… Un parcours de croix où chaque étape t´emmène plus bas dans la mort et le désespoir. Le temps est passé et je me suis calmé naturellement. Trop fatigué, trop meurtri et déjà trop vieux, bien trop vieux avant l´heure.
Il m´a fallu 5 ans pour arrêter le
subu. Un enfer. Une galère sans plaisir. Un produit sordide dont je n´ai jamais ressenti les bienfaits. Mais j´étais prêt à crever alors ça de plus ou ça de moins… 32 mg histoire d´oublier, avec un peu de
crack pour sentir des effets car rien n´est plus triste qu´une drogue sans effet. Un opiacé coriace sans les effets positifs. Une drogue qui ne drogue pas et qui te rend 200 fois plus accro. Un piège à con. Un de plus ! Passé un cap, j´ai lâché la
came définitivement car ça devenait usant. Je prenais mes sub, j´arrêtais de me shooter et je faisais des boulots en intérim, je trimais pour des salaires de misère…. 38 ans et des
poussières.
Je revoyais les copains de lycée. Je revoyais des copains de
came du tout début. Ils avaient des enfants, des boulots, une voiture, une maison. Putain, tout ce qu´on refusait en tant qu´ado… devenir un « vieux con »… et moi tout seul comme un « jeune con vieux » et je rêvais juste d´être à leur place. La vie m´a enculé. J´ai commencé la
came pour une nana. Un chagrin d´amour quand j´avais 20 ans… tout ça pour vivre une vie qui ne vaut pas la peine d´être vécue.
Cette vie ratée c´est la mienne… un puis un jour une femme, comme dit la chanson. Ma femme. Celle qui m´a ramassé au fond du couloir désert. Il m´a fallu du temps pour apprendre à aimer. Je me détestais tant. Quand ne pas me haïr, j´avais tout raté ? Son amour était grand, beau. C´est une infirmière et elle m´a rencontré en cure. J´ai du lui faire pitié. Elle m´a retapé comme on retape une vieille maison aux rideaux jaunis.
Il m´a fallu réunir toutes mes forces vitales pour sortir de l´addiction au sub. 20 jours et le manque est toujours là , c´est impitoyable, même en diminuant le traitement. Ca ne change rien. 8 mg, 2 mg ou 1 c´est du pareil au même. Et ensuite surtout la dépression. Des mois d´insomnie. Hôpital,
alcool et médocs… et toujours cet effet. Pour sortir du
subu, j´ai repris de la
came. Un mois de bonne
came, un billet de train, l´Italie…et j´ai décroché. Enfermé 3 jours à vomir mes boyaux, quelques jours abattus de fatigue, pour la millième fois de ma vie. La boucle était bouclée. Tout ça n´avait plus d´importance.
C´est fini. Avec ma femme, nous sommes restés deux ans en Italie. Quelques semaines après, j´ai commencé à vivre sans survivre, puis à revivre et a ressuscité. Je crois en Dieu, de façon intime et personnelle même si je me suis converti au protestantisme mais je ne pratique pas. C´est une vision intérieure. Le seigneur a voulu me faire traverser le désert. J´ai beaucoup discuter, des après midi entière avec le pasteur. Dieu a voulu que ma vie soit un océan de souffrances. Oui, j´ai eu un flash, un déclic, et la foi est venue en moi. J´ai eu beaucoup de discussions stériles avec les gens qui ne peuvent concevoir « la croyance » ou qui sont persuadés que ce n´est que de la rédemption. C´est très intime et très personnel. Pour moi, l´univers a désormais un sens. Le mal n´est pas le dernier mot et nous portons tous une partie du Dieu en moi. Pendant toutes ces années de haute défonce, je ne me souviens pas une seule fois avoir ri ou pleuré. Mon cœur était éteint, mon cœur était brisé et le souffle d´amour des choses ne pouvait pas prendre place dans un être comme moi. Dieu a finalement eu pitié de moi ? Ou peut être ai-je eu pitié de lui ? Nous nous sommes réconciliés mais c´est l´amour d´une femme qui m´a sauvé. Ma femme.
Voilà ma vie comme tant d´autres. Une vie d´adulte, une vie d´ud, une vie de misère ou j´ai vite appris que dans la pauvreté nous ne sommes jamais frères de misère. Ce que je sais c´est que l´héroïne a annihilé toute ma volonté durant des années. En n´acceptant pas la souffrance de la vie, j´ai souffert mille fois plus. Je me suis retrouvé au mauvais endroit et au mauvais moment et ma trajectoire a été brisé. Je me demande souvent comment aurez était ma vie si je n´avais jamais tenté la dope. Elle aurait été très différente c´est sur. Il est toujours temps d´arrêter, d´arrêter avant qu´il soit trop tard, avant de tout briser. Je n´ai pas choisi cette vie, je l´ai pris dans la gueule, c´est fait ce que j´ai pu avec les moyens que j´avais. Je regrette de pas avoir plus parler à mon père avant qu´il meure. La vie continue. La mienne a été ratée et celle de l´enfant que nous attendons sera différente. Je ne vis plus pour moi mais pour la famille que j´ai décidé de créer. Victime d´un système, que ce soit celui des mafias et des pyramides de la drogue ou victime du système de soins, il n´ y a pas de solution autre que la solution intérieure. Aucun produit ne peut apporter la paix de l´âme, c´est un leurre. Il faut parfois souffrir pour ne plus souffrir. L´abstinence d´opiacé est pour moi un bénéfice incalculable. Si j´avais su, si j´avais pu savoir qu´en souffrant quelques semaines j´aurai pu éviter 20 ans de torture…