TEMOIGNAGE DE MON PARCOURS DE TOXICOMANE
Je ne peux pas parler de ma toxicomanie sans évoquer mes parents, mon enfance car je ne peux pas nier qu´il y a bien des causes à effet dans mon histoire de toxicomane. Il y a dans la quasi-totalité de nos histoires des causes à nos comportements addictifs ; je vais donc commencer mon témoignage en vous racontant les points cruciaux qui vont me permettre de vous expliquer le cheminement de ma toxicomanie.
L´ENFANCE
Mes parents se séparent très vite puisque je n´ai qu´un peu plus d´un an. Mes souvenirs sont nuls mais je me souviens d´un ballotage entre ma mère et mes grands-parents jusqu´à l´âge de 7 ans. Ma mère ayant retrouvé une vie affective stable, un logement elle prend la décision de me reprendre à ses côtés au grand désespoir de mes grands-parents. Mon père quant à lui est absent et bien sur des manques vont se créer inévitablement. Maintenant une relation fusionnelle va s´installer avec ma mère car j´ai un beau-père absent et que je peux enfin profiter d´elle dans tous les sens du terme ! Eh oui petit garçon que j´étais je me rendais bien compte qu´elle culpabilisait et donc j´étais en demande sans cesse de cadeaux, attentions, amours…. Il faut que je vous précise que je viens d´une famille plutôt aisée car je tiens par ce récit à vous faire comprendre qu´avec l´argent, la
descente dans la drogue existe mais bien souvent la facilite contrairement aux idées reçues.
PRISE DE CONSCIENCE
Ma mère est malheureuse avec cet homme marié et je la vois de plus en plus mal, notre relation prend une nouvelle tournure je deviens son confident, je la console. Et puis petit à petit elle s´éloigne elle ne se lève plus le matin avant que je parte pour l´école et bien souvent elle s´enferme dans la salle de bain pendant ce qui me parait des heures. Je sens bien du haut de mes huit ans que quelque chose ne tourne pas rond, je suis triste à nouveau. Et puis c´est le drame un jour chez mes grands parents juste avant de partir pour Genève avec ma mère elle s´enferme dans la salle de bains pour se préparer. J´entends la baignoire qui ne s´arrête pas de couler et je sens que quelque chose se passe. Alors je frappe à la porte sans réponse j´appelle je crie ma grand-mère arrive et fou d´angoisse je finis par casser cette porte qu´un enfant de mon âge n´aurait pas pu faire trembler normalement. Je découvre ma mère écroulée par terre sans vie ma grand-mère téléphone aux pompiers pendant que je crois que ma mère est morte. Ces minutes vont me paraître des heures mais lorsque les pompiers arrivent je suis écarté. Je pleure. Un pompier me rassure et me dit que ma mère va s´en sortir. Ces hommes vont sauver maman mais je ne comprends pas pourquoi ils fouillent tout, et particulièrement notre valise. Ils trouvent dans une de mes paires de chaussettes une boule blanche : de l´héroïne. Ensuite ils commencent à parler de police mais ils vont vite nous laisser tranquille et passer un savon à ma mère.
Juste avant de nous rendre à l´aéroport ma mère me dit qu´elle doit aller chez une copine que je déteste déjà . C´est là bas que je me suis rendu compte qu´elle devait absolument avoir une autre boule blanche pour partir !!! Je venais de vivre une expérience choquante et je prenais conscience de la dépendance de ma mère et de sa prise de risque face à la mort.
Un peu plus tard j´allais apprendre qu´en fait mon père, mes oncles, mes tantes tous avaient des problèmes de drogues.
UNE RENCONTRE IMPORTANTE
Inconsciemment, je devais à tout prix me faire remarquer et comme mon beau père était banquier et qu´il avait toujours de grosses liasses de billets, je décidais de lui prendre quelques billets de 500 francs à chacune de ses venues. Très vite il y avait beaucoup de billets dans ma cachette et je ne comprenais pas pourquoi Jean ne disait rien car il savait quand même compter : IL ETAIT BANQUIER !
Il fallut que ma mère un jour en rangeant ma chambre, ce qu´elle ne faisait jamais, tombe sur cet argent pour voir que je tentais d´attirer son attention. Et voilà j´allais rencontrer le docteur Claude Olievenstein de Marmottan qui avait tenté de soigner mon père en vain mais qui allait m´apporter beaucoup tout au long de ma vie.
L´ADOLESCENCE
Nous avions suivi le « banquier » et nous habitions aux Etats Unis. J´allais grandir tant bien que mal mais heureusement, j´avais rencontré, grâce à mon grand père les joies du sport et particulièrement celle du tennis qui allait très vite devenir ma première addiction. Je me réfugiais dans ce sport dès que je pouvais et le goût de la compétition me permettait de m´échapper de la maison. J´étais un peu moins malheureux car je m´étais créé un monde à moi. Puis ma mère a quitté son conjoint et nous sommes revenus en France.
A notre retour, j´ai 11 ans. Je passe une année scolaire difficile. Mon père fait son retour dans ma vie plein d´alcool et de barbituriques, ce qui me perturbe quelque peu. Je demande à ma mère de me mettre en pension ce qu´elle accepte.
A mon arrivée je suis très angoissé mais rapidement l´ambiance me plait il y a un tennis et mes résultats scolaires sont bons ce qui me fait du bien. Au cours de ma deuxième année je viens d´avoir treize ans, ma mère vie avec un mec sympa, plus jeune, il fume des pétards il est cool. Moi forcement j´ai grandi plus vite, j´ai sauté des étapes et comme mes potes ont tous au moins quatre ans de plus que moi et qu´eux aussi fument des pétards, ce qui devait arriver est arrivé. Je m´engageais dans alors une voie qui allait rapidement me faire du mal. Très vite j´en parlais à ma mère qui n´était pas ravie. Puis un peu avant mes 15 ans elle m´emmènera à Amsterdam avec mon meilleur pote en complice de mes « bêtises »
J´allais petit à petit perdre pied. Je lâchais ma scolarité et ma consommation de
cannabis ne cessait d´augmenter ce qui allait me diriger peu à peu vers le deal.
A 18 ans je suis retourné dans une école traditionnelle, privée quand même. Je suis tombé amoureux d´une jeune femme et il faut que je trouve un appartement pour nous. Je vais trouver un appartement à Paris et là les très grosses conneries vont commencer.
MES DEPENDANCES SE PRECISENT
En m´installant avec ma copine dans cet appartement je me doutais que moi allant au lycée et elle à la fac il allait falloir que je trouve des sous pour payer le loyer la bouffe et le reste. Ma mère n´avait plus un rond et elle était enceinte ce qui allait créer chez moi un tas de sentiments confus. De plus j´avais appris sa séropositivité VIH, ce qui m´inquiétait et me fâchait à la fois car il était trop tard pour avorter !
Je pense d´ailleurs que ces évènements allaient jouer eux aussi un rôle crucial dans ma toxicomanie. Je me suis mis à faire du biz pour assurer les dépenses de la vie, cela prenait des proportions énormes. L´argent coulait à flots mais je n´étais pas tranquille.
Ma mère a accouché d´un merveilleux petit garçon. Mais il est atteint. Et moi qui avait été enfant unique pendant tant d´années je vivais mal toute l´attention qu´elle lui portait. Je me détournais d´eux logiquement en me réfugiant dans mes consommations qui devenaient diverses et variées. A l´époque l´ecstasy prenait son essor, le
LSD revenait sur le marché et les raves party explosaient.
Mon petit commerce allait rapidement devenir une entreprise. Nous passions rapidement la vitesse supérieure ; de quatre kilos par mois on était passé à deux par semaine puis trois, un truc de fou pour des amateurs comme nous ! Mon associé ayant des soucis familiaux me demanda si Valérie, ma copine, et moi nous serions ok pour qu´il s´installe quelques temps dans notre canapé. Je ne pouvais pas lui refuser. C´était grâce à Didi que notre bizness avait pris une ampleur qu´on n´aurait jamais espérée.
Une grosse pénurie avait débuté et du coup, sans ventes possible, plus de rentrée d´argent. Notre pécule allait s´évaporer. Je consommais de l´héro de temps en temps au moins pour oublier mes angoisses, et j´allais dans peu de temps me rendre dépendant mais pour lors j´allais devoir trouver des solutions car on n´avait presque plus un rond.
LA JUSTICE
La mère de Valérie travaillant à la BNP, ma grand-mère me contactait pour savoir si elle pouvait lui faire le change pour ses devises autrichiennes afin de bénéficier d´un taux préférentiel. Je lui répondais que cela ne devrait pas poser de problèmes et qu´elle n´avait qu´à me confier cette somme pour effectuer l´opération. Nos affaires étant devenues un désastre je décidai de me servir de cet argent pour vivre et de zapper ma grand-mère ce qui je ne vous le cache pas à jeté un froid terrible sur nos relations. Cet argent représentait à peu près dix mille francs et j´en avis rapidement dépensé la moitié. N´ayant toujours pas de matos à vendre, je décidais que ma seule chance de m´en sortir était de partir en Hollande pour importer leur production.
Me voilà à la Gare du Nord prêt à embarquer dans le train en ayant pas vraiment préparé ce voyage mais en étant certain que c´est la solution. Le voyage est long mais je n´arrive pas à fermer l´œil. Je suis pressé d´arriver et de repartir le plus rapidement possible. Le train est à destination d´Amsterdam mais je descends dans la première ville hollandaise après la frontière belge car je m´imagine que je pourrai rentrer plus rapidement en France. J´arrive dans une petite ville et il ne me faut pas me longtemps pour trouver un
coffee shop. Rapidement on me présente les différents produits vendus et les tarifs. Je me fixe sur plusieurs matos, je paye et reprends mon chemin. Dans le train, rien n´allait se passer comme prévu. D´abord je me suis profondément endormi ! puis ce sont les douaniers qui m´ont réveillé autour d´une forte odeur de skunk car un sachet s´était ouvert dans ma poche. En plus, mauvaise surprise, c´était les mêmes douaniers qu´à l´aller. Ceux à qui j´avais dit que je partais pour un séjour touristique. Nous sommes donc descendus ensembles à Aulnoy et je me voyais déjà en prison. Une fois arrivé au quartier général , les agents ont fait les constatations pour ensuite me confier à d´autres enquêteurs qui ont recueilli ma déposition. « Déposition dans laquelle j´affirmais qu´au départ je voulais faire un séjour pour découvrir la Hollande, ses musées, son fromage et bien entendu ses
coffee shop car j´étais consommateur de
cannabis. Que, dès mon arrivée dans la ville, j´avais été accosté par un cycliste qui me ventait monts et merveilles et que, naïvement, je m´étais laissé embarquer pour aller acheter un peu de fume »
Ils semblaient amusés par mon histoire mais je ne savais pas du tout quoi penser. Ils me posaient des questions. Je continuais mes salades. Finalement, le substitut du procureur me permettra de rejoindre Paris un peu plus léger pour me laisser préparer mon bac en me disant que je reviendrais plus tard pour mon jugement.
Ces péripéties n´allaient pas me calmer pour autant, je me posais pendant quelques semaines et finalement je redéconnais. J´avais 19 ans.
J´avançais à grands pas vers les examens du bac. Valérie, elle, préparait ceux de l´école du Louvres et cela ne s´annonçait pas très bien pour nous. Nous sortions de plus en plus fréquemment et dans des soirées plutôt chaudes. Les raves party et autres free party où nous consommions de tas de nouveaux produits. Ils allaient d´ailleurs devenir une nouvelle source de revenus. Car ces drogues devenaient un incroyable phénomène de mode chez les jeunes. Comme prévu nous allions échouer tous deux à nos examens respectifs. Malgré ça je ne réalisais pas encore que j´allais tout droit vers des abimes insoupçonnés. J´allais recevoir dans peu de temps une convocation au tribunal. Mais je me croyais toujours invulnérable. Les gens que je fréquentais me trouvaient « génial », « drôle », « intelligent ». Ils me ciraient les pompes en permanence. Alors comment aurais-je pu, avec un égo tel que le mien à ce moment là , avoir la lucidité nécessaire pour voir ce qui me pendait au nez.
La convocation finit par arriver en me sommant d´être présent au tribunal quelques mois plus tard. Les journées défilaient à vitesse grand v et mon esprit était de plus en plus embué par ces nouvelles drogues, qui, je dois bien l´avouer, étaient redoutables car plutôt agréables. Mon procès allait me laisser en liberté aux vues de mon parcours mais je prendrais quelques mois de sursis et 5 ans de mise à l´épreuve. J´étais soulagé et mon entourage aussi. Encore une fois j´allais me calmer quelques temps. Mais le besoin de me défoncer et celui de l´argent allaient me rattraper.
Les
ecstas me donnaient l´impression d´être le plus cool du monde, les acides me permettaient de danser, rire… Parfois, je pouvais planer pendant des jours et des nuits entières ! Au bout de quelques temps mon corps et ma tête me signalaient qu´ils n´allaient pas le supporter très longtemps et pourtant. Cela allait durer de long mois pour finalement amener la police tout droit vers mes petits trafics. Cela fait plusieurs jours que j´attendais mon matos, ma
came ; plusieurs kilos de
shit donc du lourd ! Evidemment c´est ce jour là qu´ils voulaient frapper me donner un coup si fort que je ne pourrais pas me relever. Je pris conscience qu´on m´avait balancé et que c´était forcément quelqu´un de proche. Là on doit se bouger ! Je ne vous raconte pas les détails mais juste qu´une nouvelle fois je passe à travers les mailles du filet. Je consommais de plus en plus de produits différents ce qui me faisait disjoncter régulièrement et pour éviter les pétages de plombs on m´avait conseillé de prendre un peu d´héro pour les
descentes. J´étais pourtant prévenu des dangers de cette drogue là , j´avais déjà tellement souffert de la dépendance de ma mère, de ses sautes d´humeurs et de tous ce qui accompagne la toxicomanie.
J´allais devoir quitter mon logement car mon proprio n´en pouvait plus. Ce qui allait précipiter ma chute. Que fait-on dans ma situation quand on flippe ? Et bien on se défonce deux fois plus… Pour parvenir à oublier ses soucis, ses angoisses et ses peurs journalières. Les journées défilaient comme les secondes d´une minute et l´échéance approchait à grands pas, sans que je puisse réagir, trop absorbé par mes consommations. Le jour de l´expulsion sonna et les galères de logement commencèrent. Une
descente aux enfers se profilait. Il n´était plus questions de faire du biz chez les amis, les vrais, ceux qui nous ont hébergé pendant plusieurs mois.
Une nouvelle galerie venait d´ouvrir au Louvres alors Valérie me suggérait d´y aller car il y avait des restaurants et de nouveaux magasins qui recherchaient du personnel. Je m´y rendais plein d´appréhensions. Je n´avais jamais travaillé auparavant mais il me fallait décrocher un job à tout prix. Je me suis présenté dans différentes enseignes de restauration rapide, l´une d´entre elles me répondit positivement ce qui a été un véritable soulagement pour tous. Quelques jours plus tard, me voilà à apprendre à préparer un nombre faramineux de sandwichs en un temps record dans un costume tout à fait ridicule mais je faisais des efforts pour me socialiser. De plus j´avais un rendez-vous judiciaire important et il me fallait démontrer ma volonté de m´en sortir.
LES MEDECINS
Ma dépendance à l´héro rendait ces taches encore plus pénibles qu´elles devaient l´être en réalité mais je m´accrochais pour avoir mon certificat de travail. Je nécessitais des soins au plus vite. Ma toxicomanie devenait ingérable et je ne pouvais pas arriver à ce rendez-vous judiciaire dans un tel état. Je me rendais chez un médecin afin de trouver un substitut à , ma forte dépendance à l´héroïne et, comme de bien entendu, c´est par l´intermédiaire de ma mère que j´obtins une adresse.
Ce médecin était complètement fou ; il parlait très fort, on pouvait entendre ce qu´il disait à ses patients ce qui m´angoissait énormément car n´oublions pas que ma mère m´envoyait et qu´après tout je n´étais qu´un novice de la toxicomanie. Je ne savais pas encore que sa clientèle était constituée essentiellement de toxicos récidivistes et qu´il ne fallait pas que je m´inquiète mais plutôt que je me détende. Il m´expliquait qu´il allait me donner des comprimés qui s´appelaient du Temgesic et qu´il me suffirait d´en mettre un certain nombre, sous ma langue, selon mon taux de consommation. On étudiait mon cas afin qu´il soit en mesure de suggérer un dosage qui devrait me convenir pour que je ne ressente plus le manque et que je sois à nouveau capable de reprendre une vie normale. Je me dirigeais ensuite vers une pharmacie avec laquelle il travaillait.
Je patientais péniblement moi aussi tout en me m´interrogeant à savoir si j´aurais assez pour payer car, bien entendu, je ne connaissais pas la sécu. On y est c´est mon tour, je donne mon ordonnance à cette femme très gentille, d´origine asiatique, à laquelle je dis que n´étais pas à la sécurité sociale et que je ne pourrai pas acheter la totalité de mon traitement aujourd´hui. Elle s´occupait de moi avec beaucoup d´attention, me donnait des conseils afin de rétablir mes droits au plus vite ce qui aurait dû être fait par mon médecin. Je sortais de là rassuré par cette pharmacienne et muni d´une partie de mon traitement qui pouvait me permettre de décrocher, ce qui était plutôt un soulagement. Je vécus les premiers temps de
substitutions comme quelque chose de magique car je ne souffrais plus du manque et mes consommations étaient devenues quasiment nulles pendant plusieurs mois.
Malheureusement les envies de consommer reviennent au galop lorsqu´on rencontre à nouveau de grosses tuiles. La mienne a été de rompre avec ma copine alors que j´étais abstinent depuis 9 mois. Mais cette rupture m´a cassé.
Comme mes consos repartaient de plus belles et que je faisais un tas de conneries vol, etc… Pour acheter ma dope je décidais de retourner voir mon toubib sans une tune en espérant qu´il serait indulgent devant ma démarche de soin. Tout se passa bien mais comme j´avais commencé à me shooter je faisais de même avec mon traitement et peu à peu mes bras portaient des marques aisément identifiables.
Mon médecin me recevait tous les vingt huit jours, je lui confessais que j´étais à nouveau impuissant face au produit et que maintenant je me shootais à chacune de mes prises. Il me questionnait sur les raisons de cette évolution vers l´injection, je lui expliquais que ça me permettait de consommer moins de poudre n´ayant plus assez de tunes. Il savait très bien de quoi je parlais, il me conseillait de prendre des précautions par rapport aux maladies et de n´utiliser les seringues qu´une seule fois pour préserver mes veines au maximum. Après il me dit qu´il changeait mes médicaments, qu´il y avait la même molécule à l´intérieur mais que le dosage était plus élevé ce qui m´aiderait sans doute ; c´était le
Subutex.
J´espérais qu´il disait vrai parce que j´en avais marre de cette merde d´héro qui me pourrissait la vie, qui me coupait la libido et qui m´éloignait peu à peu de ma copine du moment. Pendant un temps, j´ai réussi à me contenter de ce nouveau produit mais cela n´a pas duré, il m´était impossible de combattre ce démon, je retournais inlassablement chez mon dealer. Je ne faisais plus que me shooter l´héro les traitements de sub et je faisais abcès sur abcès ce qui est, pour ceux qui connaissent, plutôt douloureux !!
En plus je n´avais plus d´amis je m´étais coupé de ma famille donc je dormais à droite à gauche jusqu´au jour où on m´a proposé un foyer pour les jeunes de moins de 25 ans, ce qui était mon cas. J´y restais un temps mais je préférais ce que je croyais être alors ma liberté. Maintenant, avec du recul, je pense que c´était plutôt ma prison.
Devant le manque d´argent je me décidais à vendre des journaux type « Macadam » dans le métro. Je connaissais le système car j´avais fait la manche à plusieurs reprises dans le trom. Ces combines me permettront de rentrer beaucoup d´argent, ce qui je ne vous le cacherais pas ne m´a pas vraiment aidé à diminuer mes consos.
Ma mère et mon frère séropositifs allaient réapparaître dans ma vie. Ils me manquaient beaucoup et donc je reprenais contact avec eux. Ils vivaient dans un minuscule studio l´un sur l´autre ce qui ne me rassurait pas car j´imaginais mon petit frère grandir dans ces conditions.
MEDECINS DU MONDE : UNE RENAISSANCE MOMENTANEE
J´étais plutôt soucieux de mon matériel d´injection, j´avais déjà perdu ma tante à cause du sida, mon oncle et ma mère étaient eux aussi atteints et tous le devaient à leur toxicomanie. Un programme d´échange de seringues m´a permis de rencontrer un homme qui, au fil de nos rencontres, m´a fait comprendre qu´il existait d´autres traitements que le sub. Nos discussions dans ce bus MDM ont fini par m´ouvrir de nouveaux horizons et un jour que je n´en pouvais plus, comme par miracle, je l´ai croisé dans ma rame de métro. Il m´a donné un rendez-vous le lundi suivant pour voir l´équipe soignante qui a pris une décision quant à ma prise en charge ou non dans ce CSST. Il faut savoir que la
méthadone à l´époque était plutôt destinée aux patients en fin de parcours ; ceux qui avaient une vie active. Ce n´était pas vraiment pour les jeunes de 26 ans comme moi. Le lundi je me suis rendu comme convenu au centre et là j´ai rencontré une équipe qui s´est vite révélée formidable. Ils m´ont accepté dès le lendemain car ils comprenaient que je mettais ma vie en danger et qu´il fallait que je soigne aussi mes abcès……
La
méthadone m´a soulagé immédiatement. Pour la première fois je ne ressentais plus l´envie d´héro. De plus, dans ce centre je trouvais une véritable écoute ; il y avait des toubibs, des psy, des assistants sociaux, des accueillants, des infirmières et tous paraissaient passionnés par leur travail. Pour moi c´était nouveau, on s´intéressait à moi, on me respectait comme une personne à part entière qui avait la capacité de réfléchir, de penser et qui potentiellement pouvait s´en sortir.
Les premiers temps je m´y rendais tous les jours ; les accueillants prenaient de mes nouvelles dès mon entrée et m´indiquaient selon mes rendez-vous la marche à suivre. J´avais trouvé ma seconde famille et le travail que j´allais accomplir avec eux me permettrait de rester abstinent de produits illicites (sauf un peu de fume) pendant presque une année. Je ne faisais presque plus la manche car MDM m´aidait aussi financièrement, parfois me payait l´hôtel, m´aidait dans mes démarches, me permettait d´obtenir une carte d´identité et le RMI pour la première fois. Je voyais un psy une fois par semaine et je pouvais enfin parler de mes angoisses, de la maladie de mes proches.
LA COCAàNE
Malheureusement, au hasard des rencontres du centre, je comprenais que de nombreux patients consommaient de la
coke ce qui m´interpellait car je n´en voyais pas l´intérêt. Plus tard je comprendrais en discutant avec eux qu´en se shootant la
coke on avait un flash délirant et que c´était dément. L´envie de nouvelles sensations fortes se faisait ressentir alors je n´avais plus qu´une idée en tête : essayer. Quand j´ai croisé le patient qui avait les plans je lui ai demandé aussitôt si je pouvais pécho avec lui ce qui ne posa aucun problème. J´étais embarqué dans une nouvelle défonce qui me plaisait drôlement et qui allait me remettre dans la galère : celle du parcours du tox. Je me remettais alors à faire la manche car, vous le savez surement, la
coke coute très cher.
Mes veines étaient déjà très sollicitées par mes consos passées et j´allais devoir m´arrêter vite mais je n´en avais pas envie. Alors très gentiment un pote m´a dit qu´il existait le
crack qui se fumait. Je lui disais qu´il était malade, que c´était le pire du pire et que jamais je ne toucherais à cette merde. Il m´expliquait alors que ce n´était que de la
coke purifiée et qu´il n´y avait pas plus de danger à fumer qu´à se shooter la
coke. Je suis resté sur mes positions pendant quelque temps. Mais un jour, n´ayant plus du tout de veines, je suis allé en acheter.
Je n´étais plus dans le soin, je prenais toujours ma
méthadone mais je fuyais le centre de peur de décevoir. C´était stupide de ma part car eux seuls pouvaient m´aider.
Il aura fallu une catastrophe : la mort de ma copine dans des circonstances tragiques pour que je retrouve le chemin du soin. Nous vivions ensembles à l´hôtel et suite à une grosse orgie de
coke et de
crack qui aura duré deux jours et deux nuits nous nous coucherons et je la retrouverai morte à mes côtés dans le lit. Après de nombreuses heures avec la police ils me laisseront me rendre au centre qui me fera immédiatement hospitaliser pour une cure de sommeil tant le choc avait été violent.
Après ce séjour, la culpabilité me rongeait et ma seule envie était de me défoncer pour oublier et probablement de me diriger moi aussi vers la mort. A ma sortie de l´hôpital, je partais quelque temps chez ma mère avec mon petit frère dans leur tout petit appartement et très vite mes consos de
crack se remarquaient. Ma mère commença à me questionner sur cette drogue pour finir par en prendre avec moi pendant des mois, comme elle n´avait pas une tune c´est moi qui assurait pour le matos. Elle me piquait de la métha pour ses
descentes ce qui ne tarderait pas à nous fâcher et finirait par m´obliger à me trouver un endroit pour dormir.
Je faisais toujours la manche et même si j´arrivais à prendre 150 euros par jour, la totalité de ces sommes partaient dans le
crack. Je dormais alors entre deux étages d´un immeuble de bureau et cela allait durer de long mois. C´est intéressant de pouvoir se rendre compte que lorsqu´on est perdu dans le produit, on est capable de se contenter d´un rien… d´un sol en béton, d´une baguette de pain et même des « Decaux », alors que dans mon cas, avec l´argent de ma manche, j´aurais pu me payer l´hôtel et manger sans trop me priver de mon
crack ! mais l´envie pressante de consommer ne me le permettait pas.
UNE NOUVELLE RENCONTRE
Nous sommes au mois de novembre 2003. Tout va mal. Pensant avoir besoin de plus de cadre dans ma prise en charge, en accord avec mon médecin le docteur Touati, je suis adressé dans un nouveau centre à Fernand Widal.
Comme ma vie ne tourne qu´autour du
crack, tout s´en ressent. Plus de RMI, perte de ma carte d´identité, aucune couverture sociale, une hépatite C et des séjours à l´hôpital à cause d´infections pulmonaires négligées. Je n´ose même pas vous parler de mes dents !!! Ils sont contents à Widal ! Je dors toujours dehors et en novembre ce n´est pas top. Je traine souvent avec mon pote fifi, c´est « Monsieur coco ». Nous voguons ensemble dans les rames de métro, lui vendant ses bâtons d´encens et moi faisant la manche en attendrissant les voyageurs. On consomme chaque jour pour à peu près 200 euros de
coke mais l´avantage avec fifi, c´est qu´on se paye souvent une chambre d´hôtel.
Souvent dans la rue, avec fifi, nous croisons son médecin. Je tousse, je suis fébrile, amaigri,… la grande forme. Elle me trouve « fatigué » et me donne un numéro de portable en m´invitant chaque fois à venir me soigner… ce que je ne fais pas.
Au cours d´une nuit tourmentée, après avoir pris beaucoup de produits (crack, benzos, métha), je me sens désespéré et anxieux. Je veux en finir. Je décide de lui téléphoner. Mais il est une heure du matin. Elle me répond, entend mon désarroi et me propose de venir tout de suite chez elle. J´arrive quelques heures plus tard ! je peux enfin me reposer. Le lendemain matin (2 heures plus tard), elle doit partir au travail et me laisse me reposer dans son appartement avec sa famille. Par la suite je sais que leur porte me sera toujours ouverte.
C´est le début de notre histoire.
LA RECONSTRUCTION
Tout a été vite. Maintenant il nous faut apprendre à vivre ensemble. Elle, ses enfants, moi et mes produits. J´aime cette vie de famille. J´en rêvais. Pourtant je me rends compte que tout n´est pas compatible. Je dois impérativement cesser mes consommations de
crack et j´en prends la décision. Mais ce n´est pas facile. Le produit est toujours présent dans mon esprit. Tous les jours, je dois lutter contre mes pulsions. Au début, je faiblis souvent. Ensuite, mes consommations s´espacent. Je me sens aimé, non jugé, compris. Je trouve plus de force pour résister aux besoins de consommer. J´ai envie d´être lucide afin de partager vraiment. Ses enfants me donnent leur confiance et leur amour. Cela me permet de croire enfin en moi. Je refais des projets.
Aujourd´hui, je me sens fort et loin des produits. Je n´en ai plus besoin. Il me suffit de regarder le passé mais aussi le présent que je me suis construit pour réaliser l´importance que les drogues ont eu dans ma vie.
Je dois encore approfondir la reconstruction car c'est une partie interessante je pense.