Je suis tombée un peu par hasard sur ce reportage sur la vie en cité en 1981.
https://youtu.be/kOXaEjwtSkM)Le reportage commence avec la colère d’habitants de la cité, les plus âgés, excédés par la montée de la délinquance. Au fur et à mesure le reportage parle d’exclusion, de petite délinquance, de la difficulté à trouver du travail, des problèmes identitaires et du racisme.
À partir de la 35ème minute le sujet de la drogue est abordé (après une parenthèse sur le
shit un peu plus tôt dans le témoignage d’un certain Michel, 16ans). Un contrôle de police entre Paris et la banlieue à la recherche de stupéfiants, pour, d’après la police « tenter de stopper le passage de la drogue entre Paris et la banlieue ». Discours moralisateur d’un policier face à un jeune homme qui s’est fait pincer avec du stup dans sa voiture...
Puis on voit une jeune femme en GAV parler de sa consommation de
brown sugar (600fr le gramme à l’époque
).
Le plan suivant, un jeune témoigne des changements qu’il a constaté avec l’arrivée des drogues. Pour lui elle a isolé les UD, les jeunes se retrouvaient avant tous ensembles, mais que désormais quand ils se shootent ils n’ont plus envie de parler car « ils sont bien dans leur peau (sic!), il est autre part ».
Ensuite une éducatrice témoigne des problèmes de drogues qu’elle constate auprès de la majorité des jeunes qu’elle reçoit, à partir de 12-13ans (elle cite
LSD,
héroïne et
cocaïne, tout excluant les « drogues douces » de ses propos « c’est pas assez nocif »), elle dit que beaucoup se retrouvent en prison car ils commettent des délits (vols) pour financer leur consommation.
« La majorité des jeunes de 13-14-15ans qui vont en prison c’est à cause de ça, c’est parce qu’ils piquent pour avoir un gramme d’héroïne, quelques francs »
Le journaliste lui demande :
« Avec la prison c’est l’engrenage ensuite, c’est à dire qu’ils ne trouvent pas de travail non plus, est-ce que la prison est une réponse à leurs problèmes?»
et là l’éducatrice répond :
« Pour nous c’en n’est sûrement pas une »
(c’est CETTE phrase qui a retenu mon attention, j’ai tout de suite pensé à vous...)
Avant de poursuivre « mais eux ils s’en foutent, parce que c’est des jeunes qui sont arrivés à un moment où ils sont complètement indifférents de tout ce qui les entoure. Ils n’ont même plus de sentiments. »
Elle parle d’une loi passée qui permet d’envoyer des jeunes de -16ans en prison pour une durée de moins de 10jours, avec des jeunes qui allaient en prison d’une semaine sur l’autre et qui s’en foutaient. (43% d’augmentation d’incarcération des mineurs l’année précédent le tournage...) « Ils n’ont plus de sentiments ».
À 42min, Saïd, un « grand frère » témoigne de l’inefficacité de la prison, les récidives et les peines de plus en plus longues. « La première fois on te met 2-3mois. La 2ème fois c’est 6mois. Si tu reviens pour la 3ème fois, là ils t’alignent. « Tu veux pas comprendre? Eh bah nous on va te faire comprendre », et ils croient que les gens comprennent. Mais en fait le jeune délinquant, il comprend rien. Tant qu’on est à l’intérieur ils sont maîtres de nous. Mais une fois qu’on est à l’extérieur ils ne sont plus maîtres, ils ne peuvent pas voir ce qu’on va faire. »
Vers 45min, un homme témoigne de la peur que provoque chez les gens ces petits larcins incessants, dans les caves, les vols à la tire ou les cambriolages (au début de la vidéo est aussi évoqué un épisode où des coups de feu auraient été tirés sur des cambrioleurs par un habitant). Des habitants excédés s’arment de matraques taillées dans d’énormes câbles d’acier (distribuées aux voisins qui le demandent...) et l’homme interrogé craint un dérapage... « un gars qui a peur peut faire beaucoup de bêtises et il en fera sûrement un jour ou l’autre ».
Plus loin dans la vidéo (vers 48min), un juge pour enfants parle de cette « montée de la violence, qu’on a fabriquée », et espère que la société ne se « crispera » pas autour de cette peur, car ce serait une spirale entraînant toujours plus d’exclusion, donc de délinquance, de peur de celle-ci, de violence en réaction etc. « On ne s’en sortira pas. C’est très important de briser ce cycle, si on ne le brise pas je ne sais pas où on ira. C’est sans fin, car plus on va exclure plus on aura de violences »
J’ai trouvé intéressant le point de vue de l’époque. Leurs craintes se sont malheureusement confirmées...