Voici le récit de ma première expérience sous
LSD, une expérience qui a changé ma vie à jamais et qui fut à deux doigts de se finir de la manière la plus tragique qui soit. Du haut de mes 26 printemps c'est incontestablement l'expérience la plus forte sous tous les angles qu'il m'ait été donné de vivre. La plus belle et en même temps la plus terrible.
Cette expérience est aussi un condensé de tout ce qu'il ne faut pas faire niveau
RDR. J'espère qu'elle pourra en aider certains.
Concernant le contexte j'ai 26 ans donc, je vis seul en périphérie de métropole. Bien qu'ayant des amis et des parents aimants, j'ai toujours eu tendance à me renfermer sur moi-même et à toujours tout garder pour moi. Je n'arrivais jamais à ouvrir mon cœur à qui que ce soit. Or, et il faut être honnête, j'avais le cœur lourd. Lourd car je n'arrivais pas à discerner le bien dans ce monde que je voyais derrière un filtre obscurcissant.
Depuis mon enfance, j'avais une forte propension à fuir le réel. Les seuls moments où je me sentais bien étaient au plus profond de mes rêves. Chaque réveil était une douleur. En grandissant, cette peur symptomatique du réel s'est aggravée et je cherchais inconsciemment à le fuir en me réfugiant dans les écrans. Je procrastinais le réel au point que ça en devenait maladif.
Je mentais aussi à mon entourage en leur faisant croire que je pratiquais des activités alors que je n'arrivais à avancer sur rien.
C'est dans ce contexte particulièrement torturé que j'ai fait, il faut bien le reconnaître, l'erreur d'essayer le
LSD pour la première fois.
Concernant mes expériences passées j'avais plusieurs fait l'expérience en solitaire de molécules psychoactives et psychédéliques comme le
DXM, les champignons, les
truffes, la
MDMA et le
tramadol. Souvent à des doses importantes en une prise.
Un ami m'avait demandé de lui trouver de la
MDMA et j'en avais profité pour acheter du
LSD en même temps, cette molécule m'attirant depuis que je suis rentré dans le monde des psychédéliques.
Un jour, j'ouvre ma boîte aux lettres et je vois que les
buvards que j'avais commandés étaient arrivés, dosés à 220μg par
buvard selon le vendeur.
Ayant toujours eu des bonnes expériences par le passé avec les psychédéliques, je ne peux résister après quelques heures de tergiversation à l'envie de gober la moitié d'un
buvard, seul dans mon appartement. Il était minuit et demi.
La montée est très lente et douce. Je me sens bien, cotonneux. Au bout d'une heure et demi le premier
buvard est bien monté, sur mon écran la méduse que j'ai en fond d'écran (cherchez fond d'écran Ubuntu sur Google) se met à onduler et à nager sous mes yeux ébahis. J'ai la conscience encore parfaitement lucide mais je peine à croire que la provocation de tels effets soit possible.
Je décide de dropper la deuxième moitié. Grosse erreur.
La première moitié n'avait pas du tout fini de monter. Je regarde des vidéos en vision croisée. Je ne vais pas m'étendre sur cette technique, mais cela consiste en deux images côte à côte que l'on regarde en "louchant" (vision croisée) ou en divergeant les yeux (vision parallèle) ce qui permet de fusionner les 2 images et créer une illusion de relief (3D) et une netteté fortement accrue.
Si vous voulez en savoir plus :
https://lanfranchi-hologrammes.com/visioncroisee.phpLa vidéo que je regardais en vision croisée :
L'expérience est pour le moment fantastique mais les choses continuent d'évoluer. Je me lève et je commence à avoir tous mes sens qui se mélangent. Les lignes de mon carrelage deviennent brillantes et flashent devant mes yeux comme des éclairs. Je suis dans tous mes états, je crois avoir trouvé la molécule des dieux. Je suis à genoux, à pleurer de joie de reconnaissance et d'humilité.
Ce qui me marque c'est que je me dis que tous les grands de ce monde en ont forcément pris, il ne peut en être autrement.
À partir de ce moment-là, je commence à perdre le sens de la réalité telle que nous l'expérimentons dans la vie de tous les jours. Je comprends que la réalité n'est qu'une question de perspective et si nous la percevons telle que nous la percevons quand nous sommes sobres c'est uniquement parce que notre cerveau nous la transmet de manière à ce que nous la trouvions stable et que nous puissions interagir avec elle.
Les visuels sont très puissants mais je les perçois uniquement comme un effet secondaire de la nouvelle compréhension du monde que j'ai.
Je ne cesse de toucher tout ce qui m'entoure en me répétant sans cesse "mais c'est réel ? C'est réel ? Ça ne peut pas être réel". Les objets, les murs, tous ce que je vois pourtant tous les jours prennent tous une perspective différente et cela remet en totalement en question la perception du réel que j’ai en temps normal. J'accepte la réalité que nous vivons au quotidien mais en en ayant une complètement nouvelle présentée à moi, je me convaincs que celle de tous les jours n'en est qu'une parmi d'autres et qu'elle n'est pas forcément la bonne.
Alors que cette expérience mystique est pour le moins fort déroutante je suis loin de me douter que je ne suis qu'au début de mes surprises.
Je sens que mon identité, mon moi conscient commence à se dissoudre. Mais plus que ça c’est mon moi rationnel qui commence à se dissoudre. Cette rationalité qui fait que vous soyez conscient et que votre comportement est somme toute logique, rationnel. Que vous n’insultiez pas des inconnus, que vous sachiez que vos chaussures vont à vos pieds. Tout ce que vous avez appris avec votre cerveau d’humain en grandissant et qui fait que vous agissiez normalement.
C’est cette conscience que je sens glisser et je commence à ressortir une peur profonde. Je sens en effet que le passé, le présent et l’avenir n’ont plus de signification profonde pour moi. Ils ne sont plus que des éléments qui se mélangent dans mon esprit sans réalité tangible.
A ce moment je prends une feuille de papier et j’écris en gros « ne pas nuire à moi-même, ne pas nuire à autrui ». N’étant plus doué de rationalité j’ai peur de prendre des décisions qui pourraient être dévastatrices.
Je nage en plein délire et je commence à totalement paniquer. J’essaie de respirer profondément, de me calmer, mais c’est peine perdue.
Je ne veux pas non plus sortir car j’ai bien trop peur de me retrouver au milieu dans une situation dangereuse, comme sur des rails ou autre, ou de faire du mal à quelqu’un. Je précise qu’en temps normal je suis quelqu’un de très calme et que je n’ai jamais agressé ni frappé quelqu’un mais à ce moment-là cette idée m’effraie énormément.
Vers 6h du matin je me résous à appeler les pompiers, je suis en panique totale et j’ai beaucoup trop peur de perdre la vie sans même m’en rendre compte.
Vient alors ce moment où je dois dire aux pompiers où j’habite et qui je m’appelle. J’en suis incapable pendant un long moment. Finalement j’y arrive mais je suis face au désarroi de mes interlocuteurs. Je m’attendais à ce qu’ils tentent de me rassurer, de me calmer mais il n’en est rien. Ils se contentent de me demander des banalités et me baladent de service en service pendant 20 minutes.
Ils ne saisissent pas que je suis alors en crise totale et que je suis –et je pèse mes mots- en danger de mort.
Pendant l’attente interminable (imaginez la petite musique d’attente alors que vous êtes déjà en passe de friser la folie), j’essaie de m’habiller, pensant que les pompiers viendront me chercher pour m’hospitaliser, mais imaginez essayer de vous habiller alors que vous êtes incapables de comprendre qu’un pantalon se met aux jambes et des chaussures au pied.
En plus je n’arrive pas à choisir un pantalon, ce qui me fait paniquer encore plus car j’avais peur d’être à moitié nu où dans un accoutrement complétement loufoque à l’arrivée des pompiers.
Sauf qu’au bout de 20 minutes… rien. Je ne me souviens plus exactement mais on me fait comprendre que j’allais devoir me débrouiller seul et que personne ne viendrait m’aider (ils ont été vraiment nul pour le coup).
Et la folie s’intensifie, je décide d’aller me coucher mais c’est bien évidemment impossible de dormir. A ce moment-là je perds totalement le contact. Je ne sais plus si je veux lire, regarder une vidéo, mettre un réveil. Tout se mélange brutalement, mes peurs, mes désirs, mes aspirations, toutes les activités sur lesquelles je procrastine en temps normal et tout m’explose littéralement à la figure.
Je me vois sombrer dans la folie. J’ai cette image d’une aiguille dans une horloge puis d’un fou dans un asile psychiatrique. Sauf que ce fou, c’est moi, l’air hagard, le regard vide, des perfusions dans le bras pour le calmer, ne répondant qu’à des stimulis primaires, faisant peur aux gens normaux, incapable de parler.
En fait j’ai peur d’avoir perdu toute normalité et de finir fou en asile psychiatrique. Et plus j’essaie de me rattraper dans la normalité plus je plonge dans la folie. C’est une expérience horrible, un véritable choc psychotique que je ne souhaite à personne.
Au bout d’un temps indéterminé à complétement badtripper je me résous à aller dehors. Encore une fois j’ai peur de ne plus être normal. Il est 7 heures du matin et je vois des gens sortir aller travailler, suivre leur routine. Moi je suis en train de marcher dehors et je suis tout sauf normal. Je me dis que je fais peur à voir aux gens normaux, complétement défoncé alors que les gens normaux viennent de se lever et vont travailler.
Cela amplifie le décalage que je ressens dans la perte de mes repères.
Finalement j’arrive à marcher le long du canal et les effets se dissipent lentement. Mais désormais il y a un autre problème. Cette expérience a marqué mon esprit au fer rouge, comme si je revenais de la guerre en ayant vu mes camarades mutilés tomber sous mes yeux.
Je ressens une angoisse très profonde, au plus profond de mon être. J’ai la gorge nouée et j’ai un stress énorme.
Le reste de cette journée sera composé de hauts et de bas émotionnels. Je ressens une profonde mélancolie. Non pas une tristesse mais une mélancolie. Comme si j’appréhendais désormais une réalité nouvelle, sous un nouveau jour.
Une réalité que je trouvais à la fois magnifique mais aussi extrêmement triste, car cette nuit-là j’avais d’un seul coup perdu toutes les illusions qui faisaient de moi ce que j’étais. Toutes mes addictions, mes relations, mes désirs, mes envies, mes peurs, tout avait été remis à plat et ce de la plus brutale des manières. J’insiste sur ce point car c’est vraiment l’élément central de mon expérience. Ma vie entière avait été remise en plat d’un seul coup. Il y avait eu un reset total sur lequel je devais me reconstruire.
J’ai compris beaucoup de choses. Premièrement que ma solitude me pesait, mais aussi que je ne pouvais continuer à fuir la réalité de la sorte.
Au cours de cette expérience, j’avais perdu la notion de la réalité et elle était revenue sous un nouveau jour, un jour plus réel, plus pur. C’était comme si pour la première fois de ma vie mon esprit (mon inconscient) avait arrêté d’avoir de l’emprise sur mon conscient et que j’étais libre de choisir. Pour la première fois j’étais face à mes choix, seul, comme un adulte.
Un adulte que j’avais jusque-là placardé et que je m’évertuais à fuir en procrastinant et en fuyant le réel.
Je suis allé dans un parc, manger au soleil, voir un ami qui travaille dans une boucherie en essayant de ne pas l’effrayer, et l’après-midi j’avais un entretien au téléphone en anglais (je vous dis pas la difficulté).
Je vous parlais de cette angoisse que je ressentais au plus profond de mon être, et toute la journée elle était présente. J’ai pleuré plusieurs fois au cours de la journée. J’avais peur d’avoir d’une certaine manière grillé mon cerveau et que cette expérience me suive comme un démon jusqu’à la fin de mes jours, ou du moins qu’il faille des mois pour faire disparaître cette angoisse.
A la fin de la journée j’arrive à avoir un rdv avec un médecin pour qu’il me prescrive quelque chose pour dormir le soir. J’étais tellement angoissé que je savais que ce serait impossible de trouver le sommeil.
Dernier coup de théâtre, en rentrant chez moi j’avais posé sur le panier à vélo une poche avec de la viande et mes médicaments. Je vous le donne en mille, je remets le vélo (vélo de ville) et j’oublie la poche. Je m’en rends compte au bout de 50 mètres, je cours à pleins poumons pour récupérer ma poche mais dans ce laps de temps d’une ou deux minutes elle avait déjà disparu…
J’étais dans tous mes états à ce moment-là. J’essaie de rationnaliser en me disant que ce n’est pas grave mais c’est très difficile car je m’accrochais à ces médicaments pour calmer mon angoisse.
Le soir, je me dis qu’il faut absolument que j’aille dormir autre part que dans mon lit, car j’étais littéralement traumatisé par ce qu’il s’y était passé la nuit passée.
Par chance j’ai mon sac de couchage, je prépare mon paquetage et je vais dans un espace vert, à une bonne demi-heure de vélo de là où j’habite. Je mange et finalement j’arrive à trouver le sommeil au pied d’un chêne, non sans difficulté.
Le lendemain, je me réveille sous un grand ciel bleu, et surprise, l’angoisse avait disparue. A ce moment-là j’avais la sensation d’être rené. Comme si je sortais d’une longue léthargie dont j’émergeais pour la première fois.
Je voyais la vie sous un nouveau jour, toujours dans la continuité de hier mais sans l’angoisse.
C’était là ma renaissance, une forme de catharsis.
Voilà maintenant ça fait une semaine et depuis ma vie a changé, du moins je l’ai faite changer, pour le bon je l’espère. Je me suis rapproché de ce qui comptait vraiment, mes amis, mes proches et mes rêves.
Le pouvoir de l’esprit étant très fort et, je pense, ayant des problèmes psychiatriques non diagnostiqués, je suis un peu revenu dans mes travers, mais je suis beaucoup plus serein et je vais beaucoup mieux que j’allais avant mon expérience.
J’ai compris l’importance de certaines choses. Ce filtre obscurcissant par lequel je voyais la vie avant mon expérience s’est éclairci et je vois désormais les choses sous un angle bien plus positif. Une grosse leçon de cette expérience fut aussi que peu importe ce qu’il se passe dans nos vies, la manière dont nous appréhendons les choses est uniquement une question de point de vue, de perspective.
Si notre point de vue est triste, il pourra nous arriver les meilleures choses que nous resterons tristes et vice-versa.
Voilà, merci de m’avoir lu.
Dernière modification par SevenLow (11 avril 2024 à 18:19)