Bonsoir à toute la communauté,
A ceux qui ont déjà suivi mon parcours par le passé et également à ceux qui me lisent pour la première fois
Voilà bien un an que je n'ai pas fréquenté le forum, ce qui correspond à la période où j'ai débuté mon second
sevrage de
méthadone. C'était le 17 septembre 2015, j'avais été induite sous
méthadone le 22 septembre 2011, avec interruption
TSO environ trois mois fin 2012.
Même si je ne ressens plus le besoin de communiquer à ce sujet à titre personnel au quotidien, j'ai reçu quelques messages privés sur ce forum et lu ce soir des témoignages de personnes en cours/fin de
sevrage. Il m'a donc semblé pertinent de venir témoigner à nouveau pour témoigner d'une évolution, stable et positive. Je le ferais en plusieurs posts, sur plusieurs jours, ce qui me permet de ne pas bâcler, prendre le temps et de vous rendre la lecture plus agréable, suivre la progression et également échanger avec vous au fur et à mesure si vous le souhaitez.
Je ne prétends pas donner de méthode pour la simple et bonne raison qu'il n'y a pas de solution miracle, seulement certains choix qui limitent les risques sur la forme, pour le reste, le fond, cela ne tient qu'à nous, pas à notre volonté mais bien plus à
notre perception.
La route est longue, perçue comme compliquée mais si nous repensons à ce qui motive chacune de nos décisions de nous sevrer, c'est bien le terme « perçue » qu'il faut employer, car bien qu'il faille se faire violence, ce chemin en vaut amplement, largement la peine une fois que nous nous sommes éloignés d'un paysage qui nous attristait.
Il m'est aussi important de livrer ce témoignage car quelques soient les raisons, les difficultés, l'apparente gravité ou non d'une conduite addictive (rapport au produit, dosage), ne nous renvoyons pas la balle, nous sommes, ou nous avons tous été, à mon sens j'entends bien, dans le même bateau et nous avons tous les yeux rivés vers le même soleil ; celui d'accéder à une vie plus confortable sur le plan de l'équilibre. Confrontés aux mêmes craintes, aux mêmes problématiques, aux mêmes désirs, aux mêmes difficultés, sous des formes différentes mais le fond demeure le même.
Je ne reprendrais pas dans ce post les détails des dosages, symptômes, durées, tout est très relatif et propre à chacun, et ce sont des détails qui, dans le plus gros de ce travail sur soi, n'ont eu que peu d'importance à mes yeux. Je reprendrais uniquement les grandes lignes ; les problématiques et ma perception de ma situation. Mais si vous avez des questions sans réponses, n'hésitez pas je prendrais le temps d'y répondre.
A l'heure où je vous écris, en cette rentrée 2016 bien entamée, je me porte bien. J'ai repris mes études après six ans d'interruption, j'ai également travaillé tout l'été (ce que je n'avais jamais réellement fait).
Il n'y a plus de déprime, plus de sautes d'humeur, pas d'ennui, plus de nostalgie, plus de sentiment d'infériorité ou de supériorité, pas réellement de sentiment de différence. La différence me paraît aujourd'hui un terme très relatif, de manière générale nombreux sont ceux qui ont également une échelle de difficultés importantes à leurs yeux ou un parcours chaotique passé mais extrêmement bien dissimulé, des individus qui forment une masse, avec pour chacun un parcours spécifique mais des sentiments qui se rejoignent, des sentiments humains.
Tout ce dont j'aspirais à me libérer tout en pensant ne jamais y parvenir, j'ai réussi à y accéder (avec de la patience, des efforts et de l'autodiscipline bien que ce fut souvent compliqué). Depuis cinq mois, je suis sereine, posée, dynamique et déterminée à continuer à avancer dans ma vie, que j'ai stabilisée et )eu à peu et grande partie reconstruite pour ce qui des éléments qui me préoccupaient. Il y a de la satisfaction personnelle, même ça reste dans ma sphère intime je n'ai pas besoin de l'exprimer autour de moi puisque la majorité de mes nouvelles connaissances ne perçoivent rien de cette période de ma vie, qui dans mon cas, porte plus sur la dignité et l'honneur à titre strictement personnel.
On peut considérer que peu de temps avant que je rencontre une problématique addictive avec le
crack, puis l'
héroïne, j'avais beaucoup de choses, sur de nombreux plans, pour exploiter un potentiel de projets pour l'avenir.
Ma perception à cette période me laissait croire l'inverse, mais de manière rationnelle, les
bases autour de moi étaient là , faute d'être complètement ancrées en moi.
J'ai perdu beaucoup, bien plus que ce je possédais déjà . Mais au final j'ai gagné énormément ces derniers mois, donc la balance s'est équilibrée dans mon esprit.
C'est l'estime, l'image que je portais sur moi-même qui avait été le plus touchée, c'est donc ce qui a déclenché chez moi la nécessité de relever ce qui s'apparentait, il y a un an, à un défi : me retrouver.
Retrouver les rêves de la petite fille que j'étais pour devenir la femme que je voulais être.
Aujourd'hui je suis satisfaite mais je reviens peu, même quand je suis seule, sur cette période de mon existence. Il ne définit plus strictement la personne que je suis aujourd'hui et alors que je pensais ne jamais m'en défaire, même au titre de la personnalité, il me semble aujourd'hui être une parenthèse dans ma vie. Parenthèse que, comme d'autres parenthèses, il m'arrive aujourd'hui d'oublier spontanément et complètement, ce qui n'était pas le cas il y a encore six mois.
Il n'y a pas de fierté, pas d'euphorie, je trouve à mes yeux que c'est un parcours où l'on se fait certes nécessairement violence au début (pour ma part six mois d'aléas au niveau de l'équilibre psychique) et un jour, les choses commencent à se faire naturellement, se poser, et elle suivent leur cours dans le train train quotidien, pour ma part et à titre personnel, je nomme train train quotidien cette vie à nouveau intégrée dans le circuit « global », auquel on s'habitue progressivement.
De manière générale, tout est question de perception, sur toute la ligne et ce pour toute notre vie, il en est bien sûr de même pour tous les individus, également ceux qui n'ont pas de problématique de consommation.
Quelqu'un dans ma famille m'a dit une fois un propos que je n'ai jamais oublié et plus encore, dont je me suis souvenue à chaque fois que mes émotions étaient trop amplifiées (de manière aussi bien positive que négative) :
« dans la vie, ton pire ennemi et ton meilleur ami se fondent en une personne : toi-même. Eux seuls doivent te préoccuper. Tu as toujours le choix, et pour faire celui qui te paraît le plus rationnel, le plus sain, il faut te connaître toi-même, car parfois ton meilleur ami te dira quelque chose, ton pire ennemi lui te poussera vers une autre direction. Pour faire des choix éclairés, tu dois être maître de toi-même, donc te connaître parfaitement pour t'adapter à tes propres réactions et éviter des choix néfastes, quels qu'ils soient. »
La connaissance de soi est un apprentissage clé (qui n'est pour autant jamais acquis, comme pour toute chose, et ce serait bien triste de se connaître à 100%, c'est même impossible, ça impliquerait une sorte de néant, sans progression, sans évolution, sans vie au final). C'est l'essence même de la vie, tout est impermanent. Il n'y a que nous, nous seuls, qui nous fixons, parfois souvent sur nous-même en premier lieu, des étiquettes qui nous maintiennent dans une case. C'est nous même qui nous fixons des barrières selon nos représentations d'une idée ou l'interprétation d'un fait. Ce qui nous touche, ce ne sont pas les faits, même les plus « graves », c'est l'idée, la représentation qu'on se fait d'une situation. Ces notions ont été primordiales dans mon évolution, elle m'ont permises d'accepter les faits passés, donc irréversibles par définition, de cesser de fantasmer sur des faits qui ne se sont pas encore produits ou sur lesquels, bon gré malgré, je n'ai concrètement aucune emprise. J'ai accepté peu à peu les choses, ça m'a permis d'être beaucoup plus sereine, confiante, porter la responsabilité de mes propres actes, de ce que je considérais comme un échec en premier lieu.
Pourtant l'échec n'est pas fatal, il se doit simplement d'être constructif. Ne jamais se mentir à soi-même, accepter que ce qui est fait est fait, assumer sa part de responsabilité. On se doit toujours d'observer ce qui n'a pas fonctionné en nous avant toute chose (et non pas chez l'autre). On dit « Aide toi le ciel t'aidera », nous seuls pouvons faire usage de nos propres jambes, mais il faut d'abord apprendre à marcher seul, sans béquille. On peut prendre des avis, à gauche à droite, mais ils ne doivent pas, à mon sens, interférer avec nos ressentis, si du moins, on est réellement à l'écoute de soi.
Si on observe notre comportement, même le terme d'échec est employé à mauvais escient. C'est une expérience personnelle, ni plus ni moins et il faut l'analyser de manière rationnelle, si elle se reproduit on ne fera généralement pas exactement la même erreur, on observera, encore, encore, on s'améliorera, encore, encore, progressivement, c'est comme ça que j'ai avancé. Malgré les apparences, on ne passe jamais deux fois par le même chemin, à nous d'observer et de comprendre, s'en servir pour avancer, plus serein, plus confiant.
Et plus encore dans les problématiques addictives, la connaissance de soi, la redécouverte de son corps, ses réactions, apprendre à le connaître, est primordiale. Nous avons consommé des substances qui altéraient ces sensations et ce jugement. Durant les premiers mois, y compris post
sevrage, on a tendance a subir notre corps, notre perception du sens des choses, de nos actions, mais si on cherche à le comprendre ce corps, si on commence à le connaître, à se connaître peu à peu, on parvient à le dompter, de mieux en mieux et c'est un sentiment très puissant, que d'être maître de soi, de ses choix, ou même avant cela, simplement de tout tenter pour y parvenir, progressivement.
Cette même personne que je cite plus haut dans mon entourage m'avait également dit « ce n'est pas grave si tu « échoues », tu le vivras bien si tu as fait tout ce qui était en ton pouvoir pour y arriver, si tu t'es dépassée, si tu n'as pas fait demi tout au premier obstacle... »
Pour synthétiser ce premier post, le plus beau cadeau de cette année, c'est d'avoir avancé concrètement sur ce rêve que je gardais à l'esprit, dans les moments difficiles, douloureux. Un rêve qui tantôt s'éloignait brutalement, devenant quasiment imperceptible, avant de revenir, quand je ne l'attendais plus. Ce rêve c'était de me prouver à moi-même, en dépit de toutes mes expériences passées, compliquées, très difficiles à encaisser, assumer, je pourrais un jour me regarder en face avec le sourire, parce que je serais parvenue à redorer mon blason, par mes propres moyens et surtout avant tout pour moi-même et personne d'autre.
Sur ces longues lignes, je vous laisse pour cette nuit, je m'en vais me reposer, demain cours et je vous laisse lire à votre rythme voir relire pour certains...
Tout ça peut vous paraître peut-être abstrait comme témoignage, mais je pense à mon sens qu'il est plus pertinent de partager avec vous le réel fond, les clés essentielles qui m'ont permis d'avancer concrètement.
Je vous souhaite une bonne nuit à tous et toutes, je continuerais mes posts dès que j'aurais un moment à y consacrer, demain, jeudi, j'aviserais.
Portez vous bien et laissez le temps au temps, sans toutefois être passif, mais sans vous mettre de pression, soyez confiant.
C'est un combat contre soi-même où il y a tant à gagner et je vous souhaite qu'il vous apporte autant, mais je n'en doute pas.
Bonne nuit !
PS : est ce que j'ai eu envie d'abandonner parfois ? Les six premiers mois : toutes les deux minutes ! Je me suis cassée la figure plusieurs fois si ce n'est quotidiennement (je ne parle pas de rechute mais d'émotions très compliquées à gérer), je me suis acharnée, parfois tant bien que mal, jusqu'au jour où j'ai réalisé que j'avais sorti la tête de l'eau (avril de cette année), à ce moment j'ai pris une grande bouffée d'oxygène, le plein d'énergie, et j'ai profité de cette rage de vivre et d'y parvenir qui m'animait, je l'ai exploité, à partir de là les choses ont évolué chaque jour, toujours un peu plus, comme un enfant qui apprend à marcher, c'était incroyable sur le coup, puis les sentiments se sont posés, et la vie a continué de façon plus paisible, c'est appréciable aussi:)