Cannabis: des impacts environnementaux importants

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La Presse Canadienne




VANCOUVER — Dan Sutton a toujours pris pour acquis que le cannabis se cultivait à l’intérieur. L’ancien professionnel en technologie était un néophyte en 2012 lorsqu’il a fondé Tantalus Labs. Il avait en tête l’image stéréotypée d’un grand entrepôt, avec des plants alimentés par les lumières vives et les ventilateurs.

Mais lorsque M. Sutton a interrogé des universitaires, des horticulteurs et des ingénieurs, ils lui ont tous dit qu’aucune culture à des fins commerciales n’était effectuée à l’intérieur.

« Il serait plutôt insensé de remplacer l’énergie du soleil, qui est abondante et bénéfique pour les plantes, par des moyens artificiels », a-t-il souligné.

M. Sutton avait donc à coeur la santé des plantes, et pas nécessairement le développement durable, lorsqu’il a décidé de construire SunLab, une serre de près de 11 150 mètres carrés à Maple Ridge, en Colombie-Britannique.

C’est seulement lorsqu’il a fait ses calculs qu’il a compris que celle-ci utiliserait 90 pour cent moins d’électricité qu’une installation intérieure traditionnelle.

Alors que le Canada s’approche de la légalisation du cannabis, des experts font remarquer que cette politique pourrait avoir des effets néfastes sur l’environnement.

La culture du cannabis à l’intérieur gobe de l’électricité en raison des lampes à haute intensité, de l’air conditionné et des déshumidificateurs qu’elle nécessite. Même à l’extérieur, l’irrigation utilisée pour arroser les plants a eu pour effet d’assécher des secteurs en Californie.

M. Sutton souligne que « le cannabis est si lucratif que les entreprises n’ont pas à contrôler leurs dépenses; elles ne surveillent donc que très peu les coûts en électricité, par exemple ».

Selon lui, « les autorités devraient aider les nouveaux venus sur le marché à prioriser le développement durable, mais il n’y a eu que peu de discussions sur le sujet au Canada », déplore-t-il.

« Nous nous laissons entraîner dans une situation où le cannabis est si profitable que les gens ne considèrent même plus l’avenir de notre planète », a-t-il constaté.

Une industrie énergivore

Selon une étude publiée en 2012, un pour cent de la consommation d’électricité aux États-Unis provenait de la culture intérieure du cannabis.

En Californie, le plus grand producteur du pays, la culture intérieure de cannabis représente environ trois pour cent de la consommation d’électricité, ce qui est l’équivalent de ce qui est consommé dans un million de maisons, a écrit Evan Mills, un scientifique spécialisé en technologie de l’énergie au Laboratoire national Lawrence Bergeley.

Plusieurs entreprises canadiennes cultivent leur cannabis dans des serres. Canopy Growth construit une serre de plus de 120 770 mètres carrés en Colombie-Britannique, alors qu’Aurora Cannabis a acheté une firme de conception de serres pour superviser la construction d’une installation de plus de 74 300 mètres carrés près de l’aéroport d’Edmonton.

« Évidemment, les producteurs illicites de cannabis ont traditionnellement gardé leurs plants à l’intérieur pour les cacher de la police. S’ils se joignent à l’industrie légale, il est possible que certains optent pour la culture extérieure », a avancé Jonathan Page, un professeur de botanique à l’Université de la Colombie-Britannique.

M. Page a écrit au comité parlementaire responsable de la légalisation du cannabis en août pour inclure la culture extérieure de cannabis dans le régime canadien de production. En novembre, Santé Canada a proposé des règlements qui incluent les producteurs intérieurs et extérieurs.

Des cours d’eau asséchés

Bien que la culture extérieure nécessite moins d’énergie, elle requiert plus d’eau. À l’intérieur, il est important de contrôler l’utilisation de l’eau pour garder l’humidité basse et prévenir la moisissure, a expliqué Emily Backus, présidente d’un groupe de travail sur la durabilité du cannabis mis sur pied par la ville de Denver, dans l’État du Colorado.

Une étude publiée par le département des Pêches et de la Faune en Californie a étudié la culture extérieure du cannabis et a découvert que l’industrie utilisait beaucoup d’eau de rivières où les populations de saumon sont menacées.

L’auteur principal, Scott Bauer, a indiqué que les chercheurs avaient travaillé à partir d’une estimation de l’industrie, selon laquelle un plant de cannabis aurait besoin d’environ 22 litres d’eau par jour. En comparaison, un plant de raisin utilisé pour le vin consomme environ 12 litres d’eau.

Plusieurs serres en Californie utilisent aussi des lampes, ce qui suscite des inquiétudes sur leur consommation d’énergie et la pollution lumineuse qu’elles projettent à l’extérieur, a-t-il soutenu.

Pas d’encadrement spécifique

La réglementation de Santé Canada n’encadre pas la consommation d’énergie ou d’eau. Les producteurs devront respecter certains critères — cultiver leurs plants dans des environnements sanitaires et leurs installations devront être inspectées pour détecter des contaminants ou des pesticides non autorisés.

Dans un communiqué, Santé Canada a dit que « les installations de cannabis, comme celles de toute autre industrie, seront soumises aux réglementations du ministère de l’Environnement et du Changement climatique sur les polluants et le prix sur le carbone ».

« À ce moment-ci, toutefois, Environnement et Changement climatique Canada ne prévoit aucune réglementation spécifique dans ce secteur », a ajouté le ministère.

Santé Canada attend l’avis des gens sur les règlements proposés d’ici le 20 janvier. Le ministère évalue également les impacts environnementaux de la production de cannabis, entre autres, et publiera ses résultats en même temps que les règlements finaux.

Le comté de Boulder, au Colorado, oblige les producteurs à diminuer leur consommation d’électricité en utilisant des énergies renouvelables, sans quoi ils paient un supplément.

Ces sommes sont ensuite réinvesties dans un fonds spécial utilisé pour éduquer les producteurs afin qu’ils adoptent les meilleures pratiques.

Alors que l’industrie est de plus en plus imposante, les entreprises ont commencé à surveiller leurs coûts pour demeurer plus compétitives, selon Ron Flax, responsable du bâtiment dans ce comté.

« Il y a en fait un niveau incroyable d’innovation qui a eu lieu dans les dernières années en matière d’économie d’énergie », a-t-il déclaré.


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Source : journalmetro
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