Canada. Trop de
cannabis et pas assez de consommateurs
Au Canada, trois ans après la
légalisation du
cannabis à des fins récréatives, l’euphorie de la
légalisation du
cannabis est retombée. Le secteur n’a pas atteint ses objectifs et n’a pas fait disparaître le marché noir.
Une usine de producton de
marijuana, en Ontario. Au Canada, la concurrence chez les producteurs est rude.
Après un démarrage en fanfare, l’industrie canadienne du
cannabis doit composer avec de nouveaux défis : les ventes du marché noir sont encore importantes, des usines de production ferment, d’autres sont englouties par de plus grosses et des employés sont mis à pied.
C’était une promesse électorale de Justin Trudeau en 2015. En 2018, c’était chose faite : il est devenu légal de consommer du
cannabis à des fins récréatives dans le pays. L’engouement était alors visible, avec de longues files d’attente devant les magasins.
Le but était justement d’endiguer les ventes du marché noir. Mais aujourd’hui, à peine plus de la moitié des ventes de
marijuana sont réalisées sur le marché légal. La demande ne s’est pas transférée du marché illégal vers le marché légal et ce, surtout dans l’ouest du pays, explique Jean-François Ouellet, professeur à HEC Montréal.
L’exception québécoise
Au Canada, seul le Québec semble faire office d’exception. Pourquoi ? D’abord parce qu’il a choisi un système public de vente via ses points SQDC (Société québécoise du
cannabis), tandis que beaucoup de provinces tournent au 100 % privé, ou avec les deux régimes.
Le Québec a aussi choisi de vendre du
cannabis au même prix que le marché noir. Et si les gens ne veulent pas se déplacer, il leur est possible de commander en ligne et de se faire livrer à leur porte le jour même, exactement comme cela serait le cas s’ils appelaient leur dealer, poursuit le professeur.
Autre souci. En 2018, les données concernant la consommation supposée ont en outre été surestimées, observe Jean-François Ouellet. Il n’y a pas eu de hausse sensible de la consommation avec la
légalisation chez les plus de 15 ans : 15,6 % contre 16,1 % entre le deuxième trimestre de 2018 et celui de 2019, selon Santé Canada.
Forte concurrence et surproduction
À l’annonce de la
légalisation, producteurs et businessmen aguerris ou novices ont été trop nombreux à se ruer vers l’or vert… alors que la ruée n’a pas eu lieu. Forte concurrence, surproduction et baisse des prix ont mis un coup de frein à cet emballement.
Le géant Canopy Growth gérait sept usines de culture dans le pays. Elles ont toutes fermé ou ont été vendues en 2020. Et sur le site d’origine, les licenciements sont monnaie courante. Cotée en Bourse, l’entreprise a d’ailleurs vu la valeur de son action chuter de plus de 26 % depuis janvier.
Une baisse qui s’explique par des points de ventes fermés pendant les périodes de confinements et des problèmes d’approvisionnement avec les sites américains », selon le PDG David Klein. Ses concurrents dénoncent aussi le manque de points de vente dans certaines provinces.
Rachats et rationalisation
Bref, tout le monde a du stock sur les bras. Certains producteurs ont dû se mettre à l’abri de leurs créanciers, comme AgMedica et Wayland. Quand un marché est en déclin, les joueurs de l’industrie commencent à se racheter les uns les autres car les liquidités deviennent plus rares. Ils doivent devenir de plus en plus gros , ajoute Jean-François Ouellet.
Emerald Health Therapeutics, qui emploie 120 personnes, a une usine de culture à Saint-Eustache, au nord de Montréal, résiste, mais ne songe pas, pour l’instant, s’agrandir à l’international. On a eu nos défis à relever, on a rationalisé notre production l’an passé », explique Mohammed Jiwan, directeur général des opérations.
Nous, on veut se concentrer sur le marché québécois et avoir une approche de bien-être plus que récréative », poursuit-il.