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Dernière modification par pierre (08 décembre 2022 à 15:46)
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Noria a écrit
Bonjour à tous,
J'aimerais aujourd'hui vous parler d'une prise de champis magiques qui a changé ma perception de la vie et m'a grandement aidé dans ma guérison de la dépression.
Le contexte de ma dépression en bref
J'ai un passé assez lourd, marqué notamment de viols répétés dans l'enfance, de harcèlement scolaire, de trahisons de proches parents.
Élément important pour la suite : j'ai des rapports compliqués avec ma mère, qui a sans le vouloir aggravé des problèmes et des violences. Je l'ai détestée, évitée, puis, à l'époque du trip, essayé de renouer avec elle mais avec toujours énormément de ressentiments et de conflits internes.
Je suis donc en dépression depuis mes 10/11 ans, j'en ai aujourd'hui près de 25. Depuis 2 ans ça va beaucoup mieux, il y a une réelle amélioration de mon état. Cela grâce à un environnement enfin safe, mes projets, du travail sur moi y compris en thérapie, et.. ce trip ! C'est évidemment ce que je vais vous raconter ce soir. Promis ce sera plus joyeux que cette intro
Le voyage
Nous sommes début 2022. Comme je vous l'ai dit, je vais de mieux en mieux, mais ce n'est pas le top. Je pleure souvent, je suis très fatiguée, j'ai l'impression que je n'en verrai jamais le bout. J'essaie de renouer avec ma mère, mais elle m'exaspère presque à chaque fois. Je lui en veux toujours malgré tout, elle m'a fait tellement de mal, même sans le vouloir.
Il me reste un peu moins de 15g de truffes ouvertes à manger. Je les prends donc pour ne pas jeter et pour tester un peu ma tolérance. J'en ai déjà pris il y a une ou deux semaines, je ne m'attends pas à des effets de dingue.
Une fois en plateau, comme je m'y attendais, pas grand chose ne se passe. J'ai juste un gros bodyload, des sensations physiques désagréables. Très peu de visus, pas assez pour que ça vaille le coup de continuer et me sentir un peu malade et handicapée dans ma journée. Je m'apprête à abréger avec un benzo, quand je me ravise. Et si c'était le moment de réfléchir un peu, d'introspecter ? Peut-être que cet aspect du trip peut être intéressant. Oh comme j'ai eu raison de laisser une chance à cette idée !
Je ferme les yeux, je respire profondément, et j'arrive rapidement à ressentir des choses intéressantes.
Pourquoi je suis malheureuse depuis toutes ces années ? Je visualise mon coeur qui bat, mais difficilement. Il est entravé par des sortes de lianes, de gangrène. Quelque chose qui le restreint depuis longtemps, et qui n'est jamais parti. Pourquoi ?
Je cherche plus profondément. Au fond de mon esprit.
C'est évident.
Je ne m'aime pas.
Je ne m'aime pas, alors je n'aime pas les autres, et je n'aime pas la vie.
Alors que je m'en rends compte, je prends aussi conscience que je mérite l'amour. Je mérite de m'offrir ce cadeau.
Je reviens un peu à la surface, je me prends dans les bras, je pleure d'émotion.
Soudain je vois et ressens que mon coeur s'est libéré, que la gangrène a disparu. Je ressens des émotions bien plus fortes que ce que j'ai pu vivre jusqu'ici. L'amour et la joie envers moi sont énormes, bien plus grandes et fortes même que la détresse que j'ai pu vivre.
Je reste quelques instants à ressentir cet amour et ce bonheur.
Rapidement, je passe à l'étape suivante : je m'aime, c'est génial, et ça ne s'arrêtera plus jamais.
Je peux et je veux maintenant aussi aimer l'Autre. Je n'ai jamais créé de lien vraiment sincère, je n'ai jamais aimé quelqu'un d'autre vraiment. C'était toujours mêlé de peur, de retenue ou d'une forme d'égocentrisme. Maintenant je me sens prête, prête à aimer mon prochain, aimer la terre entière.
Je suis seule ici, dans mon lit. Depuis si longtemps. Je sens une urgence, je dois sortir.
Je me prépare, je vois mon visage dans la glace. Il se déforme à mesure que je l'observe, comme si je vieillissais à vue d'oeil. C'est très réaliste et ça me trouble, je phase un peu. Je reprends mes esprits et je termine mes préparatifs.
Je descends de chez moi. Les escaliers et l'ambiance m'amusent et me hypent. J'ai hâte de me révéler au monde.
Je marche dans la rue, sans but précis sinon de faire des rencontres.
Tout est si beau en moi et autour de moi. Tout est à sa place. Tout est vivant. Cet amour que je ressens, en et hors de moi, pour et de tout ce qui m'entoure, c'est... C'est Dieu ?
Je le ressens en tous cas, c'est une évidence. Dieu est là, son message est l'amour, son existence n'est qu'amour, en nous et pour nous tous les vivants.
(Je ne vais pas épiloguer là-dessus, chacun ses croyances. Je ne parle plus de ça par la suite ).
J'entre chez un fleuriste. Je suis fascinée par ses plantes et le chat qui est ici. Je ne compte rien acheter et j'ai l'impression de paraître bizarre, alors je m'en vais.
Je vais cette fois dans un magasin de jouets où j'aime acheter des puzzles ou des figurines d'animaux.
Je regarde les petites figurines en face du comptoir, je ne sais laquelle choisir. Mon choix se porte finalement sur un petit quokka souriant. Il fera un beau souvenir de ce trip et de ces révélations positives. La vendeuse me regarde d'un étrange sourire dont elle ne se détache pas. Est-ce que je suis restée si longtemps à choisir ? Est-ce qu'elle me juge d'acheter un jouet en tant qu'adulte ? Est-ce qu'on se connait ? Est-ce que j'ai l'air droguée ?
Je me rends compte que je suis quand même déphasée et que communiquer avec des inconnus devra plutôt attendre que je sois sobre.
En bonne belge et affamée, je décide d'aller me chercher une frite pour redescendre tranquillement chez moi. En chemin pour la friterie, je m'arrête pour prendre des photos.
C'est à ce moment que j'entends des voix m'appeler. Je n'y prête d'abord pas attention, avant de me rendre compte que c'est réel et qu'il est d'usage de répondre. Deux personnes m'appellent à plusieurs mètres de là. Qui sont-elles ? Je ne comprends pas. Je m'approche, c'est...
Oh non, ma mère et son copain !
Je panique un peu, il faut surtout que j'abrège cette rencontre. Je n'ai pas très envie de la voir, ni qu'elle sache ce que j'ai pris.
Mais ça fait quelques temps qu'on ne s'est plus vus et que je n'ai pas répondu à ses messages, alors elle me pose beaucoup de questions. Ça va ? Comment avance (ce projet) ? Ton travail ? Tu pourrais répondre pour (ce sujet, cet événement, ce message)? Comment va ton copain ? Sa maman ?
J'essaie de répondre convenablement, mais je sens que je ne donne pas bien le change.
La situation me stresse et m'amuse à la fois. Je me retourne souvent pour rire "discrètement". Son copain, appelons-le Mathieu, a l'air joyeux aussi, on rit toutes les quelques secondes ensemble, pour des conneries, des détails drôles et des blagounettes. J'alterne entre essayer de parler sérieusement à ma mère, et éclater de rire avec Mathieu. Je lui dis d'arrêter, que j'essaie d'être sérieuse, mais ça nous fait rire de plus belle. J'ai l'impression d'être à une soirée où on est les seuls deux défoncés et dans la confidence, qui essayons de le garder pour nous face à des amis sobres et nos parents.
Elle me dit : "ça va ? Tu parles très vite."
Ah ? Que faire de cette information, je ne sais pas comment je parle ni comment changer ça. " Et puis tu rigoles beaucoup.." Aïe..
Mathieu prend ma défense, tout sourire : "elle est juste de bonne humeur, c'est bien !". Il me relance ce regard complice qui m'amuse et me rassure. On continue ce qui ressemble à une conversation, elle nous demande plusieurs fois ce qu'il y a de drôle, si j'ai bu, si ça va.
Je me rends compte qu'hormis cette petite crainte d'être 'démasquée', je n'ai aucune animosité envers elle aujourd'hui. Je passe même un bon moment en leur compagnie. D'ailleurs, pour ce premier point, elle se doute déjà de quelque chose, alors pourquoi ne pas simplement me laisser être comme je suis, sous mes champis, sans me soucier de minimiser mes comportements de personne perchée ? Elle ne semble pas dérangée, seulement interrogative, et Mathieu semble lui être 'de mon coté' et bien s'amuser.
Je m'entends alors demander : Vous faites quoi ce soir ? Et si on mangeait ensemble ?
En chemin pour chez eux, je ne stresse plus, je profite du moment et ne lutte pas contre mon trip. Je pense tout de même à sortir des bombons de ma poche. Ça m'a déjà aidé à redescendre un peu (je sais que ce n'est pas le cas de tout le monde, que c'est peut-être un placebo).
Je leur propose un bombon, ma mère demande, à moitié sérieuse " Ce sont des bonbons qui font rire ou quoi ?". Mathieu lui, aurait peut-être aimé que ce soit le cas, car il l'a déjà tout content en bouche.
Chez eux, nous soupons (dînons). Je ne ris plus à tout va. Je me sens bien. C'est la première fois depuis des années que je me sens si calme auprès de ma mère.
Je l'écoute parler, pour de vrai. Je crois que c'est la première fois que j'écoute vraiment quelqu'un, en fait. Je ne cherche pas à avoir un avis, une réponse ou à parler de moi. Je prends conscience qu'un autre humain me parle. Qu'elle a ses propres pensées et envies.
Je souhaite juste l'écouter pour comprendre, comprendre son monde et sa façon à elle de vivre en tant qu'humaine.
Je pose des questions pour la relancer, pour mieux comprendre.
Quand elle a fini, je me tais. On finit de manger dans le calme. Le soleil se couche et sa lueur à travers les arbres est plus belle que jamais.
Je me sens alignée, aimée, vivante.
Tous mes ressentiments envers ma mère et la vie n'ont que peu d'importance face à l'amour que je leur porte.
Depuis ce jour, je suis réconciliée avec ma maman.
Depuis ce jour, je suis réconciliée avec la vie.
Je dois préciser que tout n'est pas rose tout le temps, tout n'est pas réglé par miracle, mais il y a un gros mieux soudain depuis ce jour, et cet amour ne me quitte plus et me porte quand c'est moins facile.
Merci beaucoup de m'avoir lu. C'était long, pourtant j'ai essayé d'aller à l'essentiel. N'hésitez surtout pas à me poser vos questions ou demander des précisions.
Chère Noria,
Merci beaucoup pour ce partage d'expérience qui respire la maturité et la profondeur ! Et qui, en plus, est clair et très agréable à lire. Je trouve que tu as un énorme courage de prendre ce genre de médication (je n'oserais pas le faire seule personnellement), et aussi de te regarder avec beaucoup de lucidité.
Je suis très contente pour toi que tu aies pu franchir un cap.
J'ai un peu le même genre d'expérience avec mes parents. J'ai été en guerre contre eux pendant très longtemps, et puis un jour pouf, j'ai dû changer de lunettes car alors je les ai vus pour ce qu'ils étaient, j'ai ressenti un immense amour pour eux, et j'ai eu la chance de vivre cela avant leur mort. Je trouve qu'on grandit énormément lorsqu'on fait ce genre de paix avec ses parents (après, ce n'est pas toujours possible, car il y a vraiment des parents atroces, il faut reconnaître...
Une des grandes leçons de ma vie, c'est le jour où j'ai pris conscience que ce qu'on attend désespérément des autres, c'est quelque chose qu'on n'arrive pas à leur donner (amour, considération, service, etc.) Ça se vérifie systématiquement !
Ton témoignage me fait penser à des livres du journaliste Stéphane Allix que j'ai eu l'occasion de lire pour mon travail. Il relate (entre autres) ses expériences avec des champignons. (Et comme toi, viol dans son enfance...).
Merci beaucoup. Je trouve souvent beaucoup de profondeur sur ce forum. C'est surprenant car je ne pensais pas forcément. Mais bon, finalement c'est assez logique : je pense que dans beaucoup de cas, c'est notre grande sensibilité qui nous amène aux substances.
J'espère que maintenant tu t'aimes mieux toi-même, car manifestement tu le mérites :-)
Gros bisous Noria :-)
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Dernière modification par g_p_a (28 décembre 2022 à 21:16)
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