suite et fin13h00. Qui veut une barquette ? La plupart de mes voisins refusent même si ils crèvent tous la dalle. Un racaille tout en nike de la tête au pieds demande si il y a pas moyen d'avoir la barquette de riz. Ben non. Ce sera encore les yeux, ces espèces de raviolos au bromure. J'essaie d'avaler un morceau mais rien à faire c'est vraiment trop crade et même en hypoglycémie y a pas moyen... je n'arrive pas à comprendre ce qui crée cette répulsion gustative. Ils abusent avec cette bouffe en plastique. Et puis le manque me noue littéralement l'estomac. Deux cuillérées histoire d'avoir un peu de sucre dans le sang et ça ira. De toute façon, je m'en branle dans 30 minutes, je suis dehors....
14h00... Putain le temps commence à devenir long. Il fous quoi ce flic de merde? Pourquoi il me dit 13h30 ?? Je commence à péter les plombs. Le jeune racaille en nike me dit
"mais bien sur qu'il se fout de ta gueule l'OPJ, il te dis ce que t'as envie de t'entendre parce qu'ils savent que c'est pire d'attendre quand t'as une heure de sortie et que tu crois que tu vas sortir... ça rend ouf... tu sais c'est comme le train en retard.. c'est les 10 dernières minutes pas prévu les pires...en plus il en sait rien à quelle H tu vas sortir, ça dépend même pas de lui... et puis t'as resigné ta prolong alors maintenant si ils veulent ils peuvent te garder jusqu'à demain midi..." Putain merde, il a raison. Et dire que j'ai refusé l'avocat et le médecin. Quelle grosse merde je peux être que d'avoir cru deux fois un flic ! Pourtant meme si j'en suis pas à ma premiere GAV, je suis obligé de constater que la France a bien évolué et que la police n'est plus ce qu'elle était, la notion de service public a totalement disparu.
La perspective ne me réjouit pas mais force est de constater que plus les minutes passent, plus mes doutes augmentent. Je commence à sentir que mes récepteurs se vident de plus en plus car le manque prend une allure de plus en plus
"heroin cold turkey" avec d'abominables frissons qui me parcourent de haut en bas, la chair de poule et les séries de 25 éternuements allergiques. J'ai le nez qui coule, les yeux mouillés et vraiment l'impression d'avoir de la fièvre. Je m'assois sur le côté avec l'impression de n'avoir plus aucune énergie et de n'être plus qu'un vieux tas d'os... si seulement je pouvais être dehors, j'enverrai un gros shoot... mais faut que je pense à autre chose.
15h00. Des pas se font entendre. Je sursaute pour essayer de voir de qui il s'agit, espérant évidemment qu'on vienne me chercher. J'arrive à voir ce qu'il se passe :
"il ramene encore quelqu'un en gardave, mais attend on dirait que c'est une meuf"... le racaille se relève direct et me regarde bien dans les yeux
"quoi une meuf??? oh noooon la poisse !!!". Je lui demande pourquoi il réagit comme ça.
"Ben écoute mon pote, ici y a que deux cellules pour la GAV, on est 5 ou 6 par cellule mais tu vois, ils peuvent pas mélanger les hommes et les femmes et ça c'est normal mais ca veut dire puisque elle, elle va aller dans une cellule pour elle qu'il y aura plus qu'une cellule pour tous les mecs... putain on va se retrouver à 15 la dedans... oh non pas ça !!!" Aussitôt dit aussitôt fait. La nana est placée dans la cellule A et tous les gars sont transférées dans la notre. Là ca devient impressionnant. On est maintenant 11 en tout dans ce cagibi. On est collés les uns aux autres. Le jeune racaille me fait une blague pas super drôle :
"hey t'as vu, c'est le métro ligne 4 !!!"Y a même plus moyen de se lever. Putain mais qu'est ce que je fous là ! heureusement qu'il y a personne de claustro et que tout le monde arrive à se tenir correctement..
16h00. Le temps est long... et alors que je suis dans le vide ne pensant plus à rien, j'entends mon nom. Je bondis en une demi-seconde. La porte s'ouvre. L'OPJ me demande de le suivre. On monte à l'étage. On arrive devant son bureau.
"On va faire votre PV d'audition, monsieur." Il me pose quelques questions, je répond précisément. J'explique à nouveau l'histoire de mes points de permis et du fait de n'avoir jamais été notifié. Il décide de vérifier dans le fichier.
"Ah oui effectivement monsieur, il semblerait que la préfecture ne vous ait pas encore transmis la notification d'annulation". Putain merci !!! Ensuite vient la question des stups positifs : il me dit qu'on a relevé des traces d'
héroïne dans mon sang. J'explique que ce n'est pas possible mais que j'ai deux prescriptions de morphinique, 1 de
méthadone en
TSO et dont l'ordonnance a été faxé et comme je suis devenu tolérant aux antalgiques de pallier 2, je prends occasionnellement du
skenan pour mes douleurs. J'ajoute qu'il s'agit d'un sulfate de
morphine qui positive les tests stups. Il met tout ça dans ma déposition. Je signe. Il m'explique qu'il doit contacter le parquet pour finaliser la procédure. Je lui demande si je sortirai aujourd'hui, il me répond "normalement". Je lui dis que je suis super malade et que si je dois passer la nuit là , je veux absolument voir un médecin pour avoir mon traitement dont on me prive depuis plus de 30H maintenant. "Regardez mon front, je dégouline... c'est abusé quand meme vous me mettez en GAV pour défaut de PC et Stup alors que sur l'un et l'autre, je suis clean". Humainement, il me dit qu'il fera le nécessaire mais que si tout se passe bien dans deux heures, c'est fini. Retour en cellule.
20h00. Ca fait maintenant presque 4 heures que je moisis à nouveau dans le trou. On est maintenant que 7 et la nuit risque d'être difficile dans ces conditions de merde avec le manque qui devient chaque seconde plus aigue. J'essaie d'avoir des informations et le chef de poste me répond stoïquement :
"honnêtement je veux pas vous faire peur mais si vos êtes là , c'est que c'est mort. A 20h00, il y a plus personne la haut. Je pense qu'ils ont pas pu avoir le parquet et qu'ils finiront la procédure demain matin. De toute façon, vous avez été prolongé".
Putain la perspective de renchainer une dizaine dans ce trou me rend taré. Autant les 24 premières heures de GAV sont jouables et facilement endurables autant la suite devient plus difficile nerveusement, surtout à cause du manque mais aussi parce que ça finit par taper sur les nerfs et que tout se mélange, la nervosité, la fatigue, la faim, le manque, l'ambiance de merde, l'enfermement... je commence à péter un plomb et je sens que je commence à vriller. Je donne des coups dans la porte de plus en plus fort. J'ai l'impression de devenir comme les mecs de la veille qui tapaient comme des malades dans les portes.
"Monsieur Ziggy ? Libérable !!!"l
Putain !! J'attrape ma veste et mes affaires et je sors du box. Putain cooool ! Alors que je me faisais à l'idée de devoir rester à crever la dedans toute la nuit, entre la promiscuité, le manque, l'odeur de merde et les raviolos au bromure... quelle bonne nouvelle ! Ca déchire !
Il me fait signer tout les papiers. Il m'informe que le parquet n'a retenu aucune charge contre moi. Je leur demande ce qu'il se passe pour mon permis. Il n'en sait rien et il me rend mes clefs et ma carte grise.
Putain il fait nuit noire et il pleut et je sens le vent qui me caresse la gueule. Je suis en super manque mais je m'en fous car dans 5 minutes, j'aurai un gros taquet entre les mains.
Je reprends ma caisse je termine le trajet prévu de la veille, je monte dans le batiment, les mecs sont là .
Cool j'achete 40 balles.
Je retourne me cacher dans ma caisse je me gare dans un parking discret. Je prépare ma cuillère magique et je perce ma veine fonctionnelle niveau du poignet... putain le sang vient pas... non pas ça merde...merde... je me concentre, délicatement je cherche un angle d'entrée de 30° puis un angle de pénétration de 10° et bannnng : la ROSE ROUGE enfin.
J'appuie.
Smiley.