de l'autre côté de l'atlantique
À Toronto, trois compagnies de
tabac engagées dans un bras de fer avec 100 000 victimes du tabagisme au Québec se défendent d'utiliser des tactiques malicieuses et dilatoires pour éviter de les indemniser. La Cour d'appel du Québec leur a pourtant ordonné, le mois dernier, de verser une douzaine de milliards de dollars à toutes ces victimes, mais les trois entreprises se sont placées depuis sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers.
La décision du juge ontarien Glenn Hainey d'accorder une protection aux trois compagnies de
tabac a fait en sorte de suspendre le jugement de la Cour d'appel du Québec, mais aussi toutes les poursuites qui ont été entamées depuis des années contre elles au pays.
Les avocats des victimes québécoises veulent qu'elles soient indemnisées après leur victoire du 1er mars. Il n'est donc pas question d'attendre selon eux et de s'asseoir avec les autres plaignants dans cette cause ailleurs au pays.
ls parlent d'ailleurs d'un véritable affront à la justice du Québec. Ils accusent les géants du
tabac d'invoquer une soi-disant faillite pour gagner du temps dans l'éventualité où ils en appelleraient du jugement de la Cour d'appel du Québec devant la Cour suprême du Canada.
Au 1er mars, les trois entreprises avaient 60 jours pour notifier le plus haut tribunal au pays de leur intention de faire appel. Elles précisent que le droit de faire appel est un droit protégé au Canada. En obtenant une protection des tribunaux contre leurs créanciers, ce délai est devenu caduc.
L'avocat Robert Cunningham, de la Société canadienne du cancer, voit lui aussi dans l'approche des trois compagnies une malice. La stratégie de l'industrie du
tabac mondiale est de ne pas payer et c'est une tactique ici d'avoir un autre délai et j'espère que les tribunaux vont dire non, dit-il (la Société n'est pas représentée dans ce litige, NDLR).
Les cigarettières soutiennent que les tribunaux ontariens ont l'obligation de s'assurer que tous les plaignants dans cette cause sont traités équitablement au pays. Personne ne doit avoir le monopole sur la question des indemnisations, disent-elles. En ce sens, la Loi sur les arrangements avec les créanciers protège tout le monde, selon elles.
Leurs avocats expliquent que la façon de procéder en vertu de cette loi ne constitue pas non plus une gifle à l'endroit du système de justice du Québec. Les droits des victimes québécoises n'ont pas été enfreints, ajoutent-ils.
L'entreprise Imperial Tobacco Canada souligne par exemple qu'elle n'avait pas le choix d'agir de la sorte, parce qu'il fallait qu'elle s'organise pour éviter la faillite. Elle soutient que l'argent du recours québécois aurait disparu en cas contraire et que les victimes québécoises n'auraient jamais pu être dédommagées.
Les avocats des géants du
tabac ajoutent que la Cour supérieure de l'Ontario a toute la juridiction pour trancher le litige et qu'ils ont préféré cette procédure plutôt que de demander un sursis à la Cour d'appel du Québec, le temps de réfléchir à un appel.
Ironiquement, un consortium de six provinces s'est rangé derrière les compagnies de
tabac, parce qu'elles espèrent récupérer des millions de dollars qu'elles ont dépensés pour le traitement des maladies du tabagisme dans leurs hôpitaux. Le regroupement affirme qu'il faut donner une chance au dialogue et à la négociation pour que tous les plaignants soient indemnisés.
L'avocat du consortium fait en outre valoir que la Colombie-Britannique a elle aussi entamé un recours judiciaire contre les cigarettières il y a 21 ans, tout comme au Québec. Pourquoi les victimes du Québec devraient alors être récompensées avant celles de la Colombie-Britannique?, s'interroge-t-il.
Seule l'Ontario fait bande à part, parce qu'un procès imminent risque de ne jamais avoir lieu si la protection accordée aux cigarettières n'est pas annulée.
Toutes les parties devront à nouveau se retrouver en cour vendredi matin, parce que la protection que les cigarettières ont obtenue devant les tribunaux expire le 5 avril et les géants du
tabac comptent demander à ce qu'elle soit prorogée.
source
www.radiocanada.ca