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Mémoire 



Les billets P.A comme un écho de mon psychisme...

Toutes les personnes de ma vie ne m’ont pas abandonné. C’est moi qui les ai tour à tour abandonné. J’ai sciemment fait le désert autour de moi. La mémoire… la mémoire est le centre névralgique de toutes choses. « Mémoire » est pour moi ces derniers jours le plus beau mot du monde. Si je souffre autant, c’est parce que je n’ai toujours pas compris ce que veut dire « vivre », ce que vivre signifie vraiment. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Je ne veux pas savoir ce qui s’est passé. Je veux vivre libre et avancer. Je dois persister à me souvenir uniquement des meilleurs moments de ma vie, ne plus être envahi par les flashs sans fins de clashs, j’ai ma propre logique, ce monde à la sienne. Je commence à perdre quelques capacités cognitives, des souvenirs basiques qui s’envolent comme le simple fait de ne plus savoir jouer aux échecs ni au poker. Alors je passe des journées entières à essayer de réapprendre. Le passé sans cesse me court après, c’est le présent qui m’échappe. On peut oublier le passé, mais le passé lui ne nous oublie jamais. Je n’ai aucun diplôme, j’ai tout foiré, je ne veux pas savoir pourquoi, à quel moment à eu lieu mon effondrement, en fin de 4ème, je sais. Je veux me battre contre la maladie. Les excès mènent à la lassitude. Le corps transporte l’âme. Si mon corps est usé, il n’en va pas de même pour l’âme, qui malgré tout reste lumineuse.

De cette dimension j’ai fais le tour. J’ai oublié tout ce qu’il ne fallait pas oublier et je me remémore les choses que je dois impérativement oublier. Souviens-toi mec… souviens-toi de ces moments géniaux, souviens-toi des teufs par exemple, des free si parfaites que j’en oubliais ma condition terrestre, ambiance kaki (roll), y’avaient de vieux keupons, des cailles faisant leur bizness, de jeunes loups égarés, des personnalités tout droit sorties d’un film ou d’un livre dont on ne se remet jamais, l’espace d’un soir sous les étoiles, où le temps stoppait sa course, où la bienveillance régnait partout, où les meilleures drogues circulaient gratuitement, où je n’avais pas peur de parcourir trente bornes à pied sac au dos à travers les bois, bourlinguer au quatre coins du pays, j’étais sans frayeurs, il n’y avait pas en ce temps là de phobie sociale. Quand je dormais dans les halls d’immeuble, je n’avais ni besoin d’anxiolytiques ni besoin d’un quelconque remontant. Pourtant le danger régnait, mais je m’en foutais. Comment j’ai pu oublier ces paradis loin d’être « artificiels », ces paradis faisaient parti de moi, de mon être, me transportait à travers les galaxies des rues. En ces temps là je vivais mes délires, ma synesthésie chronique, de la plus belle des façons. Le meilleur des teufs c’était ce moment où blotti contre mon amie on se remettait du speed avec de l’héro et doucement dans le camion à travers les stores se filtraient les rayons de l’aube. C’était l’un de ces matins où pour la première fois les idées d’un roman germait en moi. Je me souviens avoir écrit un truc sur un bout de papelard qui avait servi de paille :

« Le crépuscule invite la nuit, la nuit imagine les aurores, les aurores hallucinent le jour, le jour invoque l’Être, et l’Être invente le crépuscule. »

J’ai gardé ce morceau de papelard pendant plus de quinze ans, dans une pochette avec d’autres choses dont je ne me suis jamais séparé, malgré neuf déménagements. C’était une époque si surréelle que je me demande encore si je ne l’ai pas simplement rêvé. Rien que pour avoir vécu de tels moments magique, l’éternel retour en vaut vraiment la peine. Le paradis c’est peut-être ça au fond, revivre encore et encore les meilleurs moments de sa vie. Se battre contre la maladie c’est déjà tenter de détruire en soi tout penchant nihiliste. Les toubibs me demandent si j’ai des idées noires quand j’ai l’impression que le sol se dérobe sous mes pieds, que je ne reconnais plus les chemins que j’empruntai dix ans en arrière. Aux idées noires, je répond par l’affirmative mais toujours suivi de cette phrase : « je reste ici-bas parce qu’ils y a ceux et celles qui restent ici-bas. » Jamais je n’aurais de retournement agressif contre moi. J’ai lu sur P.A quantité de billets et de posts qui m’ont largement ces dernières semaines fait changer d’optique, même si j’interagis très peu sur le site, en mode écoute mais silencieux. Mon coté doomer s’efface progressivement. Je ne veux plus verser dans le post-apo, je veux faire germer au contraire mes utopies. Comme l’a dit un auteur : « il est plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme ». J’en suis là, la nuit s’écoule doucement, dans une semaine je pars en virée dans le sud, j’attends le soleil avec impatience et la mer. Mon monde psychique est comme un océan, avec des vagues de fond, des ressacs violents et des flots de coïncidences qui ne sont que des simultanéités. J’ai entendu hier un type parler de « la soif de vivre ». J’ai trente neuf ans, on s’étonne parfois que ce soit le cas, généralement on me donne moins. Mais je garde en tête qu’après tout, la vie peut (re)commencer à quarante ans. Je n’ai pas vocation d’être un poète ou un donneur de leçon... seulement voilà :

… Alors
L’océan doit descendre et remonter un million de fois,
Et lui, être opprimé. Pourtant il ne faut pas qu’il meure
Avant que ces choses soient accomplies. S’il scrute…
La magie jusqu’en ces profondeurs, et expose
La signification des mouvements, des formes et des sons,
S’il explore toutes les formes et les substances
En remontant jusqu’à leurs symboles-essences,
Il ne faut pas qu’il meure…


Yep, « mémoire » est le plus beau mot du monde.

Je vous salue tous et toutes salut


Catégorie : Carnet de bord - 13 mars 2023 à  22:31



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