Paradigme de la déviance
Symbole et parangon de l'insécurité urbaine
Est-ce que les fumeurs de
crack ne sont pas en train de devenir les stigmates de la politique sanitaire et un des symboles de l'insécurité urbaine ?
A en croire la récente présence policière de patrouilles de CRS sur la plateforme et la place de la Rotonde sur le secteur Stalingrad, il est manifeste que l'étau se resserre pour disséminer les fumeurs de
crack. Les interpellations et contrôle d'identité se multiplient ainsi que les fouilles systématiques. Il y a jusqu'à quatre cars qui sont en faction de jour comme de nuit, pleins phares braqués sur le surplomb gauche, élu comme point de rencontre où une population à mauvaise réputation a choisi ce lieu et se trouve dès lors sous surveillance rapprochée. La police guette les allées et venues
La Rotonde de Stalingrad est un des hauts lieux historique de Paris intra-muros en terme de visibilité et de circulation des fumeurs de
crack. La notoriété de ces « carrières » est aujourd'hui mise à mal pour cette population dite « stagnante « et mouvementée autour des dealers qui se partagent l'espace.
Les bas –seuils à l'épreuve
Cette population qualifiée de dernier échelon de l'échelle sociale est visée en premier lieu. Le lien qui les rattachait à un lieu est devenu un lien faible. Ce lien leur donnait aussi un sens en terme de territoire et confortait leur identité. On note une fragmentation et un éclatement de ce lien fragile qui reliait les crackers entre eux. Cet effet est la conséquence de la multiplication des interpellations procédées par les forces de l'ordre. Si la Rotonde est un point central, cette traque concerne aussi les jardins d'Eole en contrebas vers la rue du département. Il s'agit d'éloigner les scènes de deal et de consommation qui sèmeraient l'insécurité pour les riverains sur ce territoire public.
Hors ce lieu permettait aussi le regroupement d'une communauté fragile. Régulièrement ces offensives produisent leur effet. L'éclatement spatial décime et disperse comme une volée de moineaux, ceux qui tenaient la place. La vigilance des forces de police guette tout attroupement de "bronzés" et de "renoi".Des itinéraires d'errance aboutissaient souvent là . Ces trajectoires sont de nouveau dites « classes dangereuses ». Disséminés, les grappilles se reforment avec difficulté. Il s'agit de la perte d'un pan de leur identité fragile en tant que telle et pourvoyeuse de violence dans l'opinion publique ainsi que les riverains qui se plaignent de ces « marginaux ».
On retrouve le sempiternel débat qui oppose ces « vagabonds » à la vie sociale précaire de "monsieur tout le monde et bien pensant" . Quand à lui, le fumeur de
crack, il est possible de l'assimiler à cette figure du vagabond(1).On ne peut pas nier pourtant l'extravagance de ces addicts pouvant aller jusqu ‘au meurtre. La Rotonde a connu son théâtre de violence et a été scène de crime.
En résulte encore la question du devenir de ces gens dans la recomposition du lien social qui relie les addicts , quand on voit poindre l'augmentation de la répression dont ils sont l'objet.
Qui de nous n'a pas tressauté à l'arrivée des phares de voitures de police banalisées éclairant la scène où dealers et clients échangent, surtout en cours de transaction?
Olga MELVILLE
Amadou FALL
(1) Ce danger s'est cristallisé sur la figure du vagabond, c'est-à -dire de l'individu désaffilié par excellence, à la fois hors inscription et hors travail. Robert Castel.in l'Insécurité sociale.2003 :12