Toxicomanie "juvénile", et après ? 



Bonjour !
C'est mon premier post sur le forum, bien que je le fréquente depuis quelques années en sous-marin.
J'ai décidé de sauter le pas en écrivant ici, portée par l'idée que d'une part certaines personnes pourrait s'identifier à mes questionnements ; de l'autre, que je me sens très seule avec ces derniers...
Pour vous expliquer, je suis quelqu'un de très introvertie. Je reconstruis petit-à-petit une nouvelle vie, après des années de drogue et de déroute. Je n'ai plus rien de mon passé ; de ce fait, je ne peux pas parler avec mon entourage de toutes ces questions qui me taraudent aujourd'hui...
J'ai commencé à me défoncer très jeune (pour simplifier : debut collège avec des anxiolytiques divers, puis tramadol et codéine, cocaïne début lycée, ecstasy, énormément de cannabis (presque "évidemment"), j'ai évité l'héro de peu avec mon premier shoot manqué... j'en passe).
Et aujourd'hui j'ai 20 ans, je vis seule depuis mes 17 et demi et mon gros problème c'est une incapacité totale d'adaptation, malgré mes efforts. Incapable de travailler, je resquille : mission locale, missions interim, tous mes jobs "stables" je foire puis j'abandonne. Incapable de maintenir mes relations sociales, d'être vraiment là ; l'impression d'être bête, profondément, toujours, encore. Perchée. C'est très dur. J'ai l'impression de manquer de logique, oui je me dis que mon cerveau est cassé ; pourtant d'un autre côté certaines choses sur lesquelles je me débrouille, mais je ressens le décalage, chaque jour. Je le vis comme un poids ; déjà à l'école je ne sais pas comment j'ai pu obtenir mon bac. J'étais nulle : conseils de discipline, virée souvent, dort en cours, 0/20. Mais je me disais qu'en rentrant dans la vie active cela s'arrangerait, pas du tout. Et au stade où j'en suis dans ma vie, c'est un peu la question de l'œuf ou de la poule : ai-je pris de la drogue à l'époque parce que j'étais déjà mal dans un système auquel je ne me suis jamais sentie adaptée, ou suis-je profondément inadaptée parce que "perchée" maintenant.
J'aimerais savoir si des gens ressentent aussi ce décalage, cette incapacité à se maintenir dans une certaine stabilité, et arrivent à jongler avec le système quand même, quels sont vos ressentis ? La vie paraît longue avec ça à porter...
J'en ai même fait plusieurs dépressions, j'ai arrêté le seroplex il y a quelques mois. Dans l'idée d'affronter. Mais c'est dur.
Merci de m'avoir lu.

Catégorie : Tranche de vie - 07 janvier 2022 à  09:14



Commentaires
#1 Posté par : marvin rouge 07 janvier 2022 à  19:39
Tu as 20 ans, tte la vie devant toi
Non tu n'est pas inadapté
Déjà faut savoir ce que l'on veut
Ça prend du temps de s'adapter à un taf

Et au jour d'aujourd'hui, on fait plus le même taf tte sa vie, sauf certains domaines, et encore

Ya plein de gens ds ton cas, et on arrive à vivre
Tkt pas, prend le tps de te construire (20 ans ç jeune), et ça va le faire tkt

J'ai consomme autant(sinon Bcp plus que toi étant jeune, même âge)
J'ai passé la quarantaine et ça va très bien

Tu t'en fout de l'avis des autres, fait ta vie à TOi

Amicalement
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Bien dit ! À 20 ans tout est encore à écrire , rien n est perdu! James

 
#2 Posté par : Stelli 07 janvier 2022 à  23:12
Tes jobs, c’est alimentaire ? Pas étonnant de pas tenir si c’est pas forcément passionnant ou motivant... Pas facile de trouver sa voie à 20ans, d’être « stable », quelque soit le domaine. Encore en construction, dans un monde complexe, incertain, un peu flippant...
Où tu en es dans ta vie perso? Psychologiquement? Des centres d’intérêt ? Niveau relationnel ?
Sois indulgent(e?) avec toi-même, la vie n’est pas toujours simple, on fait comme on peut avec le bagage qu’on a...

 
#3 Posté par : yukastro 08 janvier 2022 à  03:51
sincèrement si l'heure était bonne pour énoncer mes ressentis alors je te dirai d'une façon absolument désespérée que je fais plus que me reconnaitre ou m'identifier dans ton parcours. le fait d'être une personne particulièrement cocasse, avec un comportement considéré comme hors normes en société a eu beaucoup d'incidences sur mes consommations, je l'admets.

ce monde est effrayant. je m'y sens fondamentalement inadapté, stupide, bizarre. certaines choses qui m'entourent ont si peu de sens que mon envie de disparaitre ou de les comprendre se traduit en une consommation ma foi abusive de beaucoup de choses douteuses.

ton évolution est encore une fois tellement similaire à la mienne que j'avoue me questionner vis à vis de ta situation actuelle en la comparant à la mienne.

en attendant ta réponse

 
#4 Posté par : chefdeguerre 08 janvier 2022 à  13:11
Merci pour vos réponses, je vais m'expliquer un peu plus sur mon parcours.

Au niveau du travail Stelli, j'ai fait deux ans de fac : une première année où je buvais beaucoup, très souvent (comme encore maintenant d'ailleurs).
Absolument pas centrée sur le travail (j'ai beaucoup de difficultés à "m'ancrer" dans les choses dites sérieuses...) donc j'ai voulu me réorienter, pour finir par tout abandonner sur un coup de tête l'année dernière (j'ai resombré dans mes travers). J'ai fêté mon échec à l'alcool, seule.
Depuis j'enchaîne les tafs, certes alimentaires, avec une certaine peur de reprendre un projet concret, car je finis toujours par "repartir" dans mes problématiques : boire beaucoup, m'isoler, ignorer la terre entière. Je suis toujours sur le fil du rasoir, c'est-à-dire que je fais le minimum pour me maintenir dans la société au niveau des besoins vitaux, je sais à peu près à qui (assistantes sociales etc.) il faut parler pour obtenir telle ou telle chose, mais quand il faut s'installer dans une stabilité cela devient insurmontable pour moi, construire quelque chose.
J'ai aussi un parcours semé d'embûches, avec des parents addicts et borderlines (diagnostiqués) (et suicide ma mère par overdose il y a qql années), j'ai été dans la rue très jeune. Donc peur des psys, peur des gens. Aussi malgré l'aide "concrète" qu'on peut nous proposer, malgré les médicaments ou l'écoute de professionnel il y a des choses vécues dans le corps on pourrait dire, dans le fond de la tête et donc ça ne peut pas disparaître, il faut vivre avec. C'est ce qui est dur, ça génère une solitude immense que j'apprends encore à apprivoiser, c'est pourquoi je dis que je me sens "inadaptée". Et rares sont les gens vers lesquels je finis par me tourner puisqu'ils comprennent "mieux" avec qui ça ne finit pas dans un cercle d'auto-destruction quelconque (alcool, drogue, massivement, sans jugement evidemment car chacun porte sa croix), et comme j'essaye de me maintenir je coupe les ponts sans ne jamais rien dire à personne. Je vis des relations tres intenses pendant un temps relativement court, puis je fais tout disparaître.
J'ai essayé et j'essaye encore les relations, ça m'a déjà pris du temps d'en arriver là après plusieurs années de quasi mutisme au college. Et je ne parviens pas à les maintenir, non pas par ennui mais parce que je suis habituée et très installée dans ma solitude interne, et surtout parce que je ne m'attache ni ne fait sincèrement confiance à personne. Cependant j'aime beaucoup apprendre des autres, je donne toujours tout ce que je peux, de mon ecoute à du materiel, mais quand il s'agit de donner de ma personne, c'est niet pour l'instant. Peut-être que commencer à libérer ma parole ici est un premier pas.

 
#5 Posté par : Stelli 09 janvier 2022 à  21:41
Pouvoir poser les choses par écrit est toujours positif. Ça permet de prendre du recul, de se comprendre, se voir différemment parfois. Quelques fois on rencontre (virtuellement du moins) des personnes dont le vécu fait écho en nous, et les échanges qu’on peut avoir permettent d’entrevoir de nouvelles pistes, de nouvelles possibilités, ou au contraire d’autres parcours, dont on peut s’inspirer.
Le changement prend du temps, implique beaucoup de facteurs différents. Sois patiente. Un jour tu trouveras du sens à tout ça.

Essaie de prendre soin de toi.

 
#6 Posté par : chefdeguerre 10 janvier 2022 à  12:32
Merci beaucoup pour ton message et ta bienveillance, qui me touchent beaucoup.
Prend soin de toi également, ainsi que vous autres qui le liront :)

 
#7 Posté par : MagicMushroom 10 janvier 2022 à  22:32
Bonjour à toi,

J'ai 21 ans et depuis 1 an et demi, je consomme de la drogue dure. (Je suis actuellement sous 7 benzodiazepines ce soir). Je fume de la beuh en énorme quantité depuis plus d'un an. Et ai consommé kétamine, c (en crack aussi), toutes sortes de benzo, codéine, mdma, alcool,poppers, protoxyde d'azote, lsd, champis, tabac, que je peux consommer de façon plus ou moins régulière selon les substances. J'ai failli être tentée par l'héroïne pour la première fois de ma vie aujourd'hui mais finalement ça ne s'est pas fait. Je te comprends parfaitement et je me demande toujours comment une personne "normale" peut vivre ne serait-ce que 24h sobre... je ressens comme toi ce décalage, sache que tu n'es pas la seule, et que la plupart d'entre nous s'isolent simplement pour masquer la honte qu'ils peuvent ressentir...

 
#8 Posté par : Faldartuum 11 janvier 2022 à  18:50
Salut camarade.

Je suis à des années lumières de pouvoir me comparer à ton parcours sinistré, ayant eût une enfance "dorée" comparé à la tienne.

Cependant je te comprend et me reconnais totalement dans tes mots: envie d'isolement, solitude, difficultée à se réinsérer dans la société, anxiété omniprésente et souffrance constante.

J'en cerne la cause, un but accompli, ce qui devait être une libération fut ma prison, allez savoir pourquoi.

Et toi, réussis-tu à mettre le doigt sur ce qui bloque ?

Quand je perd mon objectif j'ai tendance à en chercher un en regardant vers les abysses.

On les connais les "remèdes miracles":

La chaleur des opiacés souffle le gèle de la solitude.

La platitude des benzodiazépines applanissent les pics de souffrance.

Les amphétamines, le THC et la Cocaïne offrent de courts épisodes de bonheur synthétique.

Ça ne dure jamais longtemps, et un adage illustre à la perfection cela : "What goes up must come down".

Si tu arrives à entretenir des relations, aussi courtes soit-elles, c'est déjà un énorme point positif !

Force à toi, à vous, à nous.

P.S: Si jamais tu/vous es/êtes tenté de shooter des opiacés en I.V, oublie. C'est TRÈS décevant en venant d'une conso per os (en avalant) et la tolérance grimpe au plafond dès les premiers fix. Oxy, Hydrocodone, Morphine, même attrape-nigauts pour un moment de plaisir de 30 à 50 minutes chronomètre en main.

En 2 semaines et 30 seringues j'en étais rendu à 150 mg d'Oxy + 50 mg de morphine en I.V pour un ressenti d'un codoliprane un an plus tôt. C'est démentiellement débile et désagréable avec la morphine qui démange et gratte jusqu'au sang.

 
#9 Posté par : Anonyme2553 12 janvier 2022 à  16:39
Salut Chefdeguerre,

Tes questionnements sont légitimes & ton message me touche beaucoup...j'ai traversé ce que tu décris plus jeune...alors je ne peux répondre que sur un ton très personnel.

Ce que je ressens tout d'abord à la lecture de ton post, c'est une grande sensibilité, une grande clairvoyance, une grande force aussi, que je devine dans le rythme de ton écriture et ta manière de te présenter. Visiblement tu n'es pas si "perché" ; je dirais même que tu es très adulte, et pas du tout inadaptée...

Sur un fond de dépression & d'antécédents familiaux plutôt lourds, tu sembles souffrir d'inhibitions quant au travail (il ne faut pas incriminer la nature du travail, les petits boulots par ex; ici chez toi c'est la possibilité même de travailler qui est entravée), de pensées auto-dépréciatives, et d'un repli affectif général. Ce sont des manifestations invalidantes d'un conflit psychique (mal-être, refoulements, traumas, historique familial, etc.) qui apparaissent chez certaines personnes au début de la vie adulte. La conso n'en est pas l'élément déclencheur (toujours elles, les drogues !!) mais plutôt la solution de compromis que tu as choisie pour combattre la dépression à l'adolescence & ces manifestations qui t'échappent.

Non, tu n'es pas "nul" comme tu l'écris et tout montre que ta consommation ne t'a pas laissée "perché".
Les échecs professionnels que tu mentionnes ne sont pas des échecs dûs à tes compétences ou ta personne. Ce sont des échecs névrotiques sur lesquels tu ne sembles avoir aucun contrôle et dont tu n'as pas la moindre explication... D'ailleurs, tu es capable de verbaliser ta souffrance, tes symptômes; ton texte soulève très clairement le problème ce qui est bon signe. Certaines personnes, au contraire de toi, ne se rendent parfois pas compte de l'apparition de ces troubles tout en observant le décalage dont tu parles... Ce qui engendre beaucoup de souffrance...

La survenue simultanée des manifestations que tu décris est assez typique d'un trouble psychique/névrotique qui s'installe vers la fin de l'adolescence/début âge adulte. C'est un tableau courant qui renvoie souvent à une dépression infantile, à des traumas refoulés, des symptômes d'angoisse, des événements de l'enfance (instabilité, violence, carences), des accidents comme un rejet, ou une peur entre autres. C'est très impressionnant quand ça se déclenche, quand ça devient hors de contrôle. Il s'agit d'un véritable trouble psychique qui a pu se développer à partir de cette dépression précoce que tu mentionnes et qui est déjà assez ancienne....

Ces échecs, ces inhibitions, ce défaut de confiance en toi, ce "décalage" sont a priori des sortes de réponses maladroites à une réalité qui t'est difficile à vivre ou qui est vécue sur le mode de l'angoisse par ex. C'est tout à fait normal, chaque personnalité réagit à ce qui lui arrive avec ses propres ressources; mais il est clair que tes réactions face à la "réalité" t'entraînent vers un mal-être grandissant qui t'isole. Dans ce contexte, la conso de substances envisagée comme une béquille chimique à un moment s'est chronicisée à force en plusieurs troubles addictifs qui compliquent un peu plus ta vie. Tout ça demande une prise en charge rapide & sérieuse au cours d'une thérapie (de préférence thérapie par la parole & relaxation/sport etc), qui permet en général de lever les rigidités, d'accompagner un patient vers une autonomie professionnelle et affective (vie amicale, vie amoureuse) & de sortir de l'impasse, de se réinventer. Une enfance difficile, un couple parental carencé, des comportements ou des paroles inadéquats laissent une empreinte très lourde sur l'enfant (sur ses désirs, ses représentations, son identité etc.) qui sera un jour un adulte en difficulté.

Le témoignage que tu nous fais lire ici est plus qu'un simple post. Tu t'es autorisé à formuler une demande et à nous la faire lire : demande de parler, demande d'aller mieux, demande d'être aidé etc. malgré ta peine, ton abattement, ton incompréhension, qu'on peut lire, tout ça dégage beaucoup d'énergie et beaucoup d'intelligence. C'est une première étape importante pour accepter de devoir être aidé, de prendre la responsabilité d'aller parler à un professionnel, et d'entamer un bout de chemin, pas toujours évident à comprendre, et à la fin duquel tu pourras peut-être enfin être le sujet d'une parole et d'une existence qui t'appartiennent enfin. 

C'est assez direct comme réponse à ton post, avec le parti pris de te donner un avis perso (même si je ne suis pas médecin & ouvert à la discussion), étayé sur mon expérience. Mais je ne pouvais pas répondre autrement ; et souligner une dernière fois que je perçois dans ton écriture une force et une expressivité qui laissent entendre une parole bien décidée à se libérer !

Amicalement
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Paroles éclairées, pensées clairvoyantes.
 
Idem, belle plume, bien expliqué et bienvieillant M. Rouge

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