Hier soir dans un bar de ma ville.
Où j'étais booké pour un mix.
Drôle de nerveuse soirée, tension dans l'air, des flics.
Et v'là la faune autour du bar, une soirée techno, en plein pré-post-confinement de l'apocalypse, ça attire de l'arraché, ouais.
On fait le set, on fait bien le taf, les gens sont contents.
Et puis on boit des coups, des bières des bières, et on rigole de se voir avec nos masques, dystopie Blade Runner, ça nous fait marrer autant qu'on flippe, c'est quoi ce monde ?
Et là je croise S.
C'est le gars qui a souvent de bons trips alors je lui en demande un, bingo.
Pas fou, je le
coupe en quatre le machin, je prends un quart, j'en refile deux à des potes...
L'erreur de débutant : alors que mon premier quart n'est pas encore monté, j'en reprends un. Impatience, inconscience, je m'en foutisme de vieux keupon bourré, et puis bon, au pire qu'est-ce qui peut m'arriver ?
On plie le matos après le set, on salue la compagnie, on trace au local pas loin pour ranger nos caisses...premières distorsions gravitationnelles, du léger, quintes de rire perdues dans les clefs d'une porte que je ne parviendrai jamais à ouvrir...En désespoir de cause on finit par appeler un taxi, il pleut.
C'est là que tout arrive. Plongée dans un lit de fluidité. Habitacle multicolore ultra-technologisé de taxi spatial. À ce stade j'arrive encore à interagir, je paye le taxi et vamos à la casa.
Shit that
shit is strong that
shit is too strong
Mais putain pourquoi je me retrouve toujours plongé dans des trips pas prévus, embringué dans des 8h de voyage cosmique alors que moi je voulais juste me marrer un peu ??? When will I ever learn ???
Les autres vont se coucher et moi je dois me démerder avec ma méga montée, le monde me dégouline dessus, le cosmos me dégueule ses couleurs, me sature de couleurs, me fusionne de couleurs et cette pulse souveraine,
WANGAMANGAWANGAMANGAWANGAAAA
qui rythme l'univers, tous se démultiplie en infinis échos téléscopés, les livres sont des tunnels qui dansent, je coule, ça coule, tout coule, d'ailleurs "je" ne suis plus qu'une notion très vague diluée dans ce grand
WANGAMANGAWANGAMANGAWANGAAAA
seigneur jésus marie josette mais pourquoi on s'inflige des trucs pareils finalement, 2h 32, l'éternité, 2h37, les minutes s'égrainent infinies, je ferme les yeux, les rouvre, une heure est passée, entre temps à moins que ça ne soit après (mais putain quelqu'un pourrait il me dire ce que c'est que le TEMPS ???), j'ai pris le taureau par les cornes en m'enfilant 3
xanax, au grands maux les grands remèdes, sûrement en teuf je me serais laissé porter par la grande galacticavalcade de cataractes pluri-mémorielles de mon cul mais là il est 3h du mat', mon mec dort et ce trip s'est clairement trompé de soirée.
Tripkiller mon cul ! 3
xanax, et encore un une heure plus tard, et ok je veux bien que ça ait rajouté du moelleux au pudding mais redescendu ? Macache ! Lumière éteinte l'obscurité m'enserre de ses noirs tentacules adipeux de terreur lovecraftienne, lumière allumée les couleurs voraces sirupeuses me coulent au fond de l'âme comme un sirop d'érable goût cosmos, j'attends, j'attends, j'endure, les minutes passent, les heures, le trip lentement s'enlise dans une rêverie libidineuse à s'en tripoter la bite, ce qui occupe. Tout en pensant à l'ineffable et à l'absurdité de ces expériences tellement incommunicables que finalement on est seul, seul avec des gouffres qui se foutent gentiment de notre gueule et de notre prétention à trouver un putain de sens...
Jusqu'à l'instant überbéni où brusquement l'esprit reconnecte, le moi malmené reprend le contrôle du vortex central et on peut se dire "ha ça y'est, c'est fini"...C'est à dire que ce n'est pas fini du tout et que j'en ai encore pour plusieurs heures de distorsions et autres galipettes spatiales les yeux perdus dans les motifs aztèques de la moquette, mais au moins c'est bien moi qui tient le gouvernail...
Enlisement, enlisement dans les marais de l'épuisement, midi ou plus, purement assommé, le chaton pas affolé par mon escapade aux confins du monde identifié vient me ronronner sur le ventre, et, enfin, je dors.
Ici, une relique découverte en pleine mise à feu dans l'ascenseur de mon immeuble. Son insignifiante, ridicule et éclatante signification cosmique, universelle et transcendantale ne vous échappera pas. Misérable miracle, disait Michaux, à moins que ça ne soit sa jument...