Tu sais Sil plus je regarde ce problème sous toutes les coutures, en y mettant un peu d'expérience de l'âme humaine, plus je crois que le modèle le plus efficace, c'est que tout le monde aimerais se faire plaisir de temps en temps et que ceux qui ne veulent pas prendre le risque de le faire avec la drogue (ce sur quoi je vais les défendre car c'est plutôt pertinent dans l'absolu) ne veulent pas du coup que les autres y aient droit (là je ne les défend plus). Ce qui prouve qu'ils se réfrènent pour de mauvaises raison mais c'est encore un autre problème.
On est une société de singes assez évolués, mais les jeux sociaux de domination y sont les mêmes exactement avec peut-être encore plus de complexité, mais sans modification notable de leur nature et de leur importance individuelle ou collective.
La société est en plein paradoxe car elle valorise sans cesse le risque, l'aventure et la découverte : ceux qui n'ont pas peur sont par atavisme primate, les dominants. Les usagers de drogues n'échappent pas à la règle, on se souvient tous que les mâles alfa au lycée étaient les premiers à se pointer avec des paquets de clope puis à fumer des
joints etc. Le secret et l'interdit ne leur fait pas peur, c'est ce qui fait qu'ils sont fascinants. Mais les autres ne se laissent pas faire et jusqu'à un certain point, ils ont raison : ce n'est pas correct d'idéaliser trop ces comportements. Y résister c'est une chose... de là à développer une haine ou une cruauté c'en est une autre. Mais il faut aussi les comprendre : la société est dans le déni et le mensonge le plus total : elle met en avant les singes dominants sexuellement (les bad boys) et d'un autre côté elle les maudit et fait campagne contre eux. Ces pauvres pharmaciens ont cru à force de morale suintante qu'ils arriveraient à trouver une récompense sociale en restant sages et la récompense n'est jamais arrivée : c'est quand même le mâle alfa de sa classe, celui qui fumait le premier, qui se droguait le premier, qui est sorti avec toutes les filles dont il était amoureux, puis qui les jetait, comble de mépris pour lui, le gentil, qui au mieux les consolait mais sans pouvoir les toucher... Chez le primate, les frustrations de ne pas avoir eu les femelles qu'il désirait sont d'une force inouïe.
Je ne dis pas que la vengeance des années plus tard est une réponse adaptée, mais quand on nous a menti comme la société l'a fait au pharmacien, c'est une réponse naturelle de primate qui veut maintenant inverser les rôles et qui en a l'occasion rêvée. La société lui a dit ce qu'il devait faire, mais ne l'a pas prévenu des conséquences ni de comment gérer les émotions. D'autre part les primates tendent en permanence à essayer de faire déchoir les dominants : oui vous profitez des femelles, mais vous allez le payer par une tension permanente. Chez les primates comme chez les rats, les dominants vivent moins longtemps et plus stressés.
Donc ces pharmaciens sont juste des frustrés. Ils ont une revanche de primates. Ce n'est pas joli mais c'est difficile de blâmer à cent pour cent si on a une vue d'ensemble.
Alors bon il y a pas mal de clichés, parfois approximatifs dans mon résumé, mais ce que je veux dire, c'est que nous restons des sociétés de primates avec des réactions de primates tout à fait typiques de tous points de vue. Plutôt que de s'étonner, mieux vaut avoir une approche compréhensive. Oui je sais que c'est pas la faute du pauvre type en chien, mais dans une certaine mesure, le pharmacien est victime aussi de la mauvaise foi de notre société, de ses mensonges, de ses contradictions.
Oui j'ai pas mal observé les singes quand je vivais en Inde, et ils m'ont beaucoup appris sur les humains. Si on veut rester dominant, il faut éviter cette situation de devoir son salut à un pharmacien.
Mais si j'ai raconté ce roman, c'est aussi parce que toute la politique de prohibition est liée à ce comportement atavique. Et même on peut prolonger jusqu'à cette théorie sur la lutte contre la drogue qui serait une lutte raciale : et oui si un singe plus foncé vient sur ton "territoire" et séduit tes femelles (sans juger de la pertinence du cliché), la réaction sera démultipliée.
Oui il faut apprendre à sortir de ce comportement de primate, mais cela ne se fait pas en le niant ou en ignorant sa nature. Comme d'habitude, une approche compréhensive est la seule qui peut réellement aider.
[Edit pour éviter les malentendus : Nous sommes bien placés ici pour savoir que nous ne sommes pas forcément des mâles alfa tyranniques et que personne ne vient voler les femelles des autres, on a décrit un schéma de pensée plus fort que nous qui cause diverses formes d'intolérance, une réalité imaginaire due à notre atavisme]