Ce qui me manque, ce n'est pas tellement ce sentiment d'euphorie, c'est plutôt cette motivation.
Cet élan vers les choses.
Cet espoir.
Cette plénitude et ce sentiment d'être entière, remplie.
Je n'aime pas, je ne regrette pas, et je voudrai échapper à ces dents de scie.
A ces extrêmes, à ces excès d'émotions,
Je souhaite retrouve un équilibre, une égalité d'humeur, un contrôle de moi.
Mais je n'y suis pas encore.
Car j'ai toujours ce sentiment de ne pas être complètement là.
De penser toujours à ailleurs, avant ou après.
De ne pas être vraiment bien là où je suis, d'avoir peur de l'après, de ce qui m'attend.
Alors, je comprends mieux ce refuge que j'ai trouvé dans ces paradis illusoires, ces paradis éphémères, ces paradis artificiels.
C'était le refuge au milieu de la tempête.
La maison en sucreries de la sorcière, comme dans Hansel et Graetel, ou celle de l'ogre dans Le Petit Poucet.
Aujourd'hui, il faut que je me sauve, pour ne pas finir manger par la sorcière ou l'ogre.
Il faut que je sorte, que je m'échappe de cette maison qui m'a semblé rassurante et confortable mais qui me conduit en fait à la mort.
Il faut que je me confronte à la tempête.
Au monde du dehors, que j'ai voulu fuir tant il me faisait peur, avec ces bourrasques, ces ombres, ces craquements, ces branches qui volent et ces arbres qui se ressemblent tous et ne me donnaient aucun repère.
Il faut que j'y aille.
Ca fait mal, ça fait peur, c'est inconfortable, ça donne froid, ça single les joues, ça épuise.
Mais à force d'avancer droit devant, même s'il me faudra faire quelques pauses pour reprendre mon souffle, et que je tomberai quelque fois en butant sur des branches mortes ou en glissant sur la mousse humide de la rosée du matin, que je tremblerai en entendant le hululement d'une chouette ou le cri d'un hérisson, si je continue malgré mes peurs et mes peines, alors, je le sais, je finirai par apercevoir une lueur.
Alors, je comprendrai que tout ça n'aura pas servi à rien, qu'il y a bien un pré, un ciel, de l'herbe verte, du soleil, un monde plus chaud et plus beau derrière l'ombre des arbres.
Et que cette forêt était finalement si peu dangereuse, si inoffensive, et finalement si belle, comparée à la menace et au danger qui se cachaient derrière l'illusion des sucreries de la sorcière ou de la bougie de l'ogre dans sa chaumière .
J'ai perdu du temps, de l'énergie dans ces maisons.
Je me suis épuisée inutilement alors que j'aurai pu marcher dans la forêt sereinement pour en sortir plus rapidement.
Mais voilà, c'est fait, j'y suis entrée. Je ne peux pas effacer ce que j'ai vu, entendu, goûté dans ces maisons.
Car au fond, je l'avoue, c'était si bon, à l'intérieur ...
Je ne peux pas nier que je m'y suis trouvé bien, entre ces murs, qu'ils m'ont rassurés un court instant.
Je m'y suis réchauffée.
J'y ai pessé un moment qui m'a enrichi.
ALors, c'est ainsi, et cela ne me fera pas avancer de regretter y être entré, de les enterrer, les mettre sous clé, et me fouetter en me traitant de demeurée.
Je préfère les regarder, ces souvenirs.
Les accepter,
et essayer d'en tirer ce qu'il y a à utiliser la dedans.
Comme des vêtements tachés, je les lave, je les essore, je les tore, je les claque dans l'air, je fais sortir toute l'eau et toutes les
poussières que je recueille dans une boite pour mieux les analyser et les comprendre.
Et même si je garde les traces, les bouts de terres, les taches, les cailloux, les cendres et la
poussière de toute cette aventure, mon vêtement sera propre.
Même s'il a vécu, qu'on devine en s'approchant qu'il n'est pas à tout à fait neuf, il est quand même beau et entretenu.
On a envie de le porter, ce tissu blanc cassé.
Car c'est un habit qui rend beau.
Et surtout, qui sent bon.
Je veux me laver de cette odeur.