Ça faisait un bout de temps que nous n'étions pas sortis.
Blottie contre lui, au fond du Uber, ma langue joue avec le petit
buvard que je viens de poser sur elle. Trop peu pour être hallucinogène, mais suffisamment pour être récréatif, c'est comme ça que j'apprécie mon dosage en soirée.
Arrivés après quelques dizaines de minutes de voiture, nous entamons la calme queue composite, remplie de gens hauts en couleurs. La montée commence à se faire sentir, cette douce et graduelle montée que j'apprécie tant. Nous nous regardons et échangeons un sourire heureux et amoureux. Nous entrons.
Les chapiteaux sont aussi bariolés que ceux qui les peuplent. Nous nous dirigeons vers le second ; c'est là que nos amis nous attendent. Tous de paillettes vêtus, ils nous accueillent en nous peignant des signes occultes sur le visage, de grands sourires aux lèvres. Je souris. La musique est forte, agressive. Violente. Ca tombe bien - j'en avais besoin. Nous ne bougerons presque pas de ce chapiteau pour les 7 heures qui suivront.
Le pic arrive puis repart, pour mieux revenir. Je suis dans un état second, comme tous mes collègues. Un d'eux a mis des cornes de diable. Dans ces lumières fauves, il n'a l'air de refléter que le rouge. La D a fait disparaÎtre ses pupilles sous ses paupières, l'on ne peut apercevoir que le blanc de ses yeux. Je danse avec le diable, des fous, une ménagerie affolée. Oh ! Dieu que c'est bon. Les lumières se mélangent, se mêlent à leur visage, lient notre ronde effrénée.
Il est 3h, en prendre encore un peu ne me déplairait pas. Mais mon homme, qui revient du bar d'un air dépité, m'annonce qu'il a perdu ce qu'il lui restait. Il saupoudre de la D dans son verre et m'en propose. Je refuse – grande angoissée, les cocktails, même le
candy flip, ne m'ont jamais attirée. Je reçois un SMS de l'homme qui m'avait proposé d'y aller. Homme qui m'a avoué ses sentiments il y a quelques semaines, homme auquel je n'avais pas parlé depuis ce moment là . Mais tout de suite, cela m'importe peu, tout a l'air futile. Je vais le chercher, tant pis. Il sait que je n'accepterai rien dans tous les cas, et que je suis venue accompagnée.
J'escorte cette créature éthérée totalement arrachée jusqu'à notre droguée congrégation. L'interaction est très courte et peu intense – il part rapidement. Peut être à cause de la musique, qu'il trouve « glauque », peut être parce que je serre et aime mon homme un peu trop fort à ses yeux. En effet, le monde semble limité à nous deux, parfois seulement à moi, et je ne ressens aucune envie d'aller parler et voir d'autres personnes. Mes expériences avec le L n'ont jamais été très sociales.
Il est 4h, je croise une vieille amie perdue de vue. Nous sommes toutes les deux survoltées et drôlement heureuses de nous recroiser. J'écourte pourtant l'interaction à cause d'une grande envie d'aller danser et de rester tranquille dans mon petit trip.
Boum. Boum. Boum. Boum. Mes veines me donnent l'impression de battre à 150 BPM.
Nous nous disons de belles choses qu'en temps normal nous ne faisons que sous-entendre.
Il est 5h. Un pic revient. Mais ; différent. Celui là me prend au cœur, m'envoie dans le recoin spirituel de mon cerveau que j'ai tendance à occulter. Quand je ferme les yeux, je vois les lacérations de la lumière et les boucles matérialisées de la musique se transformer en divinités égyptiennes, en Soleil et ravins brillants. Contrairement à la
MDMA, je ne sens pas la musique s'introduire dans mon corps et le mouvoir physiquement. Là , elle ne fait qu'accompagner les images que crée mon cerveau lorsque j'ai les yeux fermés. Les basses résonnent dans le sol du parc, l'ouvrent. Y font pousser des arbres millénaires. Le tempo baisse graduellement, les étoiles se déplacent plus lentement. Il repart soudainement, fait apparaÎtre une supernova.
- J'ai l'impression d'être dans un monde autre.
- Moi aussi. C'est marrant.
Mon cerveau s'emballe, pense faire des choix vitaux à chaque mouvement de tête. Je suis transportée. L'énorme fausse méduse qu'un fêtard fait flotter dans la foule, couplée avec la lumière bleue et les différents stroboscopes me donnent l'impression de toucher la croûte océanique.
Et la musique. La musique. Elle est si hargneuse que je me pose des questions à voix haute. Cet homme veut-il nous enterrer ? Ou veut-il nous bénir et nous canoniser ?
Ces questions resteront sans suite. Nous partons vers 7h du matin, conscients de la nécessité d'aller chercher soi-même la sortie du terrier du lapin, avant de s'y perdre un peu trop.
La pluie dehors est diluvienne.
Nous sommes toujours euphoriques. Oh, qu'elle est chouette la
descente de
LSD.