Origines mythiques de la médecine, et concepts antiques.
"Le remède peut parfaitement se trouver dans le mal, et le poison dans l'antidote (...), bien qu'opposés, (ils) participent, au fond, de la même nature"
Yannis Constantinides
Le pharmakon, en grec, désigne ce qui soigne, guérit, soulage. D’où vient le mot? De la Grèce antique, bien sûr. A Athènes, on choisissait, dans les marges, un paria, qu'on lapidait à mort. Le pharmakon (kos). C’est le nom grec, du bouc émissaire, faisant référence au rituel, hérité des Hébreux.
Tous les ans, au Temple de Jérusalem, on choisissait un bouc, sans tache, pur. C’est-à-dire propre à recevoir. En fait, deux boucs, et l'un était tiré au sort, pour Azazel, mystérieux no man's land, ou personnage?
Le prêtre (cohen) apposait les mains sur la tête de l’animal, énumérait, confessait, chuchotant à l'animal, les péchés de la communauté.
Puis on accompagnait la bête, ‘bamidbar’, dans le désert. Il emmenait avec lui, le mal, comme un véhicule, l'animal ne prenait pas le mal en lui, mais l'extrayait, pour le transporter, hors les murs.
Ce rituel des expiations est très important, il permet à la communauté de continuer à exister. D’ailleurs la fête du nouvel an lui, est proche.
Avant le début de l'année, on fait téchouva, repentance. Cela s’appelle le Yom Kippour, ou le jour de l’expiation, le seul où l’on prononçait le nom de Dieu.
Le mal que nous envoyons au dehors nous soulage de son poids. Il était donc en nous. L’ôter nous apaise et nous soigne. C’est le remède.
Remède et poison, spirituel et physique. Doux ou fatal, selon la dose.
Les mots pharmacie, pharmacopée, etc, sont donc issus, à l'origine, de la transmission, du Lévitique!
Il n’y a aucune contradiction et un lien très fort entre ces deux notions, remède et poison, qui n’en font qu’une chez les anciens (qui connaissaient aussi l’opium).
Arrêtez ce rituel dérivatif, et il arrive la violence (voir René Girard), le parcours des Juifs parmi les nations, boucs émissaires éternels, chargés de tous les péchés, du sang du christ à celui de gentils bébés, en témoigne....ironiquement.
Ce qui est incroyable pour moi, c’est que, non seulement ma famille a servi de souffre-douleur aux nazis et à l’Etat français, mais, j’ai été placé dans ce rôle de descendant de survivants, à titre individuel.
Le bouc émissaire, doit être sans tache, innocent, mais chargé de toutes les suspicions et, par effet miroir de tous les vices qu’on lui attribue.
Prochain mais autre, alter ego, le bouc devient homme, à Athènes. Ca change tout.
Il y a, comme dans les tragédies grecques, un héritage, destin et fatalité, qui nous fait comme on naît.
Héréditaire, est le statut dont on veut se défaire, celui de bouc émissaire. Le pharmakos, on le fait à toutes les sauces.
Par exemple (gentil), il y a une campagne anti-drogue au lycée, "Dealer c'est tuer" avec tête de mort, fémurs en seringue et
joint. Je suis le mouton noir de l’internat, différent, je suis innocent, mais viré pour calmer le jeu. C’est l’exemple le plus léger, j’ai été victime d’injustice toujours, au moins vécues comme telles.
Heureusement que je me suis rendu un peu coupable, plus dur d’être victime que bourreau. Bon j’avais qu’à pas être d’un blanc immaculé, je comprends c’est énervant….
Le remède, pharmakon-opium.
Déjà, j’avais l’héritage culturel, à la fois du bouc émissaire, et du "tu ne ne sais pas, la chance que tu as, d’être là", avec tous ces morts. "Tu le remplaceras, ton père, qui remplaçais mon père qui n'est pas revenu (à la mort du mien, qui tenait ce rôle d'aîné aussi)" dit ma grand-mère.
Génétique, il y a des gènes du bouc émissaire, en plus des structures mentales classées en dominant/dominé, des préjugés et casse-pieds? Ca suffit, ou je suis-je servi?
Symboliquement, s’attaquer à soi même avec des aiguilles, emplies d’un pharmakon toxicon, tout en étant soi même, bel enfant innocent, brebis égarée, devenue épouvantail. Figure du punk, bouc émissaire autoproclamé de la société. I am a mess.
Un jour, dans la chaleur de mon squatt, je me mets torse nu pour me shooter, mon coloc-squatteur dit "c'est Auschwitz ici!". Je pesais 63 kilos pour 1,80. C'est vrai, on voyait mes os. J'avais les stigmates de la misère, étais, de plus, mon propre geolier, kapo.
En plus de ce qui doit être intégré, dans les gènes des persécutés, épigénétique héritée, depuis des centaines d’années, ou tout simplement chez mes grands-parents. Fantasmes? On habite son identité, héritage comme on peut.
Bouc émissaire, le junki. Le punk affiche son nihilisme en déchet autoproclamé. Une esthétique très étudiée, puis une mode comme une autre. Pas vraiment, un look, signe de ralliement, choquant les passants. J'aimais ce mouvement, autant pour la musique, que pour le mode de vie, destroy et fonsdé. Autodestruction?
Quel mal ne lui attribuons t-on pas, au marginal qui se troue les avant-bras?
Vicieux, voleur, menteur, jouisseur qui assume sa "nullité" et absence de conscience et de repères, rejet de la génération militante, et de la société dominante.
Poupée vaudou plantée d'aiguilles de d'épingles à nourrice, j’ai toujours été autre chose que ce cliché, qui malheureusement, est vrai pour beaucoup. A cause de cela, on m’a traité comme un voyou.
Mise au ban comme jeune et pauvre, obligé de squatter. Enfin je dois appeler, attirer cela. Instabilité et système D.
En mettant mon corps dans cet état, en jouant aux fléchettes sur un face scape goat, je fais de moi le bouc émissaire, non émissaire. Celui qui n’est pas conduit extra-muros, qui pourrit sur place. L’odeur et le spectacle obligeant les citoyens à faire face à leur immondice, au mal.
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Les médecins, depuis toujours, ont voulu faire sortir le mal du corps, par le sang, saignées et lavement. C’est l’expiation, les sorciers apposent les mains, les magnétiseurs…le simple fait de se voir dire qu’on est exorcisé, au sens de la sortie du mal, peut suffire.
Et même aujourd'hui les coupeurs de feu, appelés par le standard, stoppent la douleur (une des plus insupportables), sans que le patient ne le sache. Résultat empirique, inexpliqué mais un réussite totale. Sans placebo, ni suggestion.
Enlever le mal, ce n'est pas simplement avaler un cachet, c'est l'extraction de ce qui ronge le corps, physique, social.
La meilleure façon de se sentir coupable, est d’être innocent. Qui culpabilise, la victime ou l’agresseur? La victime va souffrir du mal et de la culpabilité.
Le coupable dort en GAV, maudissant sa victime, qui se maudit aussi.
Un Juif, rescapé, parlant des Allemands :
Ils ne nous pardonneront jamais ce qu’il nous ont fait.Du judaïsme antique, à la scène du toxico tabassé par la police.
Il faut que ce soient nos propres maux, reconnus comme tels, qui sortent de chez nous, portés par un semblable.
Mis en abyme, Le Juif est parfait pour cela, car il est à la fois "nous" et eux, et surtout "dans" et "hors de". Peuple pharmakos (le bouc), ou même pharmakon (le rite)? Son élimination est censée tout arranger.
Il fait partie du corps, mais, minorité, on peut l’en extraire, comme une tumeur, pour purifier la communauté, la cité. L'Europe.
Coupable à la fois de porter la loi (tuons le père), et de la suivre, malgré l’arrivée du Messie (qui lui-même la suivait). Le rôle parfait pour les juifs, qui l’ont eux même inventé!
Enfin dans le Lévitique (16), YHVH dit de faire ainsi.
Mais peut-on soigner le bouc émissaire, lui même, par un remède? J’ai essayé et ça tourne en rond. Car le sujet est l'objet. Et le vecteur. Impossible.
Arrêter de se penser bouc émissaire. Ou comme disaient une fille et sa mère, marocaine, avec l’accent, c’est pareil : c’est un beau commissaire! -Non c’est bouquet mystère maman!
Un extrait, intéressant car il va jusqu'à l'internet :
"En Grèce ancienne, le terme de pharmakon désigne à la fois le remède, le poison, et le bouc-émissaire.
Tout objet technique est pharmacologique : il est à la fois poison et remède.
Le pharmakon est à la fois ce qui permet de prendre soin, et ce dont il faut prendre soin, au sens où il faut y faire attention : c’est une puissance curative dans la mesure et la démesure où c’est une puissance destructrice.
Cet à la fois est ce qui caractérise la pharmacologie qui tente d’appréhender par le même geste le danger et ce qui sauve.
Toute technique est originairement et irréductiblement ambivalente : l’écriture alphabétique, par exemple, a pu et peut encore être aussi bien un instrument d’émancipation que d’aliénation.
Si, pour prendre un autre exemple, le web peut être dit pharmacologique, c’est parce qu’il est à la fois un dispositif technologique associé permettant la participation et un système industriel dépossédant les internautes de leurs données pour les soumettre à un marketing omniprésent et individuellement tracé et ciblé par les technologies du user profiling."
Tout cela n’est pas par intérêt religieux, je ne le suis pas, c’est de la culture générale. Trop intello peut-être. Facile, en tout cas, je crois.
Trouvé sur arsindustrialis.org
Lecture :
Le Bouc émissaire, 1982. (ISBN 2-253-03738-9), René Girard. (Le champion de ce concept)
La Bible, pentateuque, Torah, Vayiqra (Lévitique), Hashem, YHVH, via Moïse