Un jeudi soir où me sentais un peu seule. Je sentais que ça n'allait pas fort à la fac, je me disputais pas mal avec mon ex et j'avais besoin d'un peu d'évasion. Je ressentais un besoin intense de sortir, aller en soirée tech ou core ou tout ce qui me passait par la main, mais mon entourage de cette période ne pouvait pas suivre la cadence de mon hyperactivité. Alors sur un coup de tête je suis sortie ce soir-là, toute seule. Dans un petit club que je boudais suite à une expérience de soirée pas super avec des amis l’été passé. Avec du recul, j'avais surtout passé une mauvaise soirée car l'un de mes amis allait mal, je m'étais donc occupée de lui tout du long et cerise sur le gâteau sur la soirée ce n'était pas mon style de musique. Après avoir vu une annonce sur les réseaux sociaux pour une soirée hardcore d'un label de musique local que j'apprécie beaucoup et m'être fait la réflexion qu'il était temps de retenter cette salle dans un meilleur contexte : les étoiles semblaient s'être alignées pour que je m'y rende le soir même.
J’ai donc décidé de me réconcilier avec les lieux, et de tenter pour la première fois de ma vie une soirée toute seule, pour lutter contre ma solitude et ma mini-déprime. Il est déjà vingt-trois heures, quand j'ai cette illumination divine : ni une, ni deux je réserve mon billet en ligne, j'enfile des vêtements propres, un trait de liner bleu électrique sur les yeux et puis je file. Enfin, pas si vite : j'ai fait le choix de ne pas être sobre ce soir-là, au dernier moment. Je fais des soirées sobres, d'autres non et pour cette première soirée seule en club, j'ai fait le choix de ne pas l'être. J'ai pris un eppendorf vide dans mon tiroir à malices, j'ai transvasé une petite quantité de kétamine pour être sûre de ne pas dépasser cette dose pour la soirée et je l'ai planqué sur moi.
Avant de ranger le reste, j'ai eu l'idée folle, de me sniffer une petite trace de ké pour la route avant de partir. Petit coup de sérum physiologique et petit mouchage préventif, avant d'installer calmement mon Setup. Sur un joli livre que ma mère m'avait offert à mon anniversaire ("Paprika" de Yasukuta Tsutsui), j'ai déversé une toute petite quantité de poudre pailletée, j'ai travaillé ça avec une carte comme un tataki de saumon au restaurant, j'ai dégainé plus vite que mon ombre mon carnet de Roule Ta Paille (un peu de RdR dans ma folie tout de même) arrachant une page et la roulant en tube, j'ai pris une grande inspiration et j'ai snifé ma première mini trace apéritive. Enfin, je suis partie. Je ne sais pas si c'est étrange, mais j'aime bien prendre ma première trace avant de partir si je sais que je prévois de tourner à la kétamine : j'aime bien la sensation de dissociation dans le métro ou quand je marche. Je préviens dans la foulée mon ex et ma meilleure amie par message que je sors et où je vais, ce que j'ai consommé, mais ils semblent déjà être partis dormir dans les bras de Morphée.
Je suis donc en route pour de bon vers cette soirée fort sympathique, et dans la foulée je réserve ma place en présente pour même pas cinq écus : économique la soirée. Je traverse la ville, mais en sortant des transports, je me prends une violente averse. Il me reste encore une dizaine de minutes à faire à pied, peut-être un peu plus dans mon état légèrement euphorique et enivrée doucement à la kétamine avant d'atteindre ma soirée et je me rend compte, alors qu'il n'a même pas tant pris l'eau que ça, que le tactile de mon téléphone certes un peu bas de gamme et qui se faisait vieux ne répond plus. Je suis dehors sans capuche ni parapluie, juste avec une pauvre veste militaire et un jean troué, pas totalement sobre, il pleut et mon téléphone vient probablement de me lâcher. Bon, je ne me dégonfle pas pour si peu : j'ai vécu pire, on va tenter d'y aller quand même. Je fais le chemin de mémoire, en espérant me souvenir où se situe la salle que je cherche et bingo, j’atteins enfin mon objectif.
Arrivant sur les lieux, je me débrouille comme je peux pour baragouiner à la personne qui gère l'entrée, malgré la ké qui me fait toujours un peu galérer à parler : j'explique comme quoi mon téléphone refuse actuellement de coopérer et devant ma mine anxieuse, un des orga me prend sous son aile et m'emmène vérifier si mon nom est sur la liste. Ils me trouvent en deux clics, une organisation me console devant ma mine de pauvre biche abandonnée et hop je suis rentrée, j'en oublie vite la situation désastreuse, place à nouveau à l'euphorie. Bon, mon téléphone est mort, mais au moins je ne me suis pas déplacée pour rien. Sentant les effets de la poudre de perlimpinpin se dissiper, j'attends sagement pour aller aux toilettes m'en faire une nouvelle, une belle petite trace. La fête bat son plein, la soirée a débuté depuis presque une heure mais j’arrive suffisamment tôt pour en profiter et suffisamment tard pour ne pas me sentir trop seule devant le son. Après tout, je ne suis pas venue totalement seule : je suis avec une copine à moi qui s’appelle kétamine (amie à double tranchant, je n'en fais pas la promotion, j'insiste). La première cabine qui se libère et hop : petite trace l’espace dans les toilettes, pas le plus hygiénique et pas RdR à 100%, je reconnais, mais c'est fait. Je vais au son et je m’envole, la montée me frappe de plein fouet et j’adore ce que je vis, c’est quoi finalement la solitude ? Pourquoi je me sentis obligée d’aller à ces soirées là entourée d’amis à tout prix ? J’adore cette sensation de liberté, je n’ai pas à vérifier que tout le monde est là et que tout le monde va bien, je me sens bien moins anxieuse qu’à l’accoutumée, pas besoin de m'occuper de Jean ou de Hugues, de faire attention à pas aller trop près du son pour Danielle : je me sens libre, complètement libre. Libre de rester une heure entière devant le son sans faire de pause, libre d’aller me prendre une trace dans une heure sans devoir s'organiser pour retrouver tout le monde ou en refiler autres et surtout libre de me frayer un chemin à travers la foule pour aller tout devant, la place que je préfère.
Je danse portée par le son, totalement déchaînée et me sentant libérée des chaînes qui pesaient lourd sur mon être ces derniers temps. Mon avenir ? Mes partiels ? La belle famille ? On oublie, au feu tout ça, laissez-moi juste m'amuser et souffler le temps d'une soirée. Le temps passe si vite, je n'en ai plus conscience : je me rends compte qu'une heure s'est écoulée quand je constate le changement de DJ, passant à un set de Early Hardcore. Je reste un peu le temps des premiers morceaux, puis je m'éclipse : direction les toilettes, même pas besoin de stipuler pourquoi. Dans la file d'attente des toilettes, encore un peu défoncée, mais bien redescendue de mon euphorie passagère, je me sens légèrement anxieuse : je vois que tout le monde connait des gens, que tout le monde est venu en groupe. Est-ce qu'ils me trouvent étrange ? Je secoue la tête, comme pour chasser ces vilaines pensées et je me dis simplement : « Je suis là pour profiter, après tout, les autres, on s'en fout. » Je vois deux autres jeunes femmes qui ont l'air d'avoir environ mon âge. Elles semblent se connaître et être bien alcoolisées. L'une crie une blague dont je ne me souviens même plus et j'y réponds du tac au tac, instinctivement, me rajoutant à la conversation malgré moi. Les deux jeunes femmes me fixent et s'arrêtent un instant avant d'éclater de rire, on se présente brièvement et de fil en aiguille, on se rend compte que nos parents viennent du même village de campagne, elles y ont aussi grandi, mais de mon côté j'y passais juste certains weekends ou les vacances, le hasard, vraiment. Je venais donc de rencontrer Tic et Tac, qui encore à ce jour sont de très bonnes amies avec qui je sors en soirée de temps en temps. Moi l'asociale de première, celle qui se planque derrière sa meilleure amie à chaque événement social ou ne parle à personne en son absence, je me suis fait des amis toute seule, situation insolite.
J'ai donc demandé au culot, audace procurée par ma non-sobriété, si je pouvais passer la soirée en leur compagnie. Elles ont accepté sans broncher, me disant même que c'était avec plaisir. Donc des personnes peuvent apprécier ma compagnie ? Superbe découverte, moi qui me voyait comme un nuisible pour les autres en règle générale. Je les aies suivies au son, puis Tic m'a tapoté l'épaule et m'a hurlé dans l'oreille : « Pause clope ? ». Je ne fume pas, mais j'ai suivi les deux copines en direction de l'espace fumeur. On a un peu appris à se connaître durant cette petite pause clope, c'était plutôt sympa. Je leur ai dit que j'étais sous kétamine, elles ont semblé étonnées : « Woah, mais t'as l'air super claire, genre sobre mais juste avec une personnalité un peu loufoque ! On t'adore déjà, toi, tu nous régale. » Elles m'ont dit qu'elles tournaient à l'alcool ce soir, même si Tac semblait hésiter à prendre un taz. L'avantage d'être déjà un peu bizarre et totalement hyperactive, c'est que les gens voient pas toujours quand t'es droguée. L'inconvénient, c'est que parfois, on croit que t'es sous substances alors que t'es sobre, mais on s'en fiche, ça se justifie facilement. Nous revenons un peu au son, je ne me referais pas de trace de suite, je laisse bien deux petites heures s'écouler, ce soir je voulais être un peu sous ké mais pas non plus être trop exposée, alors je me laisse cette petite pause avec mes copines nouvelles et surtout avec le son qui me plait. Finalement cette soirée qui commençait un peu mal se déroule plutôt bien pour un truc imprévu. J'en oublie presque mon téléphone cassé.
Alors que Tic et Tac repartent à nouveau fumer, je leur fais signe que je repars me faire une trace tranquille aux toilettes, puis à mon retour, je tombe nez à nez avec Tac qui gobe un taz. « Alors, tu t'es décidée ? ». Elle a souri. Il est déjà tard dans la soirée, mais si ça lui va comme ça, tout va bien, après tout il doit encore rester deux ou trois petites heures de folie. J'ai senti à cette instant la goutte, la fameuse sous ké, mais c'était carrément la pire goutte de ké de ma vie en matière de goût il m'a semblé. Peut-être que j'ai moins fait attention à la quantité de ké que j'ai pris sur cette trace...Elle arrive en même temps que de forts effets de dissociation : je me sens planer complet et je sens le temps comme ralenti, je peine à parler, Tic me demande si ça va, je me contente d’acquiescer en attrapant un tabouret pour m'y asseoir histoire d'être plus stable le temps de la montée en puissance que je me prenais. Le goût chimique de la goutte qui remontait était si fort, autant parfois j'arrive à me retenir de la recracher si la situation est inappropriée, mais là c'était insoutenable : j'ai attrapé le premier cendrier à ma portée et j'y ai craché avec élan l'horrible goutte de ké. Personne autour n'a eu le temps de comprendre, que je me suis retrouvée le visage plein de cendres, vraiment je me suis sentie bête. Tout le monde rigole sans comprendre : « Pourquoi t'as soufflé dans le cendar ? Ca va ?? ». Je leur ai expliqué ce qu'il venait de se passer, tout le monde a ri de plus belle : encore une fois, je me dis que je suis un bon clown, toujours là pour faire rire la galerie, sobre comme sous substances et même avec des inconnus ! Je devrais plus prendre confiance en moi, dis donc.
Les filles m'ont accompagnée aux toilettes me débarbouiller et j'en ai profité pour leur expliquer la situation avec mon téléphone, une fois que les effets de ma dernière trace semblaient se stabiliser : juste assez défoncée pour me sentir encore planer, mais pas trop, histoire d'être apte à parler et ne pas me prendre les murs. Tic et Tac, bien atteintes à l'alcool et marchant moins droit que moi encore essayent un moment de refaire fonctionner mon téléphone ou au moins de l'éteindre, sans succès, on en aura bien ri. Nous revenons au son une bonne heure, puis à la pause clope suivante on fait passer mon téléphone défaillant par tout le monde dans l'espace fumeur, encore une fois sans succès. Bon, je dois me rendre à l'évidence : ce n'est pas qu'on n'y arrive pas parce qu'on est déchirées, juste mon téléphone qui ne fonctionne plus pour de bon. Je me sens bien, je suis en soirée : on pensera à ça plus tard.
On retourne au son pour profiter du dernier set, des inconnues me demandent d'où vient mon énergie pour danser avec autant d'entrain et aussi déchirée à cinq heures passées, pour le coup, je lui réponds honnêtement : « C'est rien, c'est le pouvoir de l'hyperactivité. » Je les entends pouffer de rire. Bon y a un peu de kétamine aussi dans l'histoire, mais ça fait pas tout.
Prise d'une envie naturelle d'uriner, je vais aux toilettes une dernière fois, mais cette fois-ci pour y faire mes besoin et non pas pour me faire une trace. Perdue dans mes pensées et encore sous les effets de ma poudre enchantée, je songe :« Est-ce que la petite fille première de la classe qu'on destinait à de grandes études existe toujours en moi ? A quel moment je me suis catégorisée comme déviante et je le suis devenue ? La théorie de l’étiquetage ne m’a pas épargnée, comme quoi, m'enfin, qui de l'oeuf ou de la poule ? Est-ce que j'allais forcément fini par prendre de la ké toute seule dans les toilettes d'un club en ville un jeudi soir ? », je note ces pensées sur mon téléphone et à l'instant où je termine, une cabine se libère. Une fille me fait remarquer : « Encore toi ? Tu vas beaucoup aux toilettes, non ? », Je hausse les épaules et j'ajoute à mon tour : « Si on s'y croise à chaque fois, c'est que toi aussi ? » Je lui fais un petit clin d'oeil avant d'ajouter amicalement : « Promis j'en ai pas pour longtemps. ». J'ai ressenti un peu de culpabilité à détourner l'usage réel des toilettes, mais bon, je ne suis pas la première ni la dernière et je suis rapide, ça prendra autant de temps qu'un pipi express et moins longtemps qu'un vomi, le tout sans laisser d'odeur. Attendez ? Je devais juste aller faire mes besoins à la base ? Bon, et si je faisais une dernière trace ? La trace de trop ? Pas l'idée la plus fine de la soirée, ni la plus RdR, mais la graine était plantée dans ma tête, comme ça, j'y reviens plus après. L'interaction m'a un peu mis la pression, je pense avec du recul que j'ai juste été parano, la fille devait juste plaisanter et s'en foutre, mais je me mets la pression pour aller vite et je sens mes gestes imprécis, je tente de me dépêcher. Plus je me mets la pression, plus je tremble et plus je fais un peu n'importe quoi. Arrive ce stade où tu ne sais plus vraiment ce que c’est qu’une trace. Tu mets directement des paillettes sur l’écran de ton téléphone (pas très hygiénique, pour le coup, je sais que le mieux est d'avoir un support jetable à usage unique) sans faire plus d’effort, tu écrases vite fait, la technique du tatami de saumon n'est plus trop là, tu tentes de faire une ligne aussi droite et régulière que celle de ton avenir et tu sniffes. Elle était grosse ta trace, eh beh. Montée de l'espace, bouffée d'air frais, je range le matos, je tire la chasse et je sors. Je reviens directement au son et je le sais : cette trace sera la dernière de ce soir et c'était déjà celle de trop. Je retrouve Tic et Tac, je ne parle pas mais je profite de la fin de la soirée, je danse, je me laisse porter, je ris.
Vient ce moment où la soirée se finit, je suis totalement défoncée, encore sur mon petit nuage, je marche pas très droit, mais je tiens encore debout. Entre Tic et Tac, j'entends que ça parle de faire after ou non. Tac encore bien sous les effets de son taz va suivre des amis que je ne connais pas, mais Tic ne se sent pas de suivre : elle a cours le lendemain. Je propose un compromis qui soyons honnête m'arrange bien dans mon état : Tic et moi allons rejoindre l'arrêt de bus ensemble comme je n'ai pas de téléphone et que je ne suis pas en état de retrouver mon chemin par mes propres moyens actuellement. Bam : comme ça elle n'est pas seule et peut rentrer pour sept heures chez elle et dormir un peu avant son cours. Il faut se soutenir entre deux pauvres meufs seules, dont une sans téléphone. Je m'assure tout de même que Tac est entre de bonnes mains, et Tic m'assure que ce sont des amis proches qu'elles connaissent bien, alors nous repartons ensemble, scindant le groupe en deux. Mais qu'est-ce que j'aurais fait si je n'avais pas rencontré Tic et Tac dans les toilettes ? Tout est bien qui finit bien, quelques banalités sociales, « au revoir » et un claquement de bise, Tac nous demande un message chacune à notre arrivée, nous faisons un oui de la tête dans la limite de notre sobriété puis nous repartons toutes deux en direction du bus, faisant un bout de trajet ensemble. Nos routes se séparent, Tic me demande elle aussi un petit message à mon arrivée, ça me touche presque que ça puisse préoccupe des gens que je rentre en vie. Je me laisse porter par les transports et bien que totalement à l'ouest, je descends à bon port, instinctivement sans même lire le nom de l'arrêt : je connais trop par coeur ce trajet, je le fais en mode auto-pilote.
Totalement kétaminée jusqu'à l'os, je suis là, perdue dans la rue, je ne marche pas, je plane complet, je me sens léviter au dessus du sol, légère comme une plume et anesthésiée face au froid : demain ça va être bien malade. Suis-je perdue ? Non, je suis dans la bonne rue, je me sens perdue comme complètement dissociée, je ne sais pas trop où je vais mais mes pieds me guident à mon doux logis par instinct. Je monte les escaliers de mon immeuble, le plus dur est de bien viser le trou de la serrure avec mes clés, et enfin arrivée dans mon cocon, alors que je m'affale sur mon lit, je me rends compte que l'envoi du message promis à Tic et Tac à mon arrivée était...quelque peu compromis. J'avais oublié que ma box internet était en panne depuis la veille et qu'il faudrait quelques jours avant que j'en ai une nouvelle. Pas de téléphone, pas de connexion internet, en somme. Vraiment, heureusement qu'il ne m'est pas arrivé de bricole ce soir et que les filles étaient là. Tout était si imprévu ce soir mais cette soirée m'a fait le plus grand bien. Je suis aujourd'hui toujours amie avec ces deux filles, nous nous croisons de temps en temps en soirée et nous racontons toujours l'histoire de notre rencontre farfelue à des gens dans les files d'attente de toilettes.
PS : Le lendemain j'ai foncé à la première heure dans un cybercafé me connecter à internet et rassurer mes proches, évidemment, tout est bien qui finit bien.
Catégorie : Trip Report - 18 mars 2024 à 10:49
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