La consommation de drogues (ou la dépendance) n’est pas un problème de santé mentale 



Bonjour,

voici une traduction d'une communication d'INPUD (Réseau international des personnes qui consomment des drogues) et de l'association Harm Reduction International.

Elle n'est pas nouvelle, mais elle nous concernent toutes et tous. Elle remet en question la notion "d'addiction", considérée comme stigmatisante, et celle de "trouble lié à l'usage" défendue par le DSMV. Elle defend plutot le concept de dépendance, qu'elle soit physique, psychique ou psychologique.

A Psychoactif, nous sommes complémentent d'accord avec cela !

Pierre

Les personnes qui consomment des drogues et la santé mentale
https://hri.global/wp-content/uploads/2 … UD_1-2.pdf

Les discussions en cours, notamment entre les principaux donateurs internationaux, ont soulevé des inquiétudes au sein de Harm Reduction International et du Réseau international des personnes qui consomment des drogues (INPUD) concernant l’inclusion proposée de la santé mentale dans le programme de réduction des risques et, plus généralement, concernant l’amalgame entre consommation de drogues et santé mentale. Ce document vise à stimuler et clarifier le débat sur ce sujet.


Bien que certaines personnes consommant des drogues puissent souffrir de problèmes de santé mentale, la consommation de drogues et la dépendance à ces drogues ne constituent pas en soi un problème de santé mentale. L’amalgame inquiétant entre consommation de drogues et dépendance, et problèmes de santé mentale est inexact, stigmatisant et pourrait avoir des conséquences néfastes à long terme pour la communauté, notamment en privant les personnes qui consomment des drogues de leur capacité à prendre des décisions concernant leur corps et leur vie. Cela pourrait réduire les ressources disponibles pour la réduction des risques et les services communautaires, et conduire à déclasser les interventions de santé publique fondées sur des données probantes et qui sauvent des vies dans les directives nationales et internationales. Le manque de volonté politique et le financement insuffisant constituent des obstacles majeurs à la mise en œuvre de la réduction des risques à grande échelle, et cet amalgame pourrait sérieusement perturber la disponibilité, l’accès et la prestation des services essentiels.


Bien qu’il n’existe pratiquement aucune donnée pour étayer cette thèse, l’idée selon laquelle l’«addiction » est une maladie du cerveau est séduisante, simple et rassurante. Cette théorie contribue à l’élaboration de politiques antidrogues irréalistes, coûteuses et néfastes, et ne tient pas compte du rôle des facteurs socioéconomiques tels que la pauvreté, le sans-abrisme et la race. Elle ignore également l’effet stigmatisant du concept d’« addiction» au drogues.


Au cours des dernières décennies, nous avons pu passer d’une approche purement biologique et médicalisée de la consommation de drogues, centrée sur les responsabilités personnelles, à une approche plus holistique qui reconnaît les aspects sociaux et structurels de la consommation de drogues. Cette nouvelle approche reconnaît que les dommages liés aux drogues ne sont pas répartis de manière uniforme dans la société, mais touchent de manière disproportionnée les communautés stigmatisées et marginalisées. Confondre les problèmes de santé mentale et la consommation de drogues constitue un énorme pas en arrière par rapport à ces progrès.

L’inclusion du terme « trouble lié à l’usage de substances » dans la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V) déforme la notion de consommation de drogues. Le terme « trouble lié à l’usage de substances » confond les problèmes de santé mentale avec la consommation de drogues et/ou la dépendance aux drogues et a pour effet d’aliéner les personnes qui consomment des drogues et qui ne confondraient pas leur consommation de drogues avec une quelconque forme de « trouble ». Au cœur de la définition du DSM-V se trouve l’idée que les « troubles » liés à l’usage de drogues sont dus à des changements dans le cerveau, alors que la définition elle-même utilise 11 critères pour mesurer le « trouble ». Ces critères concernent le fonctionnement social, la conformité sociale et la productivité économique (par exemple, « ne pas réussir à faire ce que l’on devrait faire au travail, à la maison ou à l’école à cause de la consommation de substances » et/ou « abandonner des activités sociales, professionnelles ou récréatives importantes à cause de la consommation de substances »), ainsi que d’autres indicateurs liés aux effets physiques des drogues (par exemple, la tolérance, le sevrage).


INPUD préfère parler de « dépendance aux drogues », terme utilisé par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et la Classification statistique internationale des maladies (CIM), à la fois pour ses associations plus neutres et parce qu’il distingue la dépendance physique, physiologique et psychologique. Le terme englobe la différence entre ces formes, ce que le terme pathologisant de « trouble lié à l’usage de substances » ne parvient pas à faire.


Les problèmes de santé mentale peuvent survenir parallèlement à la consommation de drogues ou à la dépendance aux drogues, mais cela ne signifie pas qu’ils sont toujours le résultat de la consommation de drogues ou qu’ils précèdent la consommation de drogues. Il est important de souligner que les problèmes de santé mentale et la dépendance aux drogues peuvent découler des mêmes facteurs structurels, comme la pauvreté, le manque d’accès aux soins de santé et à d’autres services, le sans-abrisme, la stigmatisation et la discrimination. Dans certains cas, mais pas dans tous, les personnes commencent ou continuent à consommer des drogues pour faire face à des problèmes de santé mentale, et dans certains cas, les drogues peuvent aider les personnes à gérer leurs symptômes de santé mentale, ainsi que les défis de la vie.


Les personnes qui consomment des drogues, comme tout le monde, devraient avoir accès à un soutien en matière de santé mentale en fonction de leurs besoins. Nous devons trouver des moyens d’encourager un meilleur accès aux services de santé mentale pour les personnes qui consomment des drogues sans considérer la consommation de drogues et/ou la dépendance comme des problèmes de santé mentale en termes absolus. En outre, nous devons chercher à remettre en question en permanence les idées qui pathologisent la consommation de drogues et les personnes qui en consomment, qui nient la volonté et le pouvoir d’agir des personnes qui en consomment, en leur retirant le droit de faire des choix concernant leur santé physique et mentale. Les personnes qui consomment des drogues consomment des substances pour diverses raisons, notamment pour la recherche rationnelle du plaisir et la régulation des émotions. Nous devons trouver de meilleurs modèles qui tiennent compte de la complexité et de la multitude de rationalités de la consommation de drogues et de la dépendance, et continuer à remettre en question les modèles simplistes qui pourraient potentiellement causer plus de dommages et de préjudices.

Catégorie : Actualités - Aujourd'hui à  21:03



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