Théo n’existe pas réellement. C’est une sorte d’archétype que j’ai créé à partir des témoignages que j’ai pu recueillir. Ce recueil n’a pas du tout été scientifique, il s’agit juste de personnes que je connais ou de témoignages que j’ai pu lire à droite à gauche.Théo a 18 ans et son bac en poche. Il s’est inscrit en socio parce que le sujet a l’air intéressant et qu’il ne sait pas trop quoi faire plus tard. Comme il habite dans une petite ville, il déménage dans une chambre en cité U.
C’est la rentrée. Théo discute avec quelques personnes dans l’amphi bondé et sympathise. Après les cours, il va boire une bière avec ses nouveaux amis. Mais le soir, quand il rentre dans sa chambre, il se sent seul. Pas de frère surexcité pour faire de l’animation. Pas de mère qui râle pour une sombre historie de chaussette en boule.
Les semaines passent. Théo est un peu démotivé par la fac. Le contenu des cours ne l’intéresse pas autant qu’il aurait cru, l’ambiance de travail est très différente du lycée, avec les amphis bondés qui se vident progressivement et l’anonymat qui s’en dégage. Il a du mal à s’adapter à sa vie d’étudiant, que tout le monde a décrite comme géniale, mais il préférait quand même quand c’était sa mère qui faisait à manger plutôt que les pâtes à rien du resto U. Il fait des soirées avec ses nouveaux amis le jeudi soir. Ça c’est cool.
À force de se dire que tel cours ne sert à rien et que tel cours il pourra le bosser pour les partiels, Théo va de moins en moins à la fac. Il se sent mal, parce que ses parents lui donnent de l’argent pour qu’il puisse faire des études et qu’il est en train de les lâcher. Il a du mal à dormir parce qu’il culpabilise. Alors, il voit avec un pote et trouve un peu de
cannabis. Un pétard le soir et ça va mieux.
Théo fume de plus en plus. Quand il ne fume pas il angoisse. Il pense à sa mère qui s’est remise à faire des ménages pour payer ses études. Il les a lâchées. Du coup il ne voit plus personne. Ses nouveaux amis ne pensent plus à l’inviter. Il ne rentre pas chez lui les week-ends, les partiels approchent, ses parents pensent qu’il révise. Il a entendu la fille de la chambre à côté de la sienne crier « T’es un enfoiré ! ». Il n’a pas réagi, car il le pense aussi.
Sa voisine devient envahissante. Elle lui crie des insultes à travers le mur. « Enfoiré ! Tu fais honte à tes parents ! ». Elle le harcèle au téléphone aussi. Il ne sait pas comment elle a eu son numéro, mais son portable a sonné pendant des heures. Elle a continué même quand il l’a éteint. Un jour il lui hurle de la laisser tranquille.
C’est les vacances de Noël, et le pétard de trop.
Bad trip, psychose, urgences psychiatriques, hospitalisation à la demande d’un tiers.
Théo sort d’hospi avec une ordonnance à assommer un régiment. Il rentre chez ses parents, bien sûr. Il a du mal à réfléchir. Il a pris 15 kilos. Il ne bande plus.
Pendant l’hospi, le psychiatre lui demandait toujours « Comment vous sentez-vous ? Et les tremblements ? ». Puis il hochait la tête, rédigeait l’ordonnance et partait.
Alors quand Théo, un mois plus tard, discute avec son nouveau psychiatre au CMP , il lui demande :
« Est-ce que je suis schizophrène ? »
Parce qu’il est allé sur Internet et a cherché le nom des médicaments qu’il prend sur Google. Parce que sa mère, très inquiète, a discuté avec le médecin traitant qui a prononcé le mot psychose, presque par mégarde.
La réponse viendra. Comme il y en a plusieurs, je ferai plusieurs blogs.