Catégorie : Tranche de vie - 20 janvier 2025 à 10:01
#freebase #dealer #free base #psychiatre
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Akela a écrit
Mon entourage a raison.
Mais bien sûr qu'il a raison ! et ton psychiatre, si jamais il change qu'il n'aille pas en addictologie, mais plutôt qui change de taf en tant que pro de santé
D'ailleurs moi pour la méthadone, vu que j'avais mon taf en CDI à 20 km de chez moi, donc impossible pour moi d'aller dans un csapa, et grâce à mon médecin traitant que j'ai depuis 15 ans, j'ai pu aller au service psychiatrie d'un CHU pour avoir ma primo prescription avec direct le relais ville pour mon médecin traitant.
pierre a écrit
Bonjour
Les psychiatres et leur conseils normés à la con sur les drogues….
Ton psychiatre il veut pas changer de métier ?
Pierre
Hum avec ce genre de raisonnements on va pas loin..
Ça serait comme dire : "les (choisir ta minorité visible) posent problème parce que ils volent, ils profitent des alloc..."
Bref t'as saisi le truc.
Je connais beaucoup de psychiatres très humains qui font face à des patients en souffrance. A chaque patient son discours.
Il faut de façon sûre et certaine changer le discours général sur les drogues et ça passe par la modification des représentations en particulier chez les soignant.
Mais j'en connais un paquet qui ont déjà fait ce boulot là et on a tout intérêt à œuvrer dans le sens commun plutôt qu'à s'opposer parce qu'on est usagers, professionnels... quid des professionnels usagers (dont je fais partie) ?
Je m'envoie moi même me faire foutre quand j'essaie d'appliquer des conseils de RDR à moi même ou à mes connaissances ?
OliAzary a écrit
Ça serait comme dire : "les (choisir ta minorité visible) posent problème parce que ils volent, ils profitent des alloc..."
Salut,
Juste pour dire que pour moi, non ça n'a rien de dire de mal d'une minorité stigmatisée, car au contraire le status de psychiatre, même s'il y en a des bons comme tu dis, ne font pas partie d'une minorité stigmatisé, mais plutôt partie des dominants, qui dominent par le biais du pouvoir médical la normalité des stigmatisées...(des conso, en passant par la disporie de genre, tout ressenti de la réalité neuroatypique).
Alors, oui, c'est peut être une généralité de faire de tous les psychiatres un même panier, mais il n'en reste que comme discipline médicale c'est profondément enraciné dans la morale et la normalisation de la "deviance" et ça exerce un pouvoir sur nous...
Ce qui n'a rien à voir non plus dans l'appliquer des conseils de rdr, car l'addicto souvent ne fait pas de réduction de risques, mais de l'addicto (qui veut soigner une addiction et non pas accompagner un usage pour en limiter les éventuels risques).
Heureusement qu'il y a des soignants humains, mais la relation est extrêmement inégalitaire et je crois qu'on a tout intérêt à la déconstruire pour se servir des savoirs et outils médicaux sans pour autant les mettre sur un piédestal, car dans la plupart des cas on subi cette relation...
OliAzary a écrit
Il y a des médecins arriérés et d'autres très progressistes.
Salut,
on peut parler à plusieurs niveaux pour moi :
- niveau "humain", quelque part individualisant, où on reconnait qu'il y a des bons medecins comme des bons flics (sic)
- niveau politique où on reconnait le rôle joué par ces statuts...
Même un "bon" flic va devoir obeir aux ordres, après il a une marge de manoeuvre dans l'application des lois (en bien et en mal d'ailleurs), mais ça represente quand même le monopole de la violence d'État, ça represente le pouvoir repressif d'un État aux lois discutables...
pareillement la psychiatrie represente une discipline de la medecine que, contrairement à toutes les autres, ne soigne pas des maladie physiologiques. Et le fait qu'il n'y a pas d'infection ou de fracture, ça fait que l'interpretation de la maladie et sa définition même est profondement ancrée dans la morale, la culture et les rapports de pouvoir (qu'on trouve par ailleurs aussi dans les autres branches de la médecine).
L'"hystérie " féminine, comme l'homosexualité ou la toxicomanie en sont de beaux exemples de maladies psychiatriques qu'à des moments ont conduit à des vrais abus et des violences (même en "bonne foi").
C'est pas pour autant qu'on peut généraliser au plan humain et même au plan conceptuel, il y a eu des psychiatres, voir Fanon ou Franco Basaglia, qui ont remis en question certains rapports de pouvoir. Et il y a des psychiatres qui sont respectueux des personnes qui ont en face (heureusement !!), mais ça revient à leur pouvoir de les considérer malades ou pas, d'où l'inégalité de la relation et la difficulté à faire l'impasse sur le rôle investi pour moi...
Pierre a écrit
Les psychiatres et leur conseils normés à la con sur les drogues….
Ton psychiatre il veut pas changer de métier ?
OliAzary a écrit
Hum avec ce genre de raisonnements on va pas loin..
Ça serait comme dire : "les (choisir ta minorité visible) posent problème parce que ils volent, ils profitent des alloc..."
(...)
L'idée n'est pas d'être dans le tout ou rien. Si on tombe sur un bon médecin ça devient une ressource. Et il faut, si on peut, éviter les mauvais.
Mais ce qui est bon pour l'un ne l'est pas forcément pour l'autre.
Alors la notion de bon ou de mauvais médecin est également subjective.
D'où, de mon point de vue, l'inutilité de balancer des généralités sur les psychiatres.
Après si ça permet d'exprimer une frustration, ça ne me dérange pas.
Mais que ça n'en devienne pas pour autant une vérité absolue.
Avec ce genre de critique, on ne va pas loin non plus. Et avec l'injonction du psychiatre d'Akela, on va où ? Pour se rendre coupable de ce que tu reproches à Pierre, il faudrait qu'il s'attaque à un psychiatre aveuglement, du seul fait de ce titre, sans tenir le moindre compte du discours de la personne attaquée.
Pour moi, il ne s'agit pas de condamner une personne en fonction de sa profession, ni de faire un tri sélectif entre les "bons" et les "mauvais", mais de condamner un certain discours, une certaine forme de dialectique, qui est au fondement même de la fonction sociale du psychiatre (ou de l'addicto). Dans le récit d'Akela, ça prend une forme très concrète, et son psychiatre se fait effectivement le porte-parole de ce discours. Ici, nous avons un récit avec des personnages. Pierre me semble donc parfaitement "dans le ton" de ce fil de discussion en personnalisant le discours psychiatrique. Il ne s'agit pas de critiquer des personnes en les réduisant à leur titre, il ne s'agit pas d'un genre de racisme antipsychiatre, comme tu dénonces outrancièrement, mais de la critique d'un discours qui fonde un lien social de domination, et dont la figure du psychiatre tient lieu d'agent. Pour moi, en défendant cela, tu te places d'emblée en adversaire politique des Personnes qui Utilisent des Drogues (PUD).
Dans un contexte plus abstrait, si je veux dépersonnaliser la question, j'aime utiliser les expressions "discours psychiatrique" ou "discours médical", pour bien montrer que je ne vise pas une corporation ni ses membres en tant que personnes, mais le discours à partir duquel elle se soutient.
Car dans son sens analytique, le terme "discours" désigne un rapport social, déterminé par la position subjective des protagonistes.
Ce qui permet d'envisager le "discours médical" en tant que rapport social de domination, au même titre que le "discours capitaliste" ou que le "discours scientifique" (qui n'est pas la science, mais le rapport social médiatisé par la science, de même que le capitaliste n'est pas l'argent, mais un rapport social médiatisé par l'argent). Pour simplifier, ces discours sont essentiellement caractérisés par :
- la dévalorisation ou le déni de tout savoir expérientiel
- la définition du sens par le maître. Le sens (de la conso, de l'abstinence, de la vie, du symptôme, etc.) est reçu de façon verticale par la personne, qui reçoit l'injonction de renoncer à ces propres conceptions.
Ca conduit inéluctablement à un discours prescriptif, à base de "c'est comme ça" et de "il faut". La drogue, c'est comme ceci, l'addiction, c'est comme cela, avec les drogués, il faut faire comme ça, etc.
Cela se justifie dans une démarche scientifique, afin de faire émerger ce qui est commun à tous.
Mais c'est une catastrophe sur le plan psychique, où il s'agit de donner droit à ce qui est propre à chacun.
Ce qui fait que pour moi, addictologie ou psychiatrie, c'est le même combat.
OliAzary a écrit
Je connais beaucoup de psychiatres très humains qui font face à des patients en souffrance. A chaque patient son discours.
Tu as beaucoup de chance. Tu ne pourrais pas nous en envoyer quelques-uns sur le forum ? Si ils sont "très humains", ils pourraient peut-être nous soutenir, et ça nous inciterait à plus de douceur envers le discours psychiatrique
Pour moi, la devise de la psychiatrie serait plutôt "à chaque patient sa prescription pour le normaliser", c'est à dire pour faire taire ce qu'il y a de singulier dans le rapport au monde de chacun. Le discours des patients (discours au sens où je l'emploie d'habitude, c'est-à-dire la dialectique qui leur est propre), la psychiatrie ne sait même pas ce que c'est, et ça ne l'intéresse pas. Le discours psychiatrique sert de voitures-balais pour reconformer nos subjectivités aux normes sociales.
Perso, j'ai rencontré beaucoup de psychiatres dans ma vie, en ambulatoire et en HP, et je n'en ai croisé qu'un seul de vraiment humain. Les autres étaient des flics du détersif, plus ou moins bien déguisés en gentil docteur. Et ce seul psychiatre vraiment humain que j'ai rencontré, celui à qui je dois sans doute la vie, et bien c'était un psychanalyste.
C'est-à-dire que ce n'était même pas un psychiatre résistant, c'était carrément un psychiatre déserteur : il avait renoncé aux connaissances universitaires et à la prescription pour se laisser enseigner par les personnes qui venaient lui parler. Un personnage haut en couleur, cumulard du titre, psychologue, médecin, psychiatre, pédopsychiatre, qui après s'être donné tout ce mal à étudier et valider ses diplômes, va finir par conclure que tout cela ne sert à rien, et que ça ne lui est d'aucun secours dans sa pratique. Il raconte aujourd'hui qu'il a dû "désapprendre" tout cela pour parvenir à travailler sérieusement avec les personnes en souffrance psychiques. Et quand il parle de ses titres et de son érudition, y compris en public à son séminaire, il dit qu'avec le recul, finalement, tout cela lui sert surtout à "épater la galerie". En voilà au moins un qui est honnête. J'adore ce mec !
Et il y a aussi des vrais faux psychanalystes, qui sont des psychiatres masqués, car ils prescrivent des actes et des explications, enrobées dans un vocable Freudo-Lacanien. Je préfère prévenir parce que j'ai pas envie de leur faire de la pub. C'est un véritable cancer de la psychanalyse, selon moi, la honte du métier. Méfiez-vous d'eux, ils sont faciles à reconnaître : vous croyez faire une analyse, et vous tombez sur un conseiller ou un redresseur de torts. Fuyez !
Cependant a écrit
L'"hystérie " féminine, comme l'homosexualité ou la toxicomanie en sont de beaux exemples de maladies psychiatriques qu'à des moments ont conduit à des vrais abus et des violences (même en "bonne foi").
A propos de ta parenthèse, quand tu dis (même en "bonne foi"), je trouve que c'est quasiment toujours de la "bonne foi". Et c'est là le drame. C'est que c'est vraiment de la notion de "foi" et de "bien" dont il s'agit. Une religion moderne : la foi en la neutralité suprême. Il y a très probablement des études qui montrent qu'une coupure du milieu social favorise l'abstinence. In science we trust. Le psychiatre d'Akela est sans doute persuadé de lui donner un conseil "pour son bien". C'est lui qui définit le sens de ce qui se passe pour Akela : c'est lui qui comprend et qui pense à la place d'Akela que ça vaut le coût de sacrifier ses liens sociaux pour parvenir à arrêter ou à maîtriser le produit (l'histoire ne le dit pas exactement). Le savoir d'Akela sur cette question n'est pas recherché, et si elle tente de le faire valoir, ça ne sera probablement pas pris en compte. Donc soit elle ferme bien sa gueule, soit elle s'en va. Du chantage affectif quoi... Mais c'est en toute bonne foi, et au nom de la science et de la vérité qu'on lui fait ça.
Si Akela consulte cette femme, sauf contrainte, c'est a priori qu'elle lui suppose un savoir, et que quelque part, elle l'aime bien, qu'il s'est noué une "alliance thérapeutique" entre elles.
L'alliance thérapeutique c'est pas sensé être une brochure publicitaire hein, c'est pas sensé être des promesses en l'air, on est pas sensé se torcher avec comme ça ! L'alliance thérapeutique, c'est entièrement subjectif, c'est du transfert, ça veut dire qu'on fait confiance, qu'on "aime bien" le soignant. C'est une forme d'amour, si si, c'est de même nature !
Et je trouve que ce psychiatre trahit gravement cette alliance en prescrivant de l'isolement social à Akela. Parce que pour la plupart des gens, changer d'entourage, ça veut dire se retrouver absolument seul. Je trouve ça ultra violent. Pour moi, c'est une forme de barbarie d'utiliser la suggestion pour convaincre les gens d'arrêter de consommer ou de s'isoler, c'est les effrayer en leur mettant un flingue symbolique sur la tempe (genre, tu ne t'en sortiras jamais si tu ne changes pas ton entourage). Pour moi, c'est comme l'isolement forcé en HP, mais version soft power, tout par la manipulation au nom de la neutralité suprême de la science. La méthode change, mais le but visé et la conception du soin restent les mêmes, et les résultats sont finalement très voisins. Je trouve ça répugnant d'utiliser l'alliance thérapeutique de cette façon : je te séduis avec pour seul but de te tromper et de te faire faire des trucs que tu ne veux pas, de façon tout à fait consciente et calculée. Je trouve que c'est une manipulation perverse bien dégueulasse, élevée au rang de valeur sociale, contre laquelle il faut se révolter. C'est en pensant à ce billet d'Akela que j'ai écrit ailleurs que les PUDs étaient souvent "les cocus de l'alliance thérapeutique".
OliAzary a écrit
Je suis pour le droit de disposer librement de son corps et la libéralisation de l'usage de toutes drogues, ce n'est pas pour autant que je nie le fait qu'il y a des usages problématiques (comme c'est le cas avec des drogues légales) et donc qu'on ne peut se passer de professionnels du soin.
(...)
Mais ça n'empêchera par des personnes d'abuser, de se mettre dans le pétrin et d'avoir besoin d'aide pour ne pas voir leur santé (au sens physique, psychique et social) se dégrader.
Mais pourquoi tu voudrais empêcher les personnes d'abuser ? Pourquoi tu veux infantiliser les personnes comme ça ? Ca ne marche jamais ça ! Perso, ce que je constate, de toute mon expérience, celle de mes proches, et celle des analysants qui travaillent avec moi, c'est que chacun a besoin de faire ses propres expériences, y compris celles qui sont dangereuses ou autodestructrices, y compris celles qui sont vouées d'avance à l'échec, surtout celles-là même, pour pouvoir se rendre compte que ça ne marche pas comme ça. La condition humaine n'est pas sans risque, mais qu'on le veuille ou non, le désir de vivre à son prix, et nul ne peut s'y dérober.
Je trouve que tu passes un peu vite de "il y a des usages problématiques" à "on ne peut pas se passer de professionnels du soin". Pourquoi l'un impliquerait-il nécessairement l'autre ? Pourquoi "avoir besoin d'aide" reviendrait-il à avoir besoin d'être soigné par un médecin ? Toute souffrance humaine relève t'elle de la médecine ? N'y a t'il que les problèmes médicaux qui sont décisifs dans nos vies ? Le discours scientifique nous a t'il objectivé au point qu'il nous soit impossible de concevoir une souffrance subjective ? Pour moi, la maladie mentale n'existe pas. La douleur d'exister oui ! Et ça ne relève pas de la médecine ni de la science...
Alors oui, si une conso génère des symptômes physiques, il y a souvent une dimension technique dans le problème : des histoires de maîtrise de l'injection ou du snif à moindre risque, des enjeux sur le choix des doses et la fréquence des consos, des questions de pureté et d'analyse de prods, etc. Cette dimension-là peut profiter pleinement des connaissances scientifiques et médicales, car l'information technique est cruciale pour les Personnes qui Utilisent des Drogues (PUD). Se les réapproprier dans le contexte précis de l'usage de drogue est tout à fait accessible à la plupart d'entre nous, ceux qui n'ont pas de souffrance psychique ni de symptômes physiques particuliers, et ça constitue une trouvaille majeure de la Réduction des Risques (RDR). Mais pour moi, la RDR ne se limite pas à cela, en particulier pour la minorité de nos camarades qui vont le plus mal. Car bien souvent, quand une personne vit une souffrance psychique très intense, les connaissances techniques de la RDR ne suffisent pas, car les personnes ont du mal à les mettre en oeuvre, tant leur état psychique fait obstacle au désir de prendre soin de soi, et parfois à la transmission même de ces connaissances (sans parler des situations sociales et administratives, ne nous éparpillons pas).
Pour moi, même dans ces cas-là où tout se passe mal, le rôle de la médecine est de soigner les symptômes physiques, mais pas de se mêler de l'intimité de la personne avec le ou les produits qu'elle consomme. Parce que la douleur d'exister, ça n'est juste pas le sujet de la médecine. Ce qui relève de l'intimité ne saurait faire l'objet d'aucune prescription.
Ensuite, je ne dis pas que c'est impossible de rencontrer un médecin humain, qui sait y faire avec la souffrance psychique des personnes qui s'adressent à lui. Mais ce "savoir y faire", il vient du savoir expérientiel du médecin, il vient de son rapport au monde, ça n'a rien à voir avec ses études universitaires. Ca n'est pas du tout un savoir objectif, ça n'a rien à voir avec la médecine, en fin de compte. Dans l'équipe de PA, il y en a un d'exceptionnel, mais voyons les choses en face : sauf erreur de ma part, en bientôt 20 d'existence de PsychoActif, on a trouvé 1 médecin résistant qui se passionne pour la question et qui veut soutenir la cause des PUDs. 1 seul ! En 19 ans... Il est clair que la bienveillance de Prescripteur à l'égard des demandes des PUDs est ultra minoritaire chez les médecins, et c'est bien regrettable.
OliAzary a écrit
La médecine est liée au pouvoir de part le statut du médecin et le savoir médical. Il y a effectivement une tendance à vouloir s'approprier ce savoir pour destituer le médecin. Je pense que ça va dans le bon sens. On voit arriver des "patients experts" et je connais des médecins qui sont très réticents. Personnellement je trouve ça très bien.
Je pense que la notion de "patient expert" trouve vite ces limites, et que ça peut être à double tranchant si on n'y prend pas garde.
- D'abord parce que le "patient expert" reste un avant tout "patient", c'est-à-dire qu'il ne sort pas de ce rapport social de subordination aux médecins, ni concrètement, ni idéologiquement, ni symboliquement. On lui donne seulement une médaille en chocolat pour le gratifier. On tente de l'acheter par une reconnaissance sociale en carton.
- Et ensuite parce qu'il devient un "expert", c'est-à-dire qu'il tire son statut de ses connaissances théoriques, tout comme le médecin. Une fois qu'on a élevé "l'expertise" au rang de valeur suprême, une fois qu'on en a fait l'objet de notre désir, on se retrouve nécessairement pieds et poings liés par les discours médicaux et scientifiques. Car ses discours sont l'expression même de cette logique d'expertise : ils sont des rapports sociaux, médiatisés par l'expertise !
A ce jeu-là, au jeux du débat d'expert, les médecins seront toujours gagnants, et ça prend forcément des formes très concrètes et pragmatiques dans les institutions où travaillent les "patients experts" : ce sont des subordonnés. Au bout du compte, ce qui est attendu d'un patient expert, tu le cernes très bien, et de façon parfaitement cynique :
OliAzary a écrit
Ça permet ce que tu dis, de diluer le pouvoir et il y a des patients plus réceptifs quand ça vient des autres.
Exactement ! Et si on se rend jusqu'aux ultimes conséquences logiques de ce constat, il me semble que le rôle du "patient expert" est de servir de relais du discours médical (addicto ou psychiatrique). Donc au final, le "patient expert" sert d'ambassadeur au médecin : le discours médical prescrit, et quand c'est trop indigeste, il demande aux "patient expert" de faire passer la pilule. Le "patient expert" est bien vu par le discours médical pour une seule et unique raison : il lui sert de passeur de plats. C'est-à-dire que le discours médical est devenu, si abject, si invendable, qu'il faut des "patients experts" pour que les malades s'identifient plus facilement, et se laissent mieux hypnotiser par les prescriptions des psychiatres ou des addictos. Ce sont des appâts, pour que les personnes qui utilisent des drogues mordent mieux à l'hameçon.
Si le patient expert joue le jeu, il se retrouvera tôt ou tard à défendre les prescriptions des médecins (d'abstinence, d'isolement, de neuroleptique, etc.). La position où le discours médical le place fait qu'il ne peut rien faire d'autre, sauf à résister ou subvertir ce qui lui est demandé. Il est là pour convaincre que le médecin à raison, et mieux identifier les concessions nécessaires pour que le discours médical "passe mieux". Au mieux c'est un médiateur, au pire, le porte-parole du médecin.
Le plus émancipateur, selon moi, ça n'est pas forcément de concurrencer les médecins sur leur propre terrain, celui de l'expertise, bien qu'il y ait des enjeux importants de ce côté là aussi. Ce que je trouve vraiment subversif, c'est de reconnaître la valeur du savoir expérientiel, c'est à dire du savoir qui ne se trouve pas dans les livres, et qui ne peut pas s'apprendre à l'université. Si le patient expert sait quelque chose, ça n'est pas tellement parce qu'il a fait un stage et qu'il a bachoté. Ok il a étudié pour devenir patient expert, je ne dis pas que c'est sans valeur, mais il sera toujours battu par les 1er de la classe et les médecins sur le plan des connaissances théoriques, et n'aura donc jamais de légitimité à les contester si c'est sur le terrain des connaissances que ça se joue.
Si le savoir expérientiel a une valeur émancipatrice, c'est surtout parce que la personne a vécu quelque chose, et que c'est ça qui lui sert de moteur et d'inspiration pour son travail. La personne sait de quoi elle parle, et cette légitimité-là, personne ne peut la lui contester.
Mais elle ne permet pas de prescrire ou de conseiller : c'est un savoir de ce qui est vrai pour soi, pas un savoir de ce qui est vrai pour tous. C'est juste que, d'avoir vécu l'expérience que "ce qui est bon pour moi n'est pas du tout ce que me prescrivent les médecins", ça nous permet d'inviter d'autres camarades à prendre au sérieux leur propre savoir, et à oser travailler à l'élaborer ensemble plutôt que de se soumettre au discours médical.
Perso, je ne sais faire cela qu'à travers la pratique de la psychanalyse. Mais dans le travail de l'équipe de PA, je trouve de forts échos avec ma pratique et la dialectique qui la soutient. Prendre pour éthique une RDR non prescriptive et non normative, c'est fonder la "drogologie" sur une valeur qui est très proche de celle de la psychanalyse. Bien sûr, ça reste deux pratiques très différentes, et qui ne peuvent pas converger, à cause de la dimension collective de PA, et de la dimension technique/expertise de la RDR, qui n'est que la partie visible de l'iceberg, mais qui reste néanmoins incontournable. Convergence totale impossible donc, mais la résonance me frappe, et je me dis que PsychoActif est en train d'inventer quelque chose d'important, que je dois absolument soutenir.
Pestilentielement
Pourquoi "avoir besoin d'aide" reviendrait-il à avoir besoin d'être soigné par un médecin ? Toute souffrance humaine relève t'elle de la médecine ? N'y a t'il que les problèmes médicaux qui sont décisifs dans nos vies ? Le discours scientifique nous a t'il objectivé au point qu'il nous soit impossible de concevoir une souffrance subjective ? Pour moi, la maladie mentale n'existe pas. La douleur d'exister oui ! Et ça ne relève pas de la médecine ni de la science...
Bonjour, je dirais que c'est vrai pour l'etat actuel de la medecine et surtout de la psychiatrie. Mais que ce devrait justifier une evolution de la Medecine et de la science plutot qu'un abandon. Normalement la Medecine est definie comme la reponse à un besoin d'aide et un essai de soulagement de la souffrance.(Attention je parle du domaine des soins et pas de celui exclusivement medical) Elle le fait bien pour beaucoup d'affections physiques (infections, maladies cardiaques etc..) mais pas assez bien pour la psychiatrie, la souffrance psychique et pour l'addiction, notamment. Je dirais que la vraie question est "comment faire pour corriger cette insuffisance ?".
"Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain."
https://www.expressio.fr/expressions/je … au-du-bain
(je cite non parce que je pense que le forumer ne comprendra pas mais pour souligner la force d'un proverbe familier.)
Amicalement
Salut Prescripteur !
Ma définition personnelle de la médecine est centrée autour de la notion de prescription. Pour moi, le médecin, c'est celui qui prescrit. Ton pseudo montre que nous ne sommes pas complètement en désaccord là-dessus^^
Mais ma définition, c'est celle de la médecine que je connais : pour moi, c'est la médecine "telle qu'elle est". Je ne dis pas que c'est la médecine "telle qu'elle devrait être".
Pour la psychiatrie, il existe tout un tas de pratiques alternatives, dont je ne peux pas vraiment parler parce que je ne les connais pas vraiment. Mais pour moi, la ligne de démarcation sera toujours : est-ce que c'est prescriptif ? Est ce que ça relève de la suggestion ? Dans l'affirmative, je serais méfiant.
Prescripteur a écrit
Je dirais que la vraie question est "comment faire pour corriger cette insuffisance ?".
Je comprends que tu te poses cette question. C'est une question essentielle pour tout médecin qui se respecte !
Hélas, ils sont très peu nombreux à se la poser.
Dans ta carrière, tu as dû être bien seul...
Et il me semble, enfin, je crois deviner, que ton engagement avec psychoactif reflète un peu ton désir de répondre à cette question.
Ca te travaille !
Et pour moi, c'est ça qui fait ta valeur, et qui te distingue d'une large majorité de médecins : ce genre de questions qui te travaillent ! Notre savoir expérientiel et notre valeur viennent de ce qui nous travaille ! (pour moi, c'est ça la "valeur travail", c'est pas un truc comptable, c'est pas le tripalium ! bref, je m'égare...)
Ca fait de toi un médecin résistant. Au sens politique du terme, comme au sens psychanalytique.
Et la façon dont tu t'y prends, dans ta propre pratique, relève de ton savoir expérientiel, d'avoir été travaillé toute ta carrière par ce genre de questionnement. Ca n'est pas une question universitaire.
Pour moi, la prise en compte de ce savoir expérientiel des médecins par les médecins eux-mêmes, c'est primordial pour fonder une médecine à visage humain : il faut rendre ses droits à l'expérience clinique du médecin ! Mais une conception de la médecine basée uniquement sur la science ne le permet pas. Hélas, je ne peux que constater que ça n'est pas comme ça que le discours médical conçoit son action, et que ça n'est pas comme ça qu'il agit. Il conçoit son action en s'identifiant totalement au discours scientifique. Et il agit par la contrainte, dure ou douce, matérielle ou subjective.
L'expérience clinique, c'est pas les études cliniques hein ! C'est propre à chacun, et ça concerne en premier lieu ce que le médecin éprouve lui-même face à un patient, sur le plan psychique. Si le médecin ne s'y repère pas très bien dans son propre rapport au monde, il ne sait plus de qui on parle entre lui et le patient !
Comment le médecin s'identifie au patient, comment il projette ses peurs sur le patient, comment il gère son désir de le soulager, comment il gère son angoisse que le patient n'aille pas mieux, comment il reçoit la demande d'amour du patient ou bien son agressivité, comment il vie son propre désir de reconnaissance par le patient, comment il gère le conflit entre le désir de reconnaissance par le patient et le désir de reconnaissance par les collègues et les institutions : la liste est très longue.... Et elle me concerne aussi, en tant qu'analyste, dans mon lien avec les analysants. Pour moi, pour faire un travailleur du lien social habile, pour faire un bon médecin, ou à plus forte raison encore, un bon psychiatre, il faut avoir beaucoup travaillé sur ce genre de questions, de sorte à s'y retrouver un peu mieux dans son propre désir, et savoir faire la part des choses.
Parce que sinon, le médecin soulage son angoisse à LUI, au détriment du problème de son patient.
Et c'est ça qui se passe le plus souvent, à l'insu des soignants. Il n'y a qu'à voir le désastre, la véritable déroute thérapeutique qu'on voit quotidiennement dés qu'on fréquente l'univers de la psychiatrie. Et visiblement, c'est pareil en addicto... Mêmes causes, mêmes effets...
Et j'ai vu de nombreux exemples, de gens très bien intentionnés, c'est pour cela que je parlais de la "bonne foi" dans mon précédent message, et que je disais que c'était un drame : j'ai vu de nombreux soignants très bien intentionnés faire de la surmerde pour soulager des personnes. Ca a commencé en psychiatrie, de me poser cette question : "comment en arrive-t-on à merder à ce point là ?" avec son corollaire très angoissant "plus ils ont l'air concernés, plus ils sont impliqués, plus ils sont violents". Ca, je trouvais ça vraiment désespérant... Comment vivre en faisant un constat pareil ? Comment ne pas avoir l'impression d'abandonner mes camarades qui restaient à l'HP ? Ca m'a suivi tout le reste de ma vie, de trouver une articulation à ce paradoxe. Pas des théories, pas des belles paroles, quelque chose qui marche en pratique !
Je pense souvent à toi en te comparant à mon analyste. Lui, pour répondre à la question que tu poses "comment faire pour corriger cette insuffisance ?", il a choisi de renoncer à prescrire. Ca n'était pas de l'idéologie : le savoir universitaire, il y a beaucoup cru ! C'est son expérience clinique qui l'y a conduit. C'est-à-dire qu'il est sorti du discours médical, en tant que lien social de domination, avec la suggestion comme moyen, et la science comme justification. Mais toi, on dirait que ton désir de médecin, il se fonde plutôt sur ton désir de soulager.
En fin de compte, je me dis que ta question "comment faire pour corriger cette insuffisance ?" revient à se demander "comment soigner la médecine ?", et que c'est bien une question de médecin Alors je vais te faire une réponse de psychanalyste : peut-être que la médecine n'est pas malade, peut-être que c'est juste à son désir inconscient que nous faisons face ? Ca rejoint un peu la citation de Nils "le psychiatre a besoin d'un psychiatre".
Comment faire pour corriger cette insuffisance ? Je ne sais pas, mais toi, visiblement, tu en sais quelque chose. Bien plus que moi, puisque c'est ta propre question, et que je suis prêt à parier que pour toi, elle ne date pas d'hier ! Et je t'invite à continuer de nous en parler. T'en penses quoi toi ? Comment tu fais toi ?
Perso, je me demande souvent ce que pourrait faire un médecin qui voudrait "rester médecin". Comment bâtir une médecine à visage humain ? Mais je dois dire que c'est pour le plaisir de la réflexion, car je ne suis pas médecin, je n'ai aucun savoir expérientiel de médecin, donc je n'en sais rien. Sur PA je ne crois pas qu'on cherche à refonder la médecine, mais ça reste un débat parallèle très intéressant. Mais en vrai, c'est plutôt les médecins que ça concerne. Et c'est tout à ton honneur d'être travaillé par les manques de la médecine.
Prescripteur a écrit
la Medecine est definie comme la reponse à un besoin d'aide et un essai de soulagement de la souffrance.(Attention je parle du domaine des soins et pas de celui exclusivement medical)
Alors, je ne sais pas d'où tu sors cette définition, mais c'est probablement celle que tu suis toi, dans ta pratique. Elle est d'autant plus appropriée que tu es médecin généraliste, c'est-à-dire que tu as une pratique où la dimension humaine est centrale. Ta définition a pour particularité de ne pas se fonder sur la science en premier lieu, mais sur le désir d'aider et de soulager. Et nul doute qu'elle n'y est pas pour rien dans ton éthique de travail.
Pour moi, ce qu'il y a de bien dans ta définition, c'est qu'en ne s'appuyant pas explicitement sur la science, elle n'exclue pas le savoir expérientiel. Le problème, c'est qu'elle ne le met pas en avant non plus.
Et elle a ce défaut dialectique de viser "un soulagement". Le désir de soulager pousse à la prescription. En tant qu'analyste, je sais qu'il me faut retenir mon désir de soulager l'autre, pour que quelque chose de nouveau puisse se passer dans sa vie. Bien sûr que j'ai envie de soulager les analysants avec qui je travaille, mais je me retiens. Car sinon, ils vont compter sur mes paroles réconfortantes, sur mes conseils, ou sur mes réponses à leurs questions : ils vont venir rechercher ça, ou ils vont venir contester ça, mais c'est ça qui risque de devenir l'enjeu des séances. Et moi je deviendrai un gourou L'enjeu des séances, ça doit être la parole, mais pas de chercher un soulagement. Entre autres questions qui reviennent très souvent, les analysants se demandent "qu'est ce qu'il me faudrait pour être soulagé". Ca revient régulièrement sous diverses formes. Et c'est très important qu'ils puissent me parler de ça ! Car évidemment, on dit beaucoup sur soi-même à chaque fois qu'on essaye de répondre à cette question là. On dit des choses dont ne se rend même pas compte... Et c'est une question qui ne devrait jamais être refermée, car il manque toujours quelque chose ! Si je les soulage, ils ne pourront plus en parler, c'est comme si je te coupais l'appétit au moment où je te demandais de me parler de ta faim. Il faut les laisser sur leur faim !
En ce qui concerne la souffrance psychique, je pense vraiment que la prescription est la dernière des choses à faire. C'est-à-dire que pour la soulager, il faut d'abord renoncer à prescrire un soulagement, et même, renoncer à le conseiller ou à le suggérer.
Pourquoi ? Et bien parce que toute prescription, tout conseil, ou toute interprétation explicative ... ne peuvent que refléter le désir du prescripteur en premier lieu, et non le désir de la personne qui a besoin d'aide, que ça soit conscient ou non ! La prescription fait obstacle à l'expression de la demande de la personne. Ca n'est pas toujours très grave dans le domaine des maladies physiques (quoi que...), mais c'est crucial dans le domaine de la souffrance psychique, car le désir et ses impasses y tiennent une place centrale.
Perso, je pense que cette insuffisance de la médecine est "de structure", et que nous n'en viendrons jamais à bout. On peut adoucir la médecine cependant, mais les points que je soulève dans mon précédent message ne peuvent, par définition même, être résolus.
Par rapport aux drogues psychiatriques, je pense que le rôle d'une médecine non violente serait de "donner accès" de façon médicalement éclairée, et non de "prescrire". En gros, donner accès en donnant les infos qu'il faut par rapport aux interactions et à l'état de santé du patient. Mais si un psychiatre ne sait faire que cela, son action sera très limitée dans l'obtention d'un mieux-être. Si tu te contentes de donner au patient ce qu'il demande, tu ne fais presque plus rien.
C'est d'ailleurs l'angoisse de pas mal de psychiatres de "devenir des dealers en blouse blanche". Ils parlent sans connaître le métier, car tous les dealers d'appartement que je connais le disent : être dealer, c'est aussi être un peu psy. Tu passes de ta journée à écouter les problèmes des gens et à essayer d'y répondre en étant sympa Je dis ça pour provoquer, car le but visé dans ce cas reste un but commercial. Mais je trouve que ça dit quelque chose quand même, et ça fait bien écho au billet d'Akela.
Si tu ne fais que "donner accès au produit", tu vas te rendre compte que l'essentiel de ton action est dans le lien social avec la personne. Du coup, les connaissances universitaires passent tout à fait au second plan, et c'est le savoir expérientiel qui est déterminant. Pour donner accès à un produit, la plue-value d'un médecin par rapport à un distributeur automatique qui donne des conseils version IA, c'est le lien social, c'est le savoir clinique ! C'est donc ça qu'il faudrait travailler pour révolutionner la médecine, selon moi. Un savoir expérientiel sur le lien social, c'est ça qui manque ! La psychanalyse n'est peut-être pas le seul moyen de travailler là-dessus, mais c'est juste le seul que je connaisse.
Pour moi, la seule médecine humaine possible, c'est une médecine qui rendrait ses droits à ce savoir expérientiel.
Et pour le faire pleinement, il faut renoncer à la prescription. La prescription étouffe la demande de l'autre en voulant y répondre ! C'est comme couper la parole à quelqu'un. D'ailleurs, c'est ce que ça fait, au propre comme au figuré.
La médecine non prescriptive, c'est un paradoxe, je ne vois pas comment ça serait possible...
Pourtant, un prescripteur non prescripteur, ça te ressemble bien
Une aspirine ?
Amicalement .