Hier soir, je rentre chez moi, le bébé dans les bras.
« Coucou, alors, ton rendez-vous ? »
Pas de réponse. Je jette un coup d’œil à Monsieur : aïe, la tête des mauvais jours.
« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Mauvais feeling avec le psy ? »
Ce n’est que le deux ou troisième rendez-vous avec ce psychiatre-là. Même si le contact était bien passé les premières fois, on ne sait jamais.
« Non, non, c’est pas ça. C’est à la pharmacie. Tu sais que j’ai du
Xanax maintenant ? »
Oui je sais. Depuis un petit mois. Après des négociations qui auraient fait passer la conférence de Yalta pour une compétition départementale de bilboquet. Monsieur ne voulait pas, à cause du risque d’addiction. Il sortait d’un
sevrage de Rispedal qui l’avait bien remué, aussi. Mais les angoisses lui donnaient des hallus, qui le fatiguaient, ce qui l’angoissait, ce qui donnait encore plus d’hallus … Il fallait intervenir, d’autant plus que l’antipsychotique était déjà à la dose maximale.
« Ben ils voulaient pas me donner toutes les boîtes à la pharmacie. Parce que le psychiatre il avait écrit « si besoin » sur l’ordonnance. La pharmacienne m’a fait un sermon sur le risque d’addiction, qu’il ne fallait en prendre qu’en cas de grosse angoisse, que c’était pas des bonbons … »
Connasse.
« J’ai essayé de négocier mais y’avait rien à faire, elle ne voulait pas lâcher mes boîtes. Alors je lui ai fait le regard du méchant schizophrène, et elle me les a données. »