Bonsoir,
Beaucoup de réflexions et de doutes me font parfois me demander si je ne me suis pas piégé moi-même sans le vouloir ces trois dernières années.
Pour vous raconter un peu, j'ai passé mon bac série scientifique en 2010, tout s'est très bien déroulé, la mention décrochée et l'heureux personnage qui fêtait cela dignement n'avait aucune idée de la suite qu'il vivrait. Un voyage inattendu pourrait-on dire ? Sacrément inattendu.
Comme certains médecins ou infirmiers, j'ai toujours eu cette vocation de me rendre utile et de soigner les personnes dans le besoin, et mon activité extrascolaire de sapeur-pompier volontaire me rendait fier d'être utile. Je décidais de pousser plus loin en me lançant le challenge de réussir cette première année de médecine tant redoutée des bacheliers, car seuls une partie d'entre-nous irait sur une deuxième année, quelle frousse ce numerus clausus, mais je me disais que je n'étais pas moins doté d'un cerveau que n'importe qui ... et l'année passée à réviser se révéla utile, alors que mes camarades enchaînaient les soirées bien alcoolisées. Quel désastre vous auriez vu.
La PACES, faite et validée, la vague de soulagement. Moi qui étais (et qui suis toujours) toujours à décortiquer la notice de n'importe quel médicament, je m'orientais non pour de longues études de médecine mais avait un penchant pour la pharmacie. Les médicaments, leur mode d'action, comment le cerveau réagit-il, quels récepteurs ... et je ne parlais que de cela. Mais passer ensuite une carrière à délivrer des médicaments en officine, en étant finalement plus vendeur que spécialiste des substances ? Bof c'est pas tellement qui était motivant. La biologie ? Oh grand oui, je voulais y jouer un rôle. Alors c'est ce côté là qui l'a emporté.
Je me suis toujours fixé des challenges et j'ai souvent réussi à relever chacun des défis que je me lançais. "Un jour je serai docteur en pharmacie", qui était une phrase lointaine à laquelle je songeais arriva bien plus vite que prévue.
Quelque chose d'autre est arrivé, imprévu, que je ne pouvais en aucun cas prédire car trop naïf, c'était le burn-out. Un jour j'ai terminé en psychiatrie, automutilé et croulant sous des évènements de la vie qui s'étaient en plus rajoutés : une séparation, un travail colossal réalisé passionnément, mais tout cela c'était trop. Hospitalisation sous contrainte le temps de retrouver mes esprits.
Grand dieu il a fallu chercher et les psychiatres n'y étaient pas arrivés. Persuadé moi-même qu'aucune pathologie me guettait, j'ai su en convaincre les psychiatres de l'époque. Un psychiatre m'a quand même glissé : "et votre jeunesse elle est où dans tout ça ?". C'est vrai les jeunes de mon âge faisaient la fête, sortaient, ils ne restaient pas reclus comme je l'étais à fumer quelques
joints et me contenter de préparer sans cesse des concours ou relever des challenges professionnels.
Le Centre de recherche en pharmacologie anti-infectieuse, d'une ville du sud, m'a recruté, après un concours passé pour entrer au CNRS. Un travail passionnant, de la biologie, tout ce que j'aimais, l'occasion de mettre en pratique des connaissances apprises et tant répétées. Une ambiance géniale, rien à redire, le centre faisait partie lui-même d'un pôle de recherche en infectiologie qui ratissaît beaucoup plus large. Je mets toutes les phrases au passé mais c'est aujourd'hui encore le cas.
Mais voilà que cette phrase du psychiatre me trottait dans la tête et j'ai décidé de sortir et me laisser aller. Faire de nouvelles connaissances mais aussi et je n'ai pas su dire non ce jour-là, prendre un
ecstasy. Oh la vie magnifique m'est apparue, avec ses gens adorables, ce son qui dépotait, j'ai vécu le paradis. On m'a invité à un after, j'ai pris de la
kétamine, on était une quinzaine, grand dieu j'ai adoré cette ambiance et tout ce monde.
J'ai gardé contact et toute la semaine je n'attendais qu'une seule chose : le weekend. Je ne disais jamais non à une trace et je découvrais tout ce que je connaissais seulement en théorie : le
GHB (en
GBL), la
3-MMC, la
cocaïne, le
speed, le
LSD en
festival de trance psychédélique, etc, j'expérimentais tout, je voulais tout savoir. en allant jusqu'à tester tous les modes de consommation y compris l'
IV. Je n'en suis pas tombé directement dépendant, j'étais plutôt dans une optique de découverte et pourtant je savais que même les amis que je m'étais faits me déconseillaient l'
héroïne ... un
speedball où j'ai vomi plusieurs fois mes tripes m'en a dégouté.
Au final je suis allé trop loin dans ma découverte. J'ai décidé de consulter un psychiatre, qui m'a mis un suivi addictologique en parallèle, et ce n'était pas de la tarte. Au début son diagnostic était "trouble de personnalité borderline", avec une addiction aux
benzodiazépines et
cannabis à une dizaine de
joints par jour, y compris les jours de boulot, rapidement je suis passé par la case "bipolarité" pour finir "trouble schizo-affectif". Cela expliquait bien des choses.
Peu de gens ont accepté que j'aille aussi loin dans ma recherche de connaissance pratiques. Beaucoup m'ont laissé, seuls quelques-uns m'ont toujours épaulés. Et aujourd'hui je suis accro à la
3-MMC par voie
IV. Je n'ai pas hésité à en parler au médecin du travail suite à une visite improvisée car je voyais bien que la direction suspectait quelque chose, et depuis quelques mois je suis en arrêt maladie.
Parfois j'ai envie de penser à autre chose, mais je ne vois la vie que par la biologie, la chimie, et j'en suis passionné. J'ai failli tomber addict au
zolpidem, c'est là que j'ai béni les dieux de ne pas avoir choisi la voie d'officine car aurais-je été capable de dire non à toutes ces drogues ? Sans doute j'aurais été repéré et interdit d'exercice à vie.
Les reclus, comme moi aujourd'hui, me demandent des conseils pour leurs préparations. Ainsi tu vois la personne débarquer chez toi avec son
zolpidem et qui te demande comment faire pour l'
IV ... alors grâce à Psychoactif mais aussi ce que je savais, je faisais le nécessaire,
filtre toupie compris. Je donne des conseils et je rationne en matériel stérile une bande qui ne prend pas soin d'elle. Moi j'ai gardé le réflexe, de demander une prise de sang chaque mois, de ne jamais négliger l'hygiène sur une
IV mais quand même ... me voilà piégé.
Jouer avec les médicaments, les drogues, la substance pour être en forme, celle pour avoir sa réflexion au taquet, celle pour baiser, celle pour aller faire du sport, celle pour se détendre, celle pour s'endormir ... Et voilà j'étais un passionné de
base, aujourd'hui je suis un enfermé. Et tout ce fric qui y passe ... impressionnant mais pas décourageant pour autant.
Consciencieux, avec un suivi addicto/médecin psy/psychologue/généraliste ... mais pas tiré d'affaire. J'ai goûté au flash de la
3-MMC, dur de s'en défaire. Tant que ce problème ne sera pas réglé, je ne reprendrai pas mon activité professionnelle, trop d'enjeux.
Spécialiste des produits, pathologie sous-jacente, accro au produit, je fais parfois mes propres ordonnances, un ami me prête son RPPS, j'essaie de ne pas en abuser, et aujourd'hui je tente le max : prochainement un
sevrage bien qu'avec leur
Valium et Atarax je ne sois pas rassuré, c'est trop faible pour gérer le manque. Puis si c'est pour retomber accro au
Diazépam non merci.
J'ai joué, j'ai perdu, voilà c'était à peu près le récit que je peux faire aujourd'hui de cette prison pourtant si exaltante sur l'instant. En espérant dissuader tout consommateur de passer le level de l'
IV, ça n'en vaut pas le coup.
Merci d'avoir lu.