J'aurais voulu écrire un poème punk mais je sais pas ce que ma grand-mère va en penser.
J'aurais voulu parler de ta naissance et de ta mort mais je crois que le monde n'est pas encore prêt.
J'aurais voulu parler vraiment de ta mort mais je crois que le monde n'est pas du tout prêt, non la vérité c'est que je ne sais pas encore comment le raconter.
J'aurais voulu citer Camus mais je crois que je vais citer Beigbeder;
on peut lui reprocher plein de trucs à ce type, mais il a eu le courage d'écrire un truc vivant et réaliste et trash sur le 11 septembre 2001.
Il a expliqué qu'il était impossible d'écrire sur ce sujet mais qu'il était encore bien plus impossible d'écrire sur autre chose ; alors tant bien que mal, il a craché son texte violent, sensible et hard sur le sujet, tant que ce n'était pas fait, rien d'autre n'était possible pour lui. Ecrire la mort.
10h24
J'ignore vraiment pourquoi j'ai écrit ce livre. Peut-être parce que je ne voyais absolument pas l'intérêt de parler d'autre chose. Qu'écrire d'autre . Les seuls sujets intéressants sont les sujets tabous. Il faut écrire ce qui est interdit. La littérature française est une longue histoire de désobéissance. Aujourd'hui les livres doivent aller là où la télévision ne va pas. Montrer l'invisible, dire l'indicible. C'est peut-être impossible mais c'est sa raison d'être. La littérature est une "mission impossible". (F. Beigbeder, Windows on the world", 2005.)
Vous connaissez la fin: tout le monde meurt. Certes la mort arrive à pas mal de gens, un jour ou l'autre. L'originalité de cette histoire, c'est que tous ses personnages vont mourir en même temps et au même endroit. Est-ce que la mort crée des liens entre les êtres ? (Idem)
Ma soeur est morte seule, presque seule car elle était en réanimation dans un hôpital de l'AP-HP, entourée de personnel qualifié
Il y avait aussi moi qui dormais parfois par terre, parfois sur un fauteuil, et qui veillais, parfois les médecins me demandaient de sortir pour réaliser ses soins (essayer de vérifier si elle était enfin en état de mort cérébrale, et s'ils allaient pouvoir récupérer ses organes, surtout), et ils me viraient en me conseillant de sortir un peu du service de réa, de manger et de me doucher.
J'aurais voulu parler de la destruction de ma personnalité,
j'ai compris maintenant un peu de ce qui s'était passé,
La culpabilité m'a tellement rongée
je vois plus trop l'importance d'exister
j'ai décidé de continuer pour les autres mais en moi il y a un vide affreux, attends on va voir à l'intérieur je suis qu'une immense plaie.
Et j'en ai plus rien à foutre de grand chose.
A partir du moment où l'on n'en a plus rien à foutre de soi-même apparaissent de nouvelles possibilités : où se termine l'expérimentation et ou commence l'autodestruction ? Comment trouver la force de se lever ?
Pour ceux que j'aime je m'efforce d'avancer mais je nage à contre-courant, une lame de fond vers le large m''emporte silencieusement et rares ceux qui perçoivent sa force et sa violence, la difficulté de lutter contre une puissance si abstraite, une violence muette mais totalement implacable.
Je suis loin, je suis déconnecté, vous, personnages de mon quotidien, ne voyez que mes manques, mes torts et jamais l'impossible effort que je fais pour ceux qui m'aiment : continuer à exister, ne pas vous asséner le choix de mon suicide, je sais qu'on s'en remet jamais.
Je sais pas si les drogues sont des bouées ou des boulets de plus à traîner.
Mururoa dans ma tête : touchée mais pas (encore) coulée.