La hâte m'attrape. Écrire avant d'oublier.
Mais c'est déjà trop tard.
Mélanges improbables enrayent les heures de ma mémoire.
Pourtant elles restent ancrées dans mes sentiments hors du temps. Dans les bleus sur les mains et les taches de peinture sur les doigts.
Comme une tof que je retrouve le surlendemain dans la galerie du téléphone, il y a des instants fixés à jamais oubliés.
J'ai beau vouloir les enterrer sous les décombres de mon malheur, mais ils deviennent les racines nourricières de mes prises de tête. Sans que je m'en rende compte, sans que je m'en souvienne.
Pourtant, une soirée raide défoncée, à enchainer les traces de
came, fait resurgir des souvenirs enfuis.
Des lointaines ombres sur mon passé tracassé deviennent de morceaux de puzzle. Maintenant je sais où les emboiter.
Je me surprends à enfin donner un sens à mes actions présentes, une trace telle un rayon qui éclaire les recoins sombres de mon cerveau.
Mais avant de la retrouver, la mémoire, je l'avais perdue.
Il y a quelques jours, dans un petit appartement cocon où je me demande maintenant si je vais trouver encore les mêmes caresses, on reste sans
came.
Tous les dealeurs du coin se sont fait sauter, on y gagne une convocation dans la boite aux lettres et pas de plans.
Je flotte pourtant insouciante, visseuse à la main pour construire ma future maison. Et un sourire qui me berce sans cesse me suffit, sans prétentions ni projections dans le futur. D'ailleurs j'ignore s'il y en aura un (mais ça, je n'y pensais même pas).
Bref, il sort se faire dépanner dans la rue. J'entame l'apéro en compagnie, discussions et rouge. Il revient, des plaquettes plein le sac. Des petits cachets de
bupré et deux autres boites inconnues au bataillon.
Je checke vite fait sur PA, malgré le voile alcoolisé sur mes paupières.
Lyrica et
baclofène. Ça a l'air de passer en récréatif. Je fais mine de ne pas considérer les interactions avec l'
alcool. J'en gobe six et quatre.
Complètement incapable de faire un
trip report ordonné, je ne garde que des bribes éparses.
Des couleurs vives, une atmosphère chaude mais presque lucide qui me fait
redrop à plusieurs reprises (c'est mal ça). J'ai juste l'impression d'être bourrée, avec une petite légèreté supplémentaire. Je parle mais je ne flotte pas. Je vomis aussi : le pinard teinte en rubis le wc.
À un moment je rajoute une trace de sub. Sa chaleur douce et aiguisée me donne de l'énergie.
On est déchainés en dansant dans la nuit qui s'écoule. On sort sous la lune, dans un air étonnamment doux pour la fin janvier (ou c'est mon thermostat intérieur qui s'emballe ?).
Des pas sur le goudron calfeutré, j'évite de me sentir épiée par les fenêtres des maisons encore allumées. Complicité osmotique, encore une fois.
On danse, on parle, on colorie nos vies. On renverse la table, on ouvre nos cœurs, on sautille et on s'enlace au rythme effréné des notes. Des verres partent en éclat, l'équilibre est précaire mais assuré.
J'ai du mal à cerner les effets (à part les cernes sur nos visages au petit matin).
Éreintée avec le soleil en plein gueule, je me pose sur le canap à carreaux.
Des images remplissent mes yeux fermés. Comme une bédé avec mille détails, des dessins étroitement tissés s'esquissent sur ma rétine. D'abord en noir et blanc, des bâtiments de ville, puis lentement ils prennent un halo de couleur brillante. Des teintes pastel, comme des milliards de papillons voltigeant dans une plaine aux
DXM.
Encore des détails qui m'échappent, comme ces heures enfuies.
la matinée bien entamée, on se réfugie au lit, je finis par m'endormir pour de bon.
Puis je rentre. Je ne le sais pas, mais il part, relativement loin.
Entretemps, je me retrouve dans une minable soirée
came à attendre le mec qui arrive avec les képas de l'autre côté de la France. La pote qui fait fondre les cailloux chelous dans la cups s'enthousiasme, moi je trouve c'est moyen. C'est peut-être parce que j'ai bossé, je suis fatiguée. Les yeux d'une amie qui moralisent sur ma conso ne m'aident pas à prendre l'envol. Je sais qu'elle a raison, mais je me suffis pour me mettre en garde de moi-même.
Mais ça passe, contente presque de ne pas avoir abusé. Je bosse, doucement mais sûrement alors ça me va.
Une invitation clignote sur mon phone :
speed et fondue au rendez-vous. Je n'ai pas envie de stims et
alcool, je voudrais juste me poser et papoter avec un pote. J'arrive chez lui, je m'affale. Il sort son miroir des beaux jours et j'y vois réfléchies des traces beiges plus longues que mes phalanges.
On tape et on parle, on retape encore et encore et je suis fonsdée comme je ne l'ai été depuis longtemps.
L'alchimie chaude de cette poudre douce a mis des mots sur mes maux.
Ça a jailli comme un geyser de gerbe opiacé. Des souvenirs lointains pourtant si réels, pourtant si vivement brûlés à vif dans ma chair. Je m'étais habituée aux cicatrices en ayant oublié l'origine.
Dans le sable fin de ces cailloux acidulés, même les traumatismes paraissent dicibles.
L'autre jour aussi j'avais ouvert les abimes de mon cœur sur la douleur qui s'était introduite en moi sans consentement. Aujourd'hui, c'est plus moins profond : des égratignures réitérées qui se sont infectées. Purulentes, elles m'infestent encore.
Je perce l'abcès, le pus sur la gueule comme la gerbe sur mon sweat. C'est dégueu, mais ça fait du bien.
Souvenir digéré qui resurgit. Comme des pois-chiches dans le vomi, ça coince encore dans l'œsophage. Mais ça m'allège.
J'ai métabolisé les miettes de mémoire que je gagne et je perds au loto de mes défonces.
À traverse mon vitrail intérieur, tranchant et opaque, j'entrevois enfin un rayon.
À moi maintenant d'assembler le mosaïque de ma vie pour carreler mon avenir incertain.
PS. J'ai cherché vainement une image qui représente mes CVE, mais je n'ai pas trouvé d'illustration qui rendent ce que je voyais...J'ai fini par choisir ce dessin des Muheres Barbadas, car même s'il ne correspond pas aux visuels, ça donne une bonne idée du joli bordel dans ma tête