La rencontre avec l’I.V
Je vais un peu vite car la rencontre avec l’intra veineuse n’aura jamais eu lieu. Je n’en fais pas une étape de ma vie ou un haut degré du rapport entre en soi et la drogue. J’aurai voulu tester le flash, d’héroïne ou de
coke. Ça ne c’est jamais fait, rien de bien grave.
Rien de plus banal de dire que l’I.V est la porte d’entrée dans la société de l’infâme toxico ; le zombie de Romero à coté apparaît plus humain pour ceux qui pensent comme ça.
Le premier contact fut avec un collègue de tafe vieux de plus de dix ans que mois, un boulot d’été dans l’hyper centre parisien. Son frère et sa mère l’avaient sorti du Letten, le pont de Zurich qui marqua à jamais ma génération, en tout cas les ravages de l’héro à ciel ouvert furent une image troublante. C’était un type super sympa. Il n’avait en apparence aucun stigmate, il s’était refait, faisait du sport tous les jours, surtout de la natation et un sport de combat je crois. Il ne touchait à plus rien, ni clope, ni même un verre de vin. Tu sentais que chaque jour il refusait le moindre « produit » qui pouvait le ramener un changement dans son psychisme. C’est vers la fin de juillet qu’il me racontât avec peu de mots son cauchemar. Son petit frère, lui, avait clamsé d’une O.D, ainsi que nombre de ses potes, sa nana, elle, n’a pas su s’en sortir et était décédée plus tard après la fermeture du pont. Il m’a transmis des sensations d’enfer. Dures.
Là, j’ai marqué en moi la « peur » de l’héro déjà et donc de son mode de transmission soit l’I.V.
On n’en reparlera mais tu peux te foutre en l’air autrement que par cette méthode, mais elle possède une forme visuelle que l’on associe souvent aux toxicomanes souvent très maigres, représentant un état physique sinistre, un peu la nozone dont tu ne reviendrais pas. Quand je vois les films de zombies, de monstres à caractères humains je n’ai qu’une vision, celle du tox en fin de vie qui se termine à l’hero.
L’autre rencontre des types qui pratiquaient l’I.V je l’ai eue pas loin de mon lycée, j’étais dans le nord très proche de Paris et il y a eu dans les cités chaudes du 93 (et ailleurs de toute façon) une explosion de l’hero dans les cités, touchant les mômes d’origines du Maghreb notamment (les grands frères des grands frères de mes potes, voire leurs grandss frère). Et là il suffisait de se rendre, accompagné (avec ma tête de petit blanc bien poli ; impossible d’y aller seul !), au Franc –Moisin, aux 4000 à La Courneuve pour voir tout simplement des types que se piquaient au niveau des caves, des poubelles, et même parfois tout simplement devant l’entrée du bâtiment, ils se faisaient virer, frapper par les gosses bien plus jeunes. C’était assez brutal à voir.
La chose la plus glauque qu’il m’ait été donné de voir était à Paname, pas loin de la gare de l’est. Un immeuble squaté. De soirées en soirées j’avais atterri je ne sais comment avec un gars (le pote du pote du pote) afin de l’accompagner dans un squat plutôt d‘artistes pour récupérer de la dope (plus la mémoire de laquelle).
Moi de toute façon, je tournais à l’alcool voire un peu de
shit, mais pas plus. J’ai donc suivi ce type avec qui je délirai bien. Puis nous avons ensuite basculé vers un autre squat, et là pas d’artistes du tout. C’était un bâtiment délabré (en plein Paris), et au lieu de monter aux étages, tu y descendais, pour atterrir rapidement dans les premiers sous-sol, et chose la plus incroyable, et très cinématographique à la fois, nous sommes passés par un mur défoncé, puis des couloirs mal éclairés (genre un jeu video style resident evil), et d’autres murs pour enfin arriver dans un parking complétement dans l’esprit guerre post industrielle. Pendant le chemin et surtout dans les escaliers nous avons rencontrés des types comme moi (petits étudiants), certains faisaient un peu les « videurs », et mon pote de circonstance semblait se démerder pas mal, puis parfois tu avais des mecs de je ne sais quelle planète, le visage émacié, d’autres normaux, et dans le parking il y avait des toxico (j’emploie ce terme car il porte malheureusement lui une connotation visuelle forte mais aussi un état physique caractéristique) . Un monde d’une violence franchement inouïe. J’en ai vu (même des femmes) se faire massacrer au sol.
Et là j’en ai maté des seringues dans tous les coins, des tox ravagés qui dormaient ou se piquaient ou l’un d’entre eux se faisait baiser contre les piliers. J’étais dans le brouillard car bien bourré mais aussi comme anesthésié par ce décorum, cette ambiance en plein Paris (Ôh la belle ville lumière avec ces délices pour touristes et ses sourires de politiciens vrp). J’ai voulu rapidement en sortir de ce lieu, mais j’ai attendu que mon guide soit servi, c’était chiant, oppressant, j’étais tétanisé vers la fin. J’ai fermé ma gueule tout le long. J’ai cru comprendre qu’il cherchait des cailloux (je ne connaissais absolument pas cette drogue).
Encore une fois un rapport entre l’I.V et une déchéance impressionnante, voire terrifiante. J’ai lavé mon cerveau de ces images, aucun trauma. Un jour je me suis même dit que j’avais rêvé.
A partir de là le lien entre l’I.V et la drogue ne pouvait être que mortifère ou en tout cas comme une
descente qui menait vers l’enfer et parfois la mort, mort que l’on entendait siffler, untel t’annonçait la mort d’untel par O.D.
Il y a eu, et je ne sais quand un gros break, c’est-à-dire que je n’ai plus été en contact de personnes prenant des drogues que l’on pourrait qualifier d’addictives et qui pouvaient vite installer un environnement parfois glauque.
Arrivèrent les soirées
bédo entre potes, les soirées « groupe de musique » qui à elles seules monopolisaient 90% des week end où l’on jouait des heures dans notre salle de répet, des concerts, des tremplins, des voyages. Finis l’héritage des anciens avec leur punk, leur zique, leur autodestruction qu’indirectement j’aivai vécu par le grunge (qui insufflait un esprit assez dépressif). Ce fut assez disons préventif pour moi.
S’installa une autre époque. Le module techno-club-internet et un peu les
festivals (surtout l’été). Mais tout se passait à Paname. Donc un roulement de connaissances, un renouvellement impressionnant de connaissance. La vie ne devenait qu’une histoire de forum de discussion et tout ça dans l’univers électro. Puis le week end : le trio appart-soirées-after. Je tafais aussi et n’habitais plus chez mes parents. Je te dis ça car je n’avais plus de nouvelle de tout ce qui pouvait toucher à la « fin des année 80 au début des années 90 » soit les ravages de l’héroïne.
Il y a eu la révolution internet qui ne l'oublions pas à détruit les frontières.
C’était maintenant le grand mouvement : Techno, lgbt, excta,
poppers,
speed, dj, after et bien entendu l’explosion du SIDA encore très marqué par une couleur gay, mais nous les hétéro commencions à faire attention… puis plus du tout, misant sur une forme de confiance du groupe, des uns et des autres et à un moment donné sur une contre réaction, le relapse (au départ un mouvement gay) où couplés à la
mdma nous avions marre de la peur du sida, avoir ses capotes sur soi etc etc… un peu aussi dans une démarche « fuck le système », un « ici et maintenant », bardé de postmodernisme, soutenu par des soirées de bonheur de jouir d’être-là et très honnêtement (j’y pense maintenant, étonnant la mémoire) c’est l’effet 11 septembre 2001 qui remit le nuage sombre, mais pas que ça.
Mais pour moi la drogue ne devait être que réservée à la fête, au sexe, à l’évasion donc ça tournait entre la
mdma puis les expériences sous champi voire
LSD vers la fin. Tout cela n’a pas duré 10 ans parce que rapidement il y a eu des dégâts. Pas ceux de l’héro, pas ceux de la
coke. Ceux de la
mdma et d’une certaine manière de la
weed (un peu après). Je juge à la « louche » mais les gros fêtards tombaient (moi y compris !) comme des mouches au bout de 2 à 5 ans, vidés de teuf et le cerveau où il ne devait rester que deux pauvres grains de
sérotonine… c’était le grand village dans les nuages et à la fin des soirées de dépressifs voire une forme de nihilisme.
Puis pour moi un retour aux soirées
weed, plus personne ne gobait du
taz dans mon entourage (j’avais sérieusement arrêté, par contre ça fumait à nouveau de la sativa saturée de
THC. La
coke étant trop chère et pas super bonne sur Paris, elle n'était pas choisie comme drogue standard. Quant aux soirées techno, beaucoup sont devenus des petits branleurs de chroniqueur de soirée, soit avant ils dansaient comme des gens heureux, des années après, ils se la jouaient « journaliste » de telle daube hebdomadaire ou blog et balançaient leur morgue sur les dj de la soirée… Puis les générations remplacent aussi les autres. La
mdma était aussi paradoxalement plus difficile à trouver. Avant tu avais tout en club, Au rex, au pulp, en after, puis les vigils ont commencé à avoir des consignes et c’est devenus difficiles. Des
taz de merde. Il fallu que les dealer se réorganisent, mais je n’étais déjà plus dans ce trip.
Ma vie a changé, j’ai quasi abandonné les teufs après quelques épisodes puis est arrivé le temps de passer à l’âge d’être papa (va faire des after et le lendemain t’occuper d’un bambin ?) puis j’ai basculé vers une drogue plus mondaine : la
coke, qui fera un sujet voire deux à part entière.
Je n’ai pas terminé avec l’I.V qui est le fil conducteur de ce post.
Toute la première partie fut une description très noire et sombre de l’I.V. Puis voilà qu’une rencontre et une autre me font découvrir des gens qui se font, parfois, quelque fois des I.V. De façon plus ou moins contrôlée dans le sens où la drogue utilisée est addictive, ou sans I.V d’ailleurs la drogue est dans le monde des « drogues qui font peur, comme le
crack ».
Untel a pris de l’héro plusieurs fois, l’autre s’est fait parfois des fix, l’autre a touché au
crack, un autre a testé plusieurs fois la
Meth. Bref, on te fait le récit, le fameux flash. Je n’ai jamais eu de discours angélique et sans responsabilité qui aurait décrit l’expérience comme banale avec un fort encouragement d’y aller. Non, il y a toujours eu des conséquences sur les uns et les autres mais tout à fait différentes de celles que je connaissais et qui ne pouvaient être que tragiques voire mortelles. Tous s’en était sorti avec comme prix à payer une dépendance pas simple à gérer, quelques rechutes mais, et selon les cas, une vie sociale pas trop déstructurée. Donc les uns et comme les autres te prévenaient sur les risques.
Autre point important. Suite à un désir de quitter mon milieu professionnel, je me suis fait une année sabbatique (licencié quoi et au chomdu), puis j’ai repris et je me suis à nouveau « offert » un autre environnement, soit une année en tant qu’étudiant infirmier. J’ai passé les concours, je me suis fait volontairement licencié et à l’époque (2007) si tu avais 24 mois de tafe, tu pouvais bénéficier de tes allocations chômage sur les 3 années d’études. Je savais que je n’irai probablement pas jusqu’au bout, car en tant qu’infirmier je gagnerai deux fois moins, et sur Paris c’était difficile (avec en plus un enfant et un second qui arrivait).
Mais pendant cette année j’ai pu approcher l’hôpital, les cours, la prévention, tout un tas de sujets propres aux soins et aux patients, puis les actes comme piquer. Et je suis lors des derniers stages en hôpital devenu un bon piqueur, assez fier d’ailleurs. Mais il n’y avait pas que ça, c’est de l’anecdotique. Il fallait en fin d’année proposer un sujet de mémoire et j’ai eu au bout de six mois la petite révélation, plutôt que de choisir une thématique assez classique, je me suis dit, prend un truc qui te motive, te passionne. La douleur ? mouais, trop fait, le soin post machin ? alors… ?
Le soin aux personnes toxicomanes en gros. Moi qui étais très intéressé par l’univers des drogues, j’allais cibler mon désir de soin vers les personnes dépendantes des drogues. Forcément cela impliquait une connaissance des drogues, de leur effets, de leur dégât et surtout de ne pas regarder les patients comme des choses malveillantes ou inhumaines, chose assez rare de le milieu hospitalier. J’en ai rencontré, relations sublimes, émotions très difficiles à gérer car certaines situations sociales, existentielles (voir ce site par ailleurs) sont terriblement dramatiqus . Puis le dernier jour du dernier stage j’ai réfléchis, et je suis retourné dans mon milieu professionnel initial.
Mais tout ceci est un peu superficiel et futile quelque part, mais à force d’avoir piqué des dizaines de dizaines de patients, l’I.V n’était plus un acte morbide ou comment dirais-je lugubre, mais une simple pratique certes très intrusive et nécessitant un protocole de soin rigoureux. C’eut été important si j’avais été infirmier.
Cela dit je n’ai pas envie de me piquer et m’envoyer quoique ce soit mais, j’avoue que parfois, sous bonne conduite, tenter de goûter une fois de ma vie le flash, m’intrigue toujours.